chapitre 5

Il s’appelait Nabil. Dès le premier jour où il avait mis un pied dans son nouveau lycée, il sentit le poids des regards. Les murmures, les rires derrière le dos, les surnoms qu’il ne comprenait pas tout de suite mais qui finissaient par lui griffer l’âme : “Pédé”, “fou”, “déviant”. Les moqueries ne cessaient jamais vraiment, elles se glissaient dans chaque couloir, chaque pause, chaque cours. Il apprit à marcher la tête baissée, à sourire quand c’était demandé, à ne jamais rien répondre.

À la maison, il ne disait rien. Pas un mot. Pas un soupir qui trahirait ce qu’il vivait. Ses parents pensaient qu’il avait des journées normales, des amis, des rires. Il gardait les bleus invisibles, les peurs et les paroles assassines pour lui seul. Il écrivait parfois dans un carnet secret : les insultes, les éclats de rire qui lui semblaient dirigés contre lui, le poids de chaque remarque. Chaque mot griffonné sur le papier devint un petit exutoire qu’il ne partageait avec personne.

Les journées se succédaient, lentes et douloureuses. Il se sentait coincé, entre le besoin de survivre à l’école et la peur de trahir son secret à ses parents. Il ne savait pas comment expliquer les bleus invisibles sur son cœur, la fatigue qui s’installait à chaque matin. Et pourtant, il continuait d’avancer, masquant la douleur derrière des gestes simples : lever la main en classe, sourire au prof, faire semblant de discuter avec des camarades.

Un jour, les brimades prirent une forme nouvelle : messages anonymes sur son téléphone, notes laissées dans son casier, rumeurs relayées sur les réseaux sociaux. Nabil se sentit comme un animal traqué, enfermé dans une cage qu’il ne pouvait ni fuir ni montrer. Il commença à croire qu’il dérangeait le monde entier, qu’il n’avait pas le droit d’exister tel qu’il était. Les idées de fuir, de disparaître, vinrent plus souvent. Il s’imaginait marcher loin, disparaître sans bruit, et ne plus jamais sentir la moquerie, la peur ou la honte.

Un soir, alors qu’il était seul dans sa chambre, le carnet ouvert devant lui, il sentit une fatigue extrême, une lassitude qui pesait sur ses épaules. Il avait écrit des phrases qui hurlaient sa solitude : « Peut-être que le monde irait mieux sans moi. » La peur le paralysait et le secret lui étouffait le cœur. Il avait envie de crier, mais les mots restaient coincés. Il savait que s’il parlait, il devrait affronter des regards qu’il ne se sentait pas prêt à affronter. Alors il resta silencieux, serré contre son oreiller, à imaginer des façons d’échapper à tout.

Puis, par hasard, le lendemain, il croisa dans le couloir un étudiant plus âgé, Rayan, qui l’avait remarqué depuis longtemps. Il n’y eut pas de gestes héroïques, juste un regard franc et posé, sans jugement. Rayan lui tendit un mot : « Si jamais tu as besoin de parler, je suis là. Même juste pour écouter. » Pour la première fois depuis des mois, Nabil sentit une fissure dans l’isolement qui l’engloutissait. Il ne s’agissait pas d’une solution magique, mais d’une main tendue qui pouvait, lentement, lui montrer qu’il n’était pas seul.

Les semaines suivantes furent un mélange de peur, de douleur et de petites sécurités. Il continuait de se faire harceler, mais maintenant il savait qu’il pouvait, au moins une fois de temps en temps, parler à quelqu’un qui l’écouterait vraiment. Cela ne guérissait pas les cicatrices, ni celles du harcèlement, ni celles du silence familial, mais c’était une petite lueur : quelqu’un savait, et cette présence fragile rendait la survie possible.

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