EDEN

« La haine n’est qu’une émotion, tout comme l’amour, il dépend de ce que l’on en fait. »

David était venu nous voir tous les jours jusqu’au réveil de Elleryn. Il vint nous chercher pour sa sortie et la mienne aussi par la même occasion. Il nous accompagna jusqu’à la chambre où je fis la connaissance de ses colocataires, Annabelle et Sefora. Le frère de Neithanel était complètement aux petits soins avec Elleryn, il était tellement heureux de retrouver son amie d’enfance et qu’elle soit en vie qu’il en faisait des tonnes.

De plus, ce matin, mon corps était devenu bizarre, plus consistent, au point où Eller pu me voir. Elle m’invita à dormir avec elle, ce qui, je devais bien l’avouer, me fit un bien fou. Elle ne me posa aucune question, chose que je trouvai plutôt étrange.

Je me sentais apaisé par la présence d’Eller et le fait d’être aussi proche d’elle dans son grand lit que l’on partageait me fit me rendre compte qu’elle était d’une grande beauté. Une peau aussi dorée que le caramel, hésitant parfois avec le chocolat au lait, des longs cheveux bouclés et des yeux d’une couleur étrange. Indescriptible.

Je ne me souvenais toujours pas de mon identité ni de ma vie. Tout restait très flou, la seule chose dont j’étais sûre, c’était que je ne pouvais pas quitter l’école. J’avais essayé, plusieurs fois mais impossible. Je levai les yeux vers la pièce dans laquelle je me trouvais, je vis Elleryn endormi dans un lit près de celui de Sefora. Je ne sais pourquoi mais je me sentis en sécurité.

- Debout !

Soudainement, la porte s’ouvrit violemment. J’assistai au réveil brutal de la part de la part de plusieurs élèves dont Rebecca accompagné d’un surveillant envers Elleryn, Annabelle et Sefora.

- Je croyais que le réveil c’était à 6h 30 ? demanda Elleryn en frottant ses yeux.

- Pas pour vous\, vous devez préparer la pièce pour le cours que vous aurez avec les 3ᵉ années\, soupira Natacha\, quelle idée stupide de nous mélanger avec des gens comme vous !

Je la fusillai du regard, pour qui se prenait-elle franchement ? Qu’entendait-elle par des « gens comme nous » ? Natacha et Sefora se mirent à se disputer car cette dernière contestait ses ordres. Elleryn les observait en riant, tout cela semblait simplement l’amuser énormément.

- Si vous avez fini\, fermez la porte en partant\, marmonna Sefora.

- Tu parles à qui comme ça ? pesta la dénommée Natacha. Pour la peine\, vous serez de corvées supplémentaires pendant toute la semaine ! Maintenant descendez à la cafète rejoindre les autres nouveaux\, vous devez dresser la table avant l’arrivée des élèves !

- Il est hors de question que je joue les servantes...

- Ne sois pas insolente\, la prévint Natacha. Si tu me réponds encore\, je te fais virer !

Sefora la fusilla du regard en serrant les poings mais elle ne lui répondit pas. Natacha esquissa un sourire satisfait puis ajouta avec un air de triomphe :

- Tu n’es qu’une pauvre Sans-rang sans aucune importance\, fais attention à la façon dont tu me parles ! Tu n’es rien alors que j’ai tous les pouvoirs\, ose encore me tenir tête et je te tue !

J’enfilai une des tenues d’Elleryn, un des survêtements qu’elle portait tout le temps. Toutes les autres filles portaient un uniforme composé d’une courte jupe avec une chemise blanche et un blaser portant l’emblème de leur école Royalty. Certaines avaient des pulls à col V ou des ensembles absolument magnifiques composés de robes, shorts, etc.

Royalty était la meilleure école au monde mais aussi la plus chère, elle était réputée car c’était l’établissement dans lequel les Barme envoyaient leurs enfants. Depuis la mort de l’Empereur mondial, il y a trente ans, le Clan Barme avaient pris le contrôle du monde. J’avais appris leur histoire en lisant avec Eller pendant qu’elle était en convalescence.

À l’origine, l’Empire avait six Clans mais après des guerres, quatre Clans avaient subitement disparu avec l’Empire. Désormais, il n’en restait que deux dont un qui contrôlait quasiment le monde entier : les Barme.

Royalty fonctionnait par un système de hiérarchie, c’est-à-dire que les élèves avaient tous un rang. Les nouveaux étaient des sang-rangs. Les classes étaient séparées en deux, la classe A avec les meilleurs élèves et la classe B avec le reste. Le seul point négatif de cet endroit était le caractère exécrable et arrogant des élèves, principalement les rangs supérieurs.

- Elleryn\, tu es sûre que tu ne veux pas porter ton uniforme normal ?

- Je suis bien plus à l’aise comme ça Annabelle\, répondit-elle en riant.

Un surveillant vint les chercher et les ordonna d’obéir aux ordres de Natacha. Je descendis donc avec elles en bas pour les corvées. Une vingtaine d’élèves travaillaient déjà. Les surveillants observaient tranquillement la scène comme si c’était normal, pire même, l’un d’eux apporta à Natacha son café. Non mais sérieusement, dans quel univers avais-je atterris ?

- Qu’est-ce qui se passe si on perd tous nos points ? demanda Elleryn en regardant son bracelet qui affichait 80. Natacha nous a déjà retiré 20 points pour ce matin...

C’était un bijou très beau, l’esthétique faisait que si on ne le disait pas, il ne ressemblait pas à un outil de contrôle et de surveillance, mais c’était en réalité ce qu’il était. Je n’en connaissais pas toutes les spécificités mais Annabelle nous avait déjà dit que cela permettait au personnel de l’école de savoir où se trouvait chaque élève.

- Nous sommes renvoyés\, répondit Sefora.

- Et c’est qui ces filles ? demandai-je en me tournant vers elles.

Elleryn reposa ma question à ses colocataires. Elle semblait avoir compris qu’elles ne me voyaient pas et ne m’entendaient donc pas non plus. Je lui fis un sourire reconnaissant.

- Ce sont les rangs B et A\, les tout-puissants de Royalty\, ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent\, même le directeur leur obéit\, ce qui est le contraire des autres rangs\, expliqua Sefora en réfléchissant.

- Je sais qu’il y a sept rangs A\, tous des membres de la noblesse\, répliqua Annabelle\, à part les professeurs et le directeur\, ils sont les seuls qu’on appelle par leurs titres ! Quand on parle d’eux\, on fait référence aux Sept...

- Qui sont-ils ?

- Il y a deux absentes dont la grande sœur de lady Harzbourg qui est un rang A comme vous le savez déjà ! Il y a aussi les Cornwall\, le frère ainé porte le titre... c’est lui qui s’est occupé d’Elleryn... le Duc de Devonshire...

Natacha était une baronne, son nom de famille était Ortiz mais quand on s’adressait à elle, on utilisait son titre et le nom du domaine de sa famille “Harzbourg”. Il en était de même pour David qui était le Duc de Devonshire, bien que son nom de famille était Cornwall et Barme.

- Tous les Cornwall ont un titre sauf un\, murmura Annabelle en surveillant les alentours. Il est le chef des rangs A. Le premier des Sept\, ici donc on l’appelle par le même titre que les titres des deux autres Cornwall.

- Et Narcis ? Tout le monde l’appelle “S”...\, voulut savoir Sefora\, qu’est-ce que ça veut dire ?

- Il est LE rang S\, le seul qui ait eût une note parfaite à notre examen annuel.

On regarda Annabelle avec étonnement, d’après la rumeur, cet examen était tellement difficile que seuls un tiers des élèves de l’école avaient une note au-dessus de la moyenne. Elleryn baissa les yeux vers le téléphone qui se tenait dans la poche de son sweat.

Je reconnus Ethan lorsqu’elle le sortit, David nous avait dit que c’était le téléphone de Narcis. Ce qui me fit froncer les sourcils. Pourquoi avait-elle le téléphone de la personne qui avait tenté de la tuer ? Elle reconnut l’appelant car elle esquissa un sourire de joie et s’éloigna de ses colocataires qui continuaient à parler. Elle décrocha :

- Oncle Dan !

- Bonjour Eller\, tu vas bien ? Je suis désolé pour ce qui est arrivé\, Nars est insupportable\, s’il m’écoutait\, je l’aurais appelé mais ça ne fera qu’aggraver les choses !

- Ne t’inquiète pas\, ça va aller\, rétorqua-t-elle en jouant avec ses cheveux.

- Tu ne dois pas avoir peur de Nars\, lui conseilla ce dernier\, je sais que cela sera difficile mais je suis sûre que tout s’arrangera !

Elle se leva et fit quelques pas vers un petit balcon. Je ne comprenais vraiment pas ce qui se passait ni quel était le lien entre Elleryn et Narcis. Elle inspira profondément avant de dire :

- Je... merci...

- Je sais. Sois forte\, ça va s’arranger... je viendrai bientôt vous voir.

- D’accord\, merci oncle Dan\, à bientôt.

Elle raccrocha, me tendit Ethan. Elle retourna rejoindre Sefora qui était toujours en train de parler des rangs supérieurs. D’ailleurs, Annabelle lui disait :

- Il y a des rumeurs sur lui. Il paraît qu’il y a une pièce dans ses appartements dans lesquels personne n’a le droit d’entrer et... chaque fois qu’il y a emmené une personne contre qui il était en colère ! Cette personne n’en est jamais ressortie...

La porte fut ouverte par un surveillant suivi par Neithanel. Je souris, je ne l’avais pas vu depuis le jour de mon arrivée, j’eus l’impression que ça faisait une éternité. Il avait été le seul à être chaleureux avec moi, ce qui était rare dans les parages.

- Excusez-moi de vous déranger les filles mais puis-je vous parler princesse ?

Sefora se retourna vers lui. Annabelle qui ne cessait de parler des rangs sup avait donné beaucoup de détails à Elleryn sur eux. J’avais donc l’impression de tous les connaître. Celui que j’avais pris pour un simple danseur quand je l’avais rencontré en arrivant ici. Neithanel Cornwall, n’était autre que le petit-frère du joueur de football David Cornwall, Duc Devonshire, et de la célèbre actrice Jemellia Cornwall, Comtesse de Sutherland.

Cadet de Daniel Barme, un dirigeant primaire du Clan Barme, l’adolescent était destiné à devenir un jour dirigeant, sans parler de son titre de noblesse. Car d’après Annabelle, Neithanel était un comte.

- On m’a informé que vous ne souhaitiez pas changer d’appartements...

- Je suis très bien ici mais j’ai faim\, pourriez-vous m’apporter à manger ?

- Bien sûr\, je vais vous faire livrer un repas pour vous ainsi que vos colocataires !

Neithanel sourit. Je crus que mon cœur allait cesser de battre tandis que je frissonnai. Comment était-il possible qu’il soit aussi beau ? Ça devrait être tout simplement interdit qu’un homme ait un charme pareil. Il quitta les lieux, Annabelle lança un regard étrange à Sefora qui le remarqua et lui demanda :

- Il y a un problème ?

- Tu ne devrais pas donner des ordres à Neithanel\, si les rangs supérieurs t’entendent\, tu vas avoir des problèmes ! Il est intouchable !

- C’est mon majordome\, répliqua-t-elle\, il est à mon service !

Annabelle la regarda d’un air horrifié. Sefora fronça les sourcils en la voyant réagir ainsi. Elle allait parler mais le rire d’Elleryn attira son attention ainsi que la nôtre par la même occasion. Elle leva les yeux vers Sefora, avec une lueur étrange, comme un avertissement silencieux qui me fit froid dans le dos car cela ne collait pas du tout avec l’image pleine d’innocence qui se dégageait toujours d’elle.

- Sefora\, Neithanel n’est pas une majordome. Il est un des futurs dirigeants de la première famille des Barme\, le quatrième héritier du Clan tout entier\, un héritier primaire de la famille Cornwall et il porte le titre de Comte comme sa sœur Jemellia ! Pire\, ici\, il est le chef des Sept !

Le visage de Sefora devint tellement pâle que je crus qu’elle allait s’évanouir. Elle venait de comprendre que la personne qu’elle avait envoyée lui chercher de la nourriture était un des futurs dirigeants de sa famille. Un des jeunes hommes les plus puissants de la planète.

Annabelle sortit un magazine du tiroir de sa commode et se mit à le feuilleter avec Sefora, le journal parlait de la famille de Neithanel, le Comte de Nobatie. Elleryn se leva en grimaçant, elle prit appuie sur le mur et quitta la chambre. Je la suivis.

Elle attendit d’être à l’extérieur pour sortir le téléphone de Narcis et composa un numéro. Elle marcha lentement tout en écoutant la tonalité de son appel. Elle se mordilla la lèvre, ce qui attira mon attention. Plus l’appel durait et personne ne répondait, plus elle semblait troublée. Ses yeux se remplirent de larmes tandis qu’elle faisait les cents pas.

Elle marchait si rapidement qu’elle bouscula quelqu’un. Elle se releva et se retrouva nez à nez avec Narcis. Je me raidis. De toutes les personnes qu’on aurait pu croiser ce soir, il fallait que l’on tombe sur la personne qui avait tenté de la tuer quelques heures plus tôt.

Elle leva les yeux vers lui et rougit. Narcis la toisa sans aucune réaction, ce qui me surprit. Il paraissait comme perdue, dans les vapes, pas dans son état normal. Et pour preuve, il portait un vêtement bizarre, on aurait dit une blouse étrange. Elleryn se releva alors qu’il faisait de même.

- Vraiment\, je suis désolé\, je ne regardais pas devant moi et...

Narcis la regarda encore avant de sortir un mouchoir en soie bleu pâle de sa poche et sécher avec tendresse les yeux larmoyants d’Elleryn qui était aussi surprise que moi. Hier encore, il avait tenté de la tuer et là, il lui essuyait le visage. Sans rien dire.

Au même moment, un bruit assourdissant se fit entendre. Je levai les yeux et vis un hélicoptère qui se posa derrière nous. Narcis scrutait toujours Elleryn avec un air étrange. Mon regard passa d’Elleryn à l’hélicoptère qui allait décoller.

Je n’étais pas en train de rêver, Narcis avait bien tenté de tuer Elleryn puis il avait essuyé les larmes avant qu’un hélicoptère ne vienne le chercher. Non mais sérieusement, j’étais tombé dans un univers parallèle ou quoi ? Même sans souvenirs, tout mon être ne cessait de me faire sentir que tout ce que je voyais et vivais ici, n’était pas normal.

Sans savoir pourquoi, je suivis Narcis. Mon corps alla le rejoindre sans même que je ne puisse intervenir. Je me sentais comme irrémédiablement attirée par lui sans comprendre. Et comme si ça ne suffisait pas, je commençai à faiblir, haleter.

- Tu forces trop\, soupira une voix familière.

Je me tournai vers le pilote, c’était N avec son masque. Je fronçai les sourcils, de quoi parlait-il encore ? Je me concentrai sur mon souffle afin de me calmer. L’appareil se posa sur ce qui semblait être une tour étrange. N emmena Narcis jusqu’à une chambre où ce dernier s’installa sur le lit tout en bâillant. Il paraissait toujours dans les vapes.

- Narcis ?

- Quoi ? bougonna-t-il en regardant par le grand hublot.

- Ça ne te semble pas bizarre que je sois invisible ?

Il ne répondit pas. Au même moment, la porte s’ouvrit sur Neithanel. La première chose qui me frappa fut sa tenue, il portait un kimono rose avec un pantalon en soie qui se mariait parfaitement avec son teint chocolat. On aurait dit une toile vivante.

- Mon amour\, s’exclama-t-il.

- Nars refuse de parler à En.

- Eros\, pourquoi ? Je sais que tu me boudes mais tu es malade\, j’aimerais savoir si au moins\, tu vas bien...

- Nao sei\, cansado...

- Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi es-tu fatigué ?

Narcis se mordilla la lèvre inférieure et croisa ses bras. Il marmonna qu’il se sentait bizarre. Il ne ressentait jamais rien habituellement mais aujourd’hui, il ressentait des émotions.

- Narcis veut juste fermer les yeux et oublier de nouveau qu’il est humain... En\, les démons du passé reviennent hanter... hanter...

- Tu repenses à « elle » ?

Narcis virevolta vers Neithanel et lui lança un regard tellement glacial que ce dernier eût un mouvement de recul. Je fis de même, je n’avais aucune envie de me retrouver entre eux, l’incident avec Eller m’avait suffi.

- Ne le prends pas comme ça... pourquoi refuses-tu de parler d’elle ? bredouilla Neith.

- Ça fait quatre minutes\, le joker est fini\, au revoir !

Neithanel soupira avant de tourner les talons. Ils s’étaient disputés et ne se parlaient plus depuis un moment. Sauf qu’à cause d’une promesse, Neithanel avait fait jouer un « joker », un droit de trêve qui ne durait que quatre minutes.

- Je m’en vais mais sache qu’oncle John a donné des ordres\, toi comme moi devons retourner à Royalty ! Soigne-toi bien mon amour...

- Elle part aussi\, ordonna Narcis.

Avant même que je ne puisse réagir, je me retrouvai auprès de Neithanel qui éclata de rire. Il lança un regard amusé à Narcis et conclut :

- Si tu veux mais tu sais que nous finirons par parler d’elle aussi. Bye.

Neithanel prit l’hélicoptère et m’emmena de nouveau à Royalty. Je tombai de fatigue et me sentais encore plus faible que tout à l’heure. Comme une bouteille que l’on vidait.

- Tu me connais ?

- Tu as besoin de dormir\, m’informa Neithanel en ignorant ma question\, mets-toi à l’aise...

Je m’allongeai au premier endroit que je trouvai. Mon nouveau voisin rit et je sentis mon corps flotter jusqu’à un lit. Mes yeux se tout seuls tandis que j’avais l’impression de m’endormir sans vraiment le faire.

Il était exactement 3h 33 lorsque je vis une silhouette s’approcher de Neith qui s’était assoupi sur un lit dans le balcon. La chambre de Neithanel était spéciale. Malgré la luminosité très basse, je n’avais pas pu m’empêcher de voir qu’il y avait cinq lits, oui cinq. Elle s’allongea près de Neithanel qui repoussa son visage. Il inspira profondément avant d’allumer la lumière.

- Essaies-tu d’abuser de moi\, petite sœur ?

- Mais non voyons\, répondit une voix féminine en s’allongeant à côté de lui\, je m’ennuyais de toi. Tu as visité... n’as-tu pas ressenti une impression étrange ?

Neithanel leva les yeux au ciel avant de soupirer. L’inconnue avec lui était une fille qui me fit penser à David, elle lui ressemblait tellement que je compris que c’était sa sœur. La seule fille des Cornwall, la Comtesse.

- Mel\, que me vaut l’honneur de ta présence ?

La dénommé Mel se pencha vers lui. Je fronçai les sourcils, perdue, tentait-elle vraiment d’embrasser son frère ? Elle sourit en approchant ses lèvres de celles de Neithanel mais ce dernier recula en répliquant :

- Je ne suis pas des ceux que tu embrasses à tout bout de champ ma sœur chérie !

- Pourquoi tu te refuses à moi ? Je ne veux qu’un baiser de toi...

- Et toi\, pourquoi te refuses-tu à moi ? Je ne veux qu’une nuit de toi...

Ils se défièrent du regard puis sourirent. Amusés. Je les regardai d’un air dégoûté, étaient-ce vraiment des frères et sœurs qui avaient ce type de conversation ? Je sentais que s’ils continuaient, j’allais vomir. Mel soupira avant de s’étirer avec grâce, tout en marmonnant qu’elle avait un pari à gagner.

- Faisons un nouveau pari grand-frère. Je m’ennuie.

- D’accord...

- Je te parie que tu ne seras pas capable de conquérir ta nouvelle fan\, celle qui n’a d’yeux que pour mon ex ! La pauvre... alors que lui n’arrive même pas à m’oublier quoiqu’il en dise...

- Tu as peur que Julia te le voles ?

- Natacha\, elle s’appelle Natacha ! Et je n’ai pas peur d’elle\, assura-t-elle\, elle ne m’inquiète absolument pas ! C’est juste que je ne la supporte plus ! Je pourrais m’arranger pour la virer mais je préfère te laisser faire ! Joue avec elle si tu le peux et je veux une preuve...

- Une ****-tape ?

- Nullement\, seulement quelques images\, déclara Mel en riant\, brise son cœur\, pousse-la au suicide de la pire des manières\, un truc grandiose si possible ! Je m’ennuie...

- Tu es vraiment méchante\, se moqua son frère. Si tu gagnes\, je te laisserai m’embrasser...

- L’enjeu n’est pas assez alléchant voyons Neith\, je ne joue que si ça en vaut la peine\, tu le sais bien. Et t’embrasser est tentant mais pas assez amusant.

- Je me donnerais à toi...\, proposa Neithanel en souriant.

- Tu essaies encore de m’avoir\, manipulateur ! Voyons chéri\, je sais bien que te donner à moi équivaut en fait à ce que je me donne à toi et donc que je perde mon pari contre toi et tes machiavéliques cousins\, et ça\, il n’en est pas question !

Neithanel partit dans un fou rire avant de se redresser. Il se leva et se servit à boire pour Mel et lui en marmonnant :

- Serais-tu en train d’avouer que tu as peur de succomber...

- Ne te moque pas de moi\, bougonna-t-elle en s’asseyant sur la table.

- Je te taquine sœurette\, il est vrai que je suis le plus dangereux pour toi. Isis ne fera rien et Eros\, on sait comment il est ! Si tu gagnes\, je convaincs Nars de jouer innocemment avec toi\, promit-il en l’attirant dans ses bras.

- Alors en échange\, je veux aussi te voir conquérir le cœur de Johanna...

- Johanna et moi sommes amis\, je ne la draguerai que si je t’ai en échange !

Mel fit une moue boudeuse qui fit encore plus rire Neithanel. Il lui donna son verre, ils trinquèrent puis burent le tout avant qu’elle ne soupire :

- D’accord\, oublions ton « amie » mais tu sais...

Neithanel se tourna vers son sac qui vibrait, son téléphone clignotait à l’intérieur. Il se leva aussitôt en prévenant sa sœur :

- La voilà\, ma sage petit sœur que j’aime tant. Bon\, j’ai une urgence Mel donc abrégeons\, que voulais-tu d’autre ?

- J’ai besoin d’une autre autorisation de sortie\, maman a essayé de parler avec papa mais il me croit trop en danger pour me laisser me balader toute seule...

- C’est tout à fait normal ma sœur chérie\, tu devrais plutôt aller voir ton autre frère\, le successeur de la famille ! Il pourra faire quelque chose pour toi...

- David est en déplacement pour un match\, allez Neith\, pourquoi tu refuses ?

- Mel\, j’ai des choses à faire...

Neithanel s’habilla rapidement avant de se diriger vers sa voiture. Il y monta et composa un numéro. Personne ne décrocha. Il pianota sur un écran et roula rapidement jusqu’à un endroit étrange. Il y avait beaucoup de gardes et au vu de l’état de l’entrée, une bagarre avait eût lieu.

Il sortit de la voiture, mon corps le suivi automatiquement. Il se retrouva nez à nez avec Narcis. Il semblait encore plus perturbé que tout à l’heure. Neith ne put même pas parler que Narcis dit :

- Nars veut partir loin d’ici !

- Eros\, tu es malade\, tu es censée être dans un lit d’hôpital\, anesthésié et prêt à recevoir un nouveau cœur\, protesta Neithanel.

- Le cœur actuel est parfait. Si... Neith refuse...

- D’accord\, je t’emmène où tu veux ! Tu m’as accordé un joker\, je fais de même !

Je me tournai vers Neith, surprise. Il préférait faire profil bas car de toute façon, il n’était jamais bon de confronter Narcis. Quand quelqu’un tentait de contrôler sa vie, soit il le tuait, soit il disparaissait.

Neithanel esquissa un sourire amusé avant de lancer un coup d’œil à Narcis qui alla s’asseoir sur un banc, complètement plongé dans ses pensées. Il ferma la portière avant de se diriger vers N qui attendait débout, près d’un arbre, comme si tout ce qui se passait ne le concernait même pas. Il soupira avant de dire :

- Il faut que tu restes avec lui\, il est très tendu...

N ne quittait jamais Narcis. Il était à son service depuis presque 5 ans, il l’accompagnait partout et veillait non seulement à sa sécurité mais aussi à son bien-être. Neithanel savait donc qu’il ne lui aurait jamais demandé de s’occuper de Narcis si ce dernier n’était pas dans un état d’esprit vraiment dangereux.

- J’ai vu ça. Qu’a-t-il à tout casser comme ça ?

Neith balaya les lieux du regard. La tour qui se trouvait encore ici la dernière fois que nous étions à cet endroit n’était que ruines. L’atmosphère était étrange et malaisante, une odeur de mort et de sang régnait dans les lieux. Même le sol, la terre verdoyante avait comme fanée, rendant le paysage florissant d’autrefois, apocalyptique.

- Tu sais déjà qu’il ne supporte pas les hôpitaux\, soupira N avant d’ajuster son masque sur son visage\, donc il est sorti en fureur malgré les chaines...

- Quoi ? s’exclama Neith d’un air surpris. Vous l’avez enchainé ? Qui a ordonné ça ?

- Tu sais qui ! Et même si j’ai mon avis sur cette personne\, je ne peux que comprendre sa décision\, on sait tous comment Narcis est imprévisible quand il fait une crise ! Écoutes Neith\, je sais que vous êtes brouillés mais occupe-toi de lui pendant quelques jours et si tu as une solution qui pourrait le calmer\, fais-le !

Neith lança un regard amusé à N puis un sourire se dessina sur ses lèvres. Il mit ses mains dans les poches de sa tunique bleu lagon avant de demander sur un ton taquin :

- Qu’est-ce qui te fait penser ça mon cher N ?

- Je te connais Neith.

- Bon\, déclara celui-ci avant de me regarder\, je m’occupe de lui et toi d’elle...

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