chapitre 4:Le poids des regards

Les semaines s’étaient transformées en une boue noire où chaque jour ressemblait à l’autre. Élias ne savait plus quand il avait souri pour la dernière fois. Les murs de sa chambre lui paraissaient vivants, trop proches, comme s’ils voulaient l’écraser.

À l’école, la rumeur avait enflé. Personne ne savait exactement ce qui lui était arrivé, mais tout le monde avait une version à raconter. « Il a couché pour de l’argent », « Il a cherché », « Il invente tout ça ». Les mots se glissaient sous sa peau comme des lames.

Un matin, il trouva son casier ouvert. À l’intérieur, un papier chiffonné : « Pute. »

Il resta figé, incapable de bouger. Ses jambes tremblaient, sa gorge brûlait. Il voulait hurler mais aucun son ne sortit. Alors il serra le mot dans sa main jusqu’à s’enfoncer les ongles dans la paume. Le sang perla, mais il n’osa pas le lâcher, comme si la douleur physique pouvait détourner celle du cœur.

La nuit, les cauchemars se faisaient plus précis. Des ombres le maintenaient, des voix riaient, ses mains cherchaient de l’air mais n’attrapaient que le vide. Il se réveillait en sueur, trempé, persuadé que ça recommençait. Son propre corps devint une prison : chaque contact, chaque bruit de pas derrière lui déclenchait un vertige insupportable.

Sa famille, loin d’être un refuge, enfonçait encore la lame. Son père lui lançait des regards froids, lourds de reproches silencieux. Sa mère, elle, se contentait de lui dire d’une voix sèche :

— « Arrête d’attirer l’attention, Élias. Tu veux qu’on nous prenne pour quoi ? »

Il avait cessé de parler. Sa gorge s’était fermée, ses lèvres refusaient les mots. Le carnet noir devint son seul confident, mais même lui commençait à l’épuiser. Les phrases se réduisaient : « Je ne suis rien. » — « Je voudrais disparaître. » — « Ils ont gagné. »

Un soir, il descendit dans la salle de bain, ouvrit l’armoire et resta longtemps à fixer une boîte de médicaments. Ses mains tremblaient, son souffle était saccadé. Un pas. Juste un pas et tout s’arrête. Mais il n’eut pas la force. Il referma brusquement l’armoire et s’écroula sur le carrelage froid, le corps secoué de sanglots muets.

À l’école, Noah restait là, discret, silencieux. Mais même lui ne pouvait pas le protéger des autres. Un jour, dans le couloir, trois garçons l’encerclèrent.

— « Alors, c’est vrai ? » dit l’un, un sourire cruel aux lèvres.

Élias sentit ses poumons s’effondrer. Ses jambes refusaient d’avancer.

— « Fais voir ce que ça fait, tiens, » ajouta un autre en l’attrapant par le bras.

Il se débattit, mais leur rire étouffa tout. Ils le relâchèrent finalement, le laissant tomber contre un casier, humilié, vidé.

Quand Noah arriva, Élias était recroquevillé, incapable de bouger. Noah posa une main sur son épaule, mais Élias la repoussa brutalement.

— « Ne me touche pas ! » cria-t-il, sa voix brisée résonnant dans le couloir vide.

Noah recula, le regard blessé, mais ne partit pas. Il resta là, à distance, comme une ombre qui refusait de disparaître.

Cette nuit-là, Élias comprit une chose terrible : il ne pouvait plus faire confiance à personne. Pas même à celui qui voulait l’aider. La souffrance avait tout dévoré.

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