EDEN

« C’était un magnifique jardin semblable à la serre de Neith. Les animaux y étaient paisibles, aucun ne tentaient de s’en prendre à l’autre. Un lion était allongé près d’une biche alors qu’un chien jouait avec un chat. Ce lieu inspirait une paix incroyable. Mon regard fut attiré par un arbre qui se trouvait au milieu du jardin, il était splendide.

Je me sentais comme irrésistiblement attirée par lui. J’allais me diriger vers lui lorsque tout à coup le ciel se mit à noircir, le tonnerre gronda et je les vis. Un homme brun dont les yeux gris me semblèrent aussitôt familiers, il cachait son corps derrière un arbre. Une femme était près de lui, avec des longs cheveux blonds et des yeux de la même couleur.

Mes yeux se baissèrent vers leurs pieds où jonchaient deux fruits à moitié entamés. Mes oreilles se mirent de nouveau à bourdonner, je tentai de les boucher mais un sifflement m’arracha un cri de douleur. Une voix mélodieuse murmura dans ma tête :

- Dès la création\, Il leur a ouvert les portes du Paradis et leur a donné le jardin d’Eden. Seulement ils ont pêché et causé Sa colère. Désormais le ciel leur sera fermé\, une barrière vient d’être crée entre l’Homme et Son créateur.

- Qui êtes-vous ? Pourquoi êtes-vous dans ma tête ? protestai-je.

La douleur augmenta, je ne pouvais même plus crier tellement ça me coupait le souffle. Le tonnerre gronda de nouveau :

- Gabriel\, laisse-la chuter\, son âme est damnée ! Tu lui fais encore plus de mal en lui parlant...

- Elle doit savoir Michel\, c’est mon message pour elle. Le pêché de l’Homme a ouvert une porte des enfers permettant ainsi aux déchus de siéger sur Terre. Ils y commirent des abominations\, à chaque péché qu’ils poussaient l’humanité à commettre\, une nouvelle porte s’ouvrait. Ton suicide aussi a ouvert une porte et désormais Lucifer ne te lâchera pas\, il veut ton âme... »

Je sursautai et serrai les draps du lit entre mes poings. Mon cœur battait à la chamade. Haletante et tremblante de peur, je me collai à Eller qui dormait tout en balayant la pièce du regard. Tout était calme, les filles dormaient toutes dans cet chambre obscur. Un filet de lumière atténuait cela, comme une veilleuse rassurante. Mon âme. Quelqu’un voulait mon âme. Lucifer. Qui était-il ? Pourquoi voulait-il mon âme ?

- Si tu es réveillé\, suis-moi...

Je levai les yeux vers N qui semblait attendre, près de la porte. Je descendis du lit et remarquai que comme hier, mon corps était plus visible, plus tangible. N me montra une tenue posé sur un des fauteils puis il quitta la pièce. Je troquai la robe en lambeaux que je portais pour

J’inspirai profondément pour me calmer, cela faisait dix minutes que j’étais installée dans la pièce où aurait lieu le test et plus le temps passait, plus je stressais.

- Cette place me plaît\, dégage\, ordonna une voix masculine.

Je me raidis et me força à ne pas réagir. Cet endroit était rempli d’humains et je savais déjà qu’ils allaient me prendre de haut. Je l’ignorai, il répéta un peu plus fort, ce qui attira l’attention de tout le monde. Je me fis violence pour afficher le même air indifférent qu’Elie avait toujours.

- Je te parle\, cria l’humain en me saisissant par le bras.

- C’est la Evir\, s’exclama son camarade en me regardant avec dégoût.

- Quoi ? répliqua une autre humaine. Une Evir parmi nous ?

Une main masculine intervint au moment où la porte s’ouvrit sur Elie. Ce dernier s’interposa, il me fit passer derrière lui en demandant :

- Il y a un problème ?

- Cette Evir n’a rien à faire ici !

- Elle a été adoptée par Mademoiselle. Vous avez bien reçu son message...

- Tu sais bien qu’étant donné que Sam a été destitué l’année dernière\, il n’a plus aucun contact avec Mademoiselle\, se moqua celui qui venait de m’aider.

- La ferme Rod\, menaça celui qui s’appelait Sam en tentant de le frapper mais Elie le retint.

- Vous savez ce qui arrive à ceux qui touchent à un successeur...

- J’en suis un aussi !

- Non\, vous n’êtes plus un successeur et vous êtes à la limite de passer en jugement donc je vous prierais de ne plus tenter de toucher à Johanna ! Asseyez-vous ailleurs !

Je crus que Sam allait riposter mais il baissa les yeux et s’en alla. Elie se tourna vers moi, il me proposa ma chaise et attendit que je m’asseye pour aller se tenir près de la porte. Les autres humains s’éloignèrent de moi, tous sauf Rod qui m’observait d’un air amusé. On aurait dit qu’il me connaissait déjà. Je décidai de ne pas lui prêter attention, j’avais un examen à réussir.

- Si tu le réussis\, je t’offrirais du thé !

- Je ne vous ai rien demandé\, marmonnai-je froidement.

Il haussa un sourcil avec arrogance, puis émit un « tsss » avant de prendre place près de moi. Je me tournai vers Elie, il me regardait d’un air réprobateur, il ne semblait pas content. J’eux l’impression que mon comportement envers Rod ne lui avait pas plût.

- Merci pour la proposition mais je ne pense pas qu’Elie me laissera aller boire le thé avec vous\, dis-je sur un ton plus calme.

- Ça ne le dérangera pas lady Johanna\, Mademoiselle a prié à tous les successeurs de se montrer sympathique avec vous\, répondit-il en croisant les jambes.

- Merci. Enfin je crois...

Un humain âgé entra dans la pièce, tout le monde s’installa. L’examen dura quatre bonnes heures. Je soupirai de soulagement en sentant l’air libre sur ma peau.

- Nous allons rentrer\, décida Elie en regardant sa montre.

- Déjà ? Quel dommage\, soupira Rod d’un air désolé\, tu me fais manquer à ma parole Elie.

- J’ai des ordres\, marmonna simplement ce dernier en suivant du regard une voiture qui vint s’arrêter près de nous.

Il ouvrit la portière et me fit signe d’entrer. Rod me proposa sa main et m’aida à monter dans le véhicule. Son geste me mit mal à l’aise, il était étrangement gentil pour un humain.

- Notre thé sera pour une autre fois lady Johanna\, à bientôt.

Je mis quelques secondes à comprendre qu’il était en train de me féliciter pour l’examen. Je regardai Elie qui s’était assis en face de moi et lui demandai :

- J’ai réussis ?

- Oui. Un très bon score.

- Il y a un classement ?

- Oui. Tu es troisième\, ce qui est étonnant pour une Evir.

- Où allons-nous ?

- Le successeur a ordonné que je t’emmène partout où tu le voudras demain mais avant\, ce soir\, tu es invitée quelque part...

- Quelqu’un m’a invité ? Et je peux y aller ? Est-ce que c’est Rod ?

- Rodrigo est un des quinze successeurs.

- Quinze ? Mademoiselle m’a parlé de cinquante enfants...

- Elle vous a sûrement parlé des Règles aussi\, elles sont éliminatoires\, si un successeur désobéit à une seule d’entre elles\, il est destitué comme pour le cas de Sam.

- Qu’est-ce qu’il a fait pour être destitué ?

- Règle n° 73 : Tu ne tueras pas ton sang. Il y a quinze mois\, le meilleur ami de Sam a attenté à la vie de la petite sœur de ce dernier et malheureusement pour lui\, il a été filmé ! L’empereur a vu la vidéo\, Sam était dans la pièce ! Il a donc été destitué avec pour obligation de réussir le Royalty\, sous peine d’aller en prison.

- Le Royalty ?

- C’est un endroit où les Clans travaillent. Le Royalty est le seul endroit où tout est possible ! Les rangs ne comptent pas\, seul l’intelligence est prise en compte ! L’examen que tu viens de passer permet de l’intégrer.

- Je vais donc y aller aussi ? Pourquoi Eros n’a pas passé aussi l’examen ?

- Un successeur est admis d’office au Royalty sauf s’il est destitué\, auquel cas il devient comme tout humain normal ! Et avant que tu ne le demandes\, je suis aussi membre du Royalty mais plus à temps plein car je suis lié à l’Empire.

- Pourquoi ? Je ne comprends rien...

- Ça va venir avec le temps. Tout ce que tu dois savoir c’est que le Royalty est le seul endroit qui peut te permettre de retrouver la liberté. Si tu le réussis\, tu seras libre.

- Que faut-il faire pour le réussir ?

- Etre diplômé et obtenir la faveur de l’Elite qui est composé des successeurs et des dirigeants des Clans. Si un représentant de chacun des clans t’approuve\, tu seras diplômé et libre.

- Sérieusement ? m’écriai-je avec joie. Je vais pouvoir rentrer chez moi ?

- Oui sans mettre en danger ta famille. Voilà pourquoi tu devrais faire attention à tes actes.

Il se tût aussitôt, comme si son conseil était une phrase de trop. J’attendis un moment avant de lui demander d’une petite voix :

- Rodrigo fait partie d’un Clan ?

- Oui. Le successeur Rodrigo est un gentleman. Ne faites pas d’entorse à l’Etiquette et vous gagnerez rapidement sa faveur. Il est un des plus gentils\, malgré son rang.

- Son rang ?

- Selon la rumeur\, il fait partie des favoris de l’Empereur.

- Pourquoi il devait passer l’examen ?

- Il a été très malade et assez absent\, il vient juste de rentrer. L’empereur lui a demandé de réussir ce test pour se remettre à niveau.

- Et Eros ?

- Nous sommes arrivés\, annonça-t-il avant d’ouvrir la portière. J’ai demandé à la gouvernante de vous envoyer Lana pour vous aider à vous préparer comme vous le souhaitiez...

- Merci.

- Ne t’y habitues pas. Lana n’a rien à faire dans ce monde. Mademoiselle te trouvera quelqu’un dès que nous serons installés. Passez une bonne soirée...

- Tu ne viens pas ?

- Non. Je ne peux pas.

- Pourquoi ?

- C’est l’héritière Chloé votre hôte. Elle est...spéciale. Lana vous aidera en cas de problème\, elle connait tout ce qu’il y a à savoir sur les clans...

Je n’étais pas à l’aise depuis que j’avais mis les pieds dans la gigantesque maison de mon hôtesse, aussi bizarre que cela puisse paraître, je voulais rentrer à l’Olympe.

L’atmosphère était tellement tendue que l’on pouvait entendre les mouches voler. Depuis que j’étais entré dans le salon de Chloé, celle-ci ainsi que le groupe de filles qui étaient avec elles s’étaient tût et m’observaient.

- Attendez qu’elle vous invite\, chuchota Lana.

J’avais donc suivis son conseil mais elle n’était jamais venue vers moi. Epuisée et affamée, j’avais fini par rester près d’une des tables qui contenait des gâteaux et des boissons. J’étais en train de me demander quand est-ce qu’Elie viendrait me chercher lorsque je me mis à trembler. Mon corps tout entier était gelé, soudainement. Je perdis connaissance...

Dans la matinée, j’assistai au premier cours de la classe d’Elleryn. Royalty était plongé dans une atmosphère étrange. Tout le monde était complètement paniqué. Premièrement à cause du retour de Narcis, ils avaient peur de lui et je pouvais les comprendre au vu de ce qu’il avait fait à Eller le premier jour.

La deuxième raison tenait du fait que le reste des absents rentraient demain soir, et enfin, c’était aussi la soirée d’intégration. Tous les élèves ne parlaient que de ça. Et cerise sur le gâteau, apparemment, Narcis était de très mauvaise humeur.

Je suivis Elleryn jusqu’à une salle qui ressemblait à un amphithéâtre. Les chaises de différentes couleurs en fonction des personnes, semblaient plus confortables pour les rangs supérieurs que pour les sans-rangs par exemple.

Je sursautai en entendant des cris et des applaudissements, Neith s’arrêta près de moi et sourit. Il portait un immense bouquet de roses qu’il se mit à distribuer à des filles. Tout d’abord, les roses roses, puis il lança la seule qui était couleur blanche avant de garder celle qui était rouge avec lui. Au grand désespoir des filles qui émirent une moue déçue.

- Pourquoi crient-ils ? lui demandai-je.

- C’est parce qu’ils m’aiment\, dit Neith aux anges\, ils m’adorent tous !

Il rit avant de monter sur le podium et saluer le public. Je fus surprise de découvrir à quel point Neithanel était narcissique. Heureusement, Elleryn quitta la salle, m’emmenant avec elle. Elle se dirigea vers le jardin, le téléphone collé à l’oreille. Je ne la suivis pas, cela n’aurait pas été très poli vu qu’elle me voyait maintenant.

- Ça sent les fleurs\, remarqua une voix derrière moi.

Je me retournai et tombai nez à nez avec David qui semblait suivre Narcis. Ce dernier me toisa de la tête aux pieds avant de marmonner :

Une odeur de traître !

Je fronçai les sourcils, de quoi parlait-il ? Est-ce qu’il me traitait de traître ? Je ne comprenais jamais les réactions de Narcis, je ne le connaissais même pas alors pourquoi il semblait comme m’accuser de quelque chose ? David le regarda sans comprendre puis il se pencha vers lui en demandant :

- A quoi penses-tu ?

- Neith ne sera pas content\, soupira Narcis.

- Même si je me contrefiche de cet idiot\, qu’as-tu encore fait ?

Narcis ne répondis pas, il semblait encore plus plongé dans ses pensées, comme si nous n’existions plus pour lui. David lui proposa à manger, il refusa.

- Tu es injuste Nars\, moi aussi\, je mérite ta confiance\, j’ai grandi avec toi\, ça fait seize ans qu’on se connait alors que tu connais ce con que depuis huit ans...

- Rien à voir\, grommela Narcis\, les choses sortent toutes seules avec lui. Dave a rencontré la nouvelle Barme ?

- La chinoise ?

- Coréenne\, précisa Narcis avec lassitude.

- Elle s’appelle comment déjà ?

- Sefora Lin\, bientôt Barme\, expliqua Nars tout en jouant avec son anneau\, Dave doit prévenir Royalty !

- Pourquoi ne le fais-tu pas...

David stoppa net en voyant Narcis lui lança un regard glacial, il ne dit plus rien. Narcis se remit à marcher et David à le suivre. Je soupirai, Narcis semblait énervé contre tout le monde. Je choisis d’aller plutôt retrouver Eller mais je me retrouvai dans la serre où Neith arrosait les fleurs.

Au même moment, non loin, près d’un chapiteau qui servait au club de stylisme, je vis Sefora qui s’énervait contre une fille tentant de la calmer. Apparemment, il n’y avait plus de places dans le club mais Sefora voulant s’inscrire, était déterminée à obliger son interlocutrice à trouver une solution.

- Teresa\, s’exclama Neith en s’approchant d’eux\, ça me fait plaisir de te voir !

Il sourit à l’élève puis se tourna vers Sefora qui faisait un signe à Eller. Cette dernière semblait la chercher, elle vint nous rejoindre.

- Ciao principessa.

- Principessa ? répétèrent Sefora et la dénommée Teresa en même temps.

- Il vient de te saluer en t’appelant princesse\, marmonna Elleryn à l’oreille de Sefora\, tu es une princesse ?

- Teresa\, il y a un problème ? voulut savoir Neith.

- Maintenant que tu es là\, il n’y a plus de problèmes\, répondit Teresa\, hébétée.

- Mais alors pourquoi ma princesse crie-t-elle ?

- Je ne suis pas ta princesse\, répliqua Sefora d’une voix glaciale.

- Calme-toi\, murmura Elleryn en la touchant au bras\, ne sois pas si froide. N’oublie pas ce qu’Annabelle nous a dit la dernière fois...

- Ma bella\, comment t’appelles-tu ? demanda Neith.

- Elleryn Taylor.

- Elleryn...ça me dit quelque chose\, fit Neith en réfléchissant\, tu viens d’où ?

- De Kama. Il y a un problème ?

Neith était venu étrange dès qu’Elleryn avait évoqué son lieu d’origine. Même s’il avait gardé le sourire, j’avais comme eût l’impression que quelque chose venait de le troubler.

- Oh je vois. Tu vas aussi t’inscrire avec ma princesse ? poursuivit Neith en ignorant la question d’Elleryn.

- Je ne suis pas ta princesse espèce d’idiot\, menaça Sefora sèchement\, arrête tout de suite de m’appeler comme ça !

- Hé\, toi la nouvelle\, répliqua Teresa en fusillant cette dernière du regard\, cesse d’insulter Neithanel ! Tu vas te faire virer si les rangs sup apprennent ça !

- Ce moins que rien ? Juste parce qu’il est rang A ? Il n’est même pas capable de se rappeler que ton prénom\, c’est Rachel et pas Teresa !

- Rachel ? Sérieusement ? Dommage\, je trouve que Teresa te va mieux\, déclara Neith en riant\, mais dis-moi pourquoi ma princesse est aussi en colère ?

« Sa princesse » le fusilla du regard, elle était si glaciale dans son attitude envers lui qu’on aurait dit qu’elle allait le tuer sur place s’il continuait. Son visage pâle devenait rougeâtre de colère, ses yeux caramel semblaient sur le point de lancer des flammes de feu.

- Je-ne-suis-pas-ta-princesse !

- Ce n’est pas de ma faute\, protesta Rachel\, en fait\, il n’y a plus de fiches d’inscriptions pour le club\, je ne peux rien faire de plus...

- Tu sais ce qu’on va faire ? proposa Neith. Je vais m’occuper de ça\, inscris-la !

- D’accord Neithanel\, as-tu besoin d’autre chose ? demanda Rachel en affichant une dévotion si grande qu’on aurait dit une de ses groupies que j’avais vu à la télévision.

- Neith !

Tout le monde se retourna et se retrouva nez à nez avec une superbe fille aussi séduisante que peu vêtue. Elle sourit à Neithanel qui affichait un mélange d’agacement et de surprise.

- Tu n’as pas l’air content de me voir ?

- Quand es-tu rentrée ? demanda-t-il.

- Ce matin\, mon ange\, tu m’as trop manqué ! Tu ne me présentes pas ? demanda la fille en prenant Neith dans ses bras.

- Si\, si\, je te présente Elleryn et Sefora !

- Enchanté les nouvelles\, je m’appelle Jess\, je suis sa copine...

- Il a une copine ? voulut savoir Elleryn en fronçant les sourcils.

- Il ne vous l’a pas dit ? s’enquit Jess étonnée.

- On n’est pas vraiment ensemble\, ajouta Neith en souriant.

- Tu pensais qu’il t’accepterait comme copine aussi facilement ? rétorqua Rachel en riant. N’insulte pas notre A en l’assimilant à ta personne Jessica !

Il eût un silence. Jess soupira avant de se tourner vers Neith qui déclara avant même que la nouvelle arrivant ne puisse parler.

- Je n’ai pas très envie d’en parler Jess\, tu sais déjà ce que je pense ! Si tu n’es pas d’accord\, on arrête tout de suite...

J’écarquillai, étonnée de le voir montrer autant de contrariété. Neith était pourtant toujours si gentil avec les gens et si chaleureux, la sociabilité personnifiée. Jess sourit simplement avant de se blottir dans ses bras.

- D’accord\, on n’en parle pas\, ne te fâches pas s’il-te plaît\, murmura-t-elle.

Neithanel se tourna de nouveau vers Sefora et lui accorda toute son attention tout en faisant signe à Rachel de s’en aller. Celle-ci faillit se prendre un réverbère en plein face à force dévorer Neith du regard. Ce dernier sourit à Sefora qui saisit Eller par le bas avant de la tirer avec elle, marmonnant :

- Allons-nous-en car sinon je sens que je vais commettre un crime ! Je déteste les personnes prétentieuses qui se croient tout permis et pensent être le nombril du monde !

Je me tournai vers Neith qui les suivait du regard tandis qu’elles s’en allaient. Le sourire qu’il avait aux lèvres jusqu’à là disparut. Il fronça les sourcils, en se mordillant la lèvre avant d’aspirer profondément. Son sourire réapparut illico.

- Tu veux aller déjeuner ? proposa Jess à son « copain ».

- Non merci\, j’ai déjà un autre rendez-vous.

- Je viens juste de rentrer\, annule...

- Jess\, je n’annule jamais mes rendez-vous avec cette personne ! A plus tard.

Neith la planta là, avec Rachel. Je le suivis. Il me regarda avec un air amusé puis se pencha légèrement vers moi, ce qui me mit mal à l’aise.

- Tu la connais ? demandai-je car je commençais réellement à me poser des questions sur lui.

- La vengeance est un plat qui se mange brûlant chez les Barme. Je connais un sadique qui s’est amusé à me faire un cadeau empoisonné. Tu devrais aller les rejoindre Eden...

Cela me fit bizarre de l’entendre m’appeler ainsi. Je n’étais pas habitué à ce prénom mais au-delà de tout ça, je me sentais bizarre quand je l’entendais. J’étais encore plus curieuse sur ma véritable identité et la raison de ma présence ici...

Je rejoignis finalement Natacha qui était assise sur un des bancs de la cour avec son téléphone portable collé à son oreille. Elle négociait quelque chose avec son interlocuteur lorsqu’elle reçut un autre appel. Je m’approchai d’elle et m’assis à ses côtés.

- Salut ma chérie\, déclara une voix féminine à l’autre bout du fil.

- Jess\, ça va ? s’enquit-elle en levant les yeux au ciel\, l’air très agacé.

Elle voulut savoir quand son amie allait rentrer. Son interlocutrice n’était sûre de rien, elle estimait son retour dans un mois. Elle demanda à son tour des nouvelles des frères Cornwall dont elle semblait très proche. Natacha l’assura qu’elle était presque en couple avec Narcis et que lorsqu’elle rentrerait, ils iraient dîner ensemble. Elle lui parla ensuite d’Elleryn.

- Une inconnue qui se croit tout permis\, mais ne t’inquiète pas\, je vais la faire partir d’ici la fin de la semaine. On va faire la soirée de Bienvenue ce week-end\, dommage que tu ne sois pas là ! Je te rappelle plus tard\, je vais devoir raccrocher !

Natacha rangea son téléphone en se dirigeant vers le hall. Je la suivis jusqu’au cours d’Art où il y avait toutes les demoiselles de la classe, des « S » avec les filles de la classe d’Eller. La professeure se plaignait de l’absence d’Elleryn.

- Elle a dû se perdre\, commenta Natacha en riant.

- Ne parle pas ainsi d’elle\, elle doit être retenue quelque part\, informa Sefora.

- Comme depuis que les cours ont commencé\, répliqua la prof exaspérée.

Sefora était pourtant décidée à défendre son amie coûte que coûte. L’enseignante lui rappela le règlement pour les sans-rangs, ils devaient assister à plus de la moitié des cours.

L’institutrice ajouta que si Elleryn ne se présentait pas en cours, elle serait virée de sa classe. Elle serait aussi renvoyée de tous les clubs et toute autre matière artistique.

- Et elle ne pourra pas passer l’examen final donc elle sera automatiquement virée\, murmura Sarah en rebouchant son stylo.

- Je n’attends que ça\, rétorqua Rachel en soupirant de soulagement.

Les examens blancs avaient été annoncés dans la matinée et ça commencerait par un test de connaissance. Je trouvai qu’il était quand même un tôt pour les devoirs, après tout, ça ne faisait même pas une semaine que les cours avaient commencés.

- C’est parce que pour rester dans cette Pension\, il faut avoir un certain niveau. Voilà pourquoi les classes sont classées\, m’expliqua Neith gentiment. Le test de connaissance permet de cerner le niveau de chaque classe et faire les derniers changements possibles. Le devoir commun permet de valider une place pour passer l’examen blanc qui a lieu chaque trimestre !

- Si tu rates ton devoir commun\, tu ne peux pas passer l’examen blanc ?

- Nous avons deux devoirs communs où nous sommes obligés d’avoir la moyenne pour être admis pour passer l’examen blanc\, ajouta le téléphone.

- Et ils sont difficiles ?

Dave entra dans la pièce sans toquer avec un pot de glace au chocolat qu’il avait presque vidé.

- Bonjour la nouvelle\, je m’appelle David\, tu ne peux pas savoir à quel point c’est de la torture\, je n’ai pas envie de déjà commencer à étudier\, j’en ai marre !

- J’imagine que ça ne doit pas être facile\, rétorquai-je en lui lançant un regard compatissant.

- Et tu as tout à fait raison ! Bon Narcis\, merci pour mon portable\, je te laisse\, ajouta-t-il.

Il quitta la pièce sans accorder le moindre regard à son frère qui faisait de même. Je regardai Narcis, il semblait complètement désintéressé de la conversation. Il était plongé dans ces pensées. Je les laissai à leurs occupations et sortis prendre l’air. Je croisai Sefora qui était au téléphone :

- Oui\, ça se passe bien ! En plus\, j’ai retrouvé mes cousins mais tu me manques quand même\, je veux te voir ! Je... sais... mais ce n’est pas grave Lee\, on se verra dès que tu pourras\, prends soin de toi !

Je la regardais soupirer de soulagement avec un sourire aux lèvres. Qui était ce Lee ? La petite coréenne serait-elle aussi en couple ? Ce serait amusant de voir la tête que ferait Neith lorsqu’il l’apprendrait. Vu sa fixation sur elle, j’avais hâte de voir ça.

La journée passa vite et l’heure du dîner arriva. J’allais rejoindre les filles qui cherchaient une table lorsque des deuxièmes années l’interpellèrent.

Elleryn fut la seule à leur répondre avec gentillesse et politesse. Sefora se comporta comme d’habitude, elle les ignora royalement avec une arrogance digne de la Barme qu’elle était.

- Bonsoir ma belle\, remarqua un blond en souriant\, je suis Victor !

- Tu nous déranges\, soupira Sefora en montrant une table à Eller. On va là-bas ?

- Ne sois pas aussi rebelle\, moi c’est Tristan\, répliqua un autre en voulant caresser les cheveux de Sefora.

- Ne me touche pas\, protesta froidement Sefora en le giflant\, garde tes sales mains pour les cloches de cette école ! Touche-moi encore et tu vas finir blessée !

- À ta place\, je l’écouterais\, prévint Neith en s’approchant.

- On ne t’a pas sonné\, riposta Tristan.

- Tristan\, sois gentil et va prendre l’air avant que mon frère ne te tombe dessus\, le prévint Neith en riant. Il sera bientôt là...

Tristan ne répondit pas, il tourna les talons et s’en alla avec ses acolytes. Neith se mit à parler avec Annabelle qui était la seule sociable parmi les trois filles. Eller mangeait des fraises et Sefora l’ignorait, encore une fois.

- Je me lasse quelques fois de ma propre beauté\, soupira encore Neith en souriant\, si vous voulez manger\, venez avec nous\, j’ai réservé une table. J’ai déjà commandé...

- Vous mangez chez des traiteurs tous les jours ? s’étonna Annabelle.

- Nous n’aimons pas trop ce qui est servi ici\, en plus nous sommes un peu capricieux\, donc on préfère manger chez des traiteurs qui ont l’habitude pour ne pas déranger les chefs qui travaillent ici.

- Ne te dérange pas Neith\, intervint Rachel en souriant\, nous avons réservé des tables pour les premières années\, vu que nous devons les parrainer !

Ce dernier quitta donc la salle. Rachel se tourna vers les trois adolescentes et leurs donna aussitôt des corvées pour après le dîner. Elle estimait qu’elles étaient trop proches des Barme.

D’après elle, les rangs sup ne se côtoyaient qu’entre eux et un sans-rang n’avait pas le droit d’adresser la parole aux Sept.

Elle les menaça en leur disant que Narcis était à elle, Neith à sa sœur et Dave déjà pris. Elle ne le répéterait pas et si elles osaient encore les approcher, elle les virerait.

Elle n’avait pas l’intention de jouer au chat et à la souris avec des « pauvres vulgaires premières années qui n’ont aucune place parmi eux ».

- Je n’ai jamais vu une personne aussi folle et manquant autant de bons sens\, soupira Sefora. Nous n’avons qu’à dîner dans notre chambre...

- Bonne idée\, s’exclama Eller\, retrouvant sa bonne humeur.

Je les accompagnais juste pour leur tenir compagnie, je ne ressentais pas vraiment la fin, puis mon corps décida d’aller voir Narcis qui lisait un énorme roman. En fait je devrais plutôt dire, il le feuilletait à une vitesse hallucinante.

Je ne cherchai même pas à comprendre ou à savoir le pourquoi du comment, je m’assis simplement près de lui et je commençai d’une voix assez basse pour éviter de le déranger bien que je savais très bien que c’était déjà le cas.

- Narcis\, je peux te poser une autre question ?

Il ne répondit pas mais arrêta son geste alors qu’il allait tourner une page, je décidai de prendre ça pour un oui. Je continuai donc :

- Que sais-tu des anges ?

Il m’accorda finalement son regard mais son portable se mit à sonner, il regarda le numéro et se remis à lire mais d’une façon beaucoup plus rapide. Je compris qu’il était troublé. Je me forçai à ne pas lire plus en lui, je n’avais pas envie qu’il m’insulte.

N entra brusquement et prit l’appareil avant de pester :

- Valentin\, tu n’es plus scolarisé ici\, tu es prié de cesser de surveiller les faits et gestes des élèves de cette école ! La prochaine fois que tu appelles à ce numéro pour avoir des informations qui ne te regardent pas\, je le dirais à Némésis ! Au revoir !

N raccrocha avec la même impolitesse que son maître, je soupirai tandis qu’il quittait la pièce. Narcis leva les yeux et me regarda longuement, je me sentis rougir.

- Ce sont des créatures pures et divines qui servent de messagers ou de protecteurs pour les hommes !

- Que sais-tu de Gabriella ?

- Gabriel. C’est un « il ». Il y a plusieurs types d’anges\, ils sont cités dans la bible : les Séraphins\, les Chérubins\, les Dominations\, les Archanges\, les Anges\, etc...

- Et donc qui sont Gabriel\, Michel et Uriel ?

- Des Archanges\, m’informa Narcis en feuilletant la dernière page de son roman.

- A ton avis\, pourquoi est-ce que je peux me déplacer partout même en enfer ?

- Eden est peut-être en train de mourir...

Je le fusillai du regard alors qu’il reprenait son livre, apparemment ça l’amusait beaucoup de jouer avec mes nerfs. Mais je trouvais que ce n’étaient pas des choses à dire à une personne dans ma situation.

Un long silence s’installa, durant lequel Narcis regarda devant lui en réfléchissant, il soupira puis marmonna quelque chose dans une autre langue que je ne compris pas. Je lui demandai de me parler de son Clan. Il prit un air tellement blasé que je crus qu’il allait me chasser mais finalement il déclara :

- Les Barme sont un clan composé de dix familles !

- Un clan ? Qu’entends-tu par-là ?

- Un clan est une famille composée d’autres familles ! Par exemple\, c’est le clan Von Berry qui dirige l’Union Européenne.

- Ils la président ?

- En quelque sorte. La France en est la capitale...

- La France n’est pas une ville mais un pays\, corrigeai-je aussitôt.

- Les pays n’existent plus ici\, m’informa-t-il en s’asseyant près de moi.

Il m’expliqua qu’après la première guerre mondiale, certains pays étaient devenus très puissants à tel point qu’une seconde guerre avait failli avoir lieu. L’Allemagne gouvernée par un certain Adolphe Hitler avait été en partie la cause du conflit.

- C’est pareil que chez moi sauf que la seconde guerre mondiale a bien eut lieu !

- Ici\, la guerre a été évitée car il y a eu un coup d’état de la part de l’ancien Empereur avec l’aide de Manuelo Von Berry qui attendit que les russes et les allemands s’entre-tuent pour les attaquer tous les deux et se débarrasser d’Hitler et Staline\, le dirigeant de l’époque de l’URSS.

Manuelo Von Berry était le dirigeant du clan Von Berry dont le pouvoir s’était étendu sur une grande partie de l’Asie avant de prendre aussi le contrôle de l’Union européenne.

- J’ai l’impression d’entendre une autre version de l’histoire que je connais !

- Sûrement.

Suite à cette guerre, sept familles avaient commencé à prendre le contrôle des pays, des unions avaient été formées et les pays étaient devenus des mégalopoles.

- Les Barme se sont plutôt implantés en Amérique\, surtout le Sud.

Narcis répondit aussi à une question que je m’étais posé quand j’avais remarqué que Neith, David, Jemellia, d’autres élèves de rang supérieurs ainsi que Narcis lui-même étaient des Barme. Si ceux que je connaissaient étaient soit de peau noire soit de peau métissée, j’en avais vu aussi avec la peau très blanche, comme Sefora par exemple.

Luciano, le dirigeant principal des Barme avait eu plusieurs femmes, et certains dirigeants de certaines familles du clan avaient été adoptés.

- L’histoire n’est pas toujours la réalité\, elle est écrit par des vainqueurs qui peignent une version du réel qui donne une image du monde remplit de mensonges...Eden ne doit croire que ce qui a été prouvé sinon sa vie ne sera pas très longue...

Je ne lui répondis pas. Sa phrase me laissa pensive. Pour la première depuis que j’étais ici, nous avions une vraie conversation et les mots de Narcis faisaient sens avec tout ce qui m’arrivait. Je ne savais plus qui j’étais et je voulais absolument retrouver ma mémoire, mon histoire et ceux peu importe le prix...

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