Les Larmes Qui Brûlent"
Il s’appelait Léo. Dans la maison où il avait grandi, les éclats de voix avaient remplacé les rires, et chaque soir ressemblait à une tentative de survie. Lorsqu’il avait déclaré qui il aimait, tout a basculé : prières forcées, portes claquées, coups de colère qui s’approfondissaient au fil des mois. On ne l’appelait plus par son prénom, mais par des reproches, comme si son identité était un déchet à corriger.
Léo apprit à dissimuler ses blessures à l’extérieur. À l’école, il souriait en prenant des notes. À la cantine, il riait au bon moment. Chez lui, il devenait petit, replié sur lui-même. Les objets du quotidien — une tasse cassée, une veste abandonnée — prenaient la texture des reproches laissés d’une dispute à l’autre. Il y avait des nuits où il n’entendait que le grincement d’un meuble et le battement trop fort de son propre cœur.
La violence, d’abord sourde, devint règlement. Un matin, il trouva un mot collé sur le frigo : « Tu rends la maison honteuse. » Ce fut la goutte. Il sentit la fatigue s’écouler de son corps comme une eau froide. Les pensées furent nettes, rapides, comme une mécanique bien rodée : disparaître semblait la seule façon d’arrêter la douleur — pas pour dramatiser, mais pour laisser enfin de la paix à ceux qui le trouvaient "de trop".
Il planifia, pas pour le spectacle, mais avec une froideur qui le terrifiait. Et puis il y eut un soir — un silence particulier, la maison vidée, les voix loin. Il prit la lettre qu’il avait écrite pendant des semaines : pas une justification, simplement des fragments de lui — des noms de lieux qui l’avaient apaisé, des souvenirs de petites fraises volées dans le jardin, des phrases qui disaient qui il était quand personne ne regardait. Il la posa sur la table, puis sortit.
Sur le chemin, les lampadaires projetaient des halos jaunes. Il traversa la ville sans savoir où aller, mais la décision était déjà une présence froide à ses côtés. Il s’arrêta dans un parc, sous un arbre dont les branches griffaient le ciel. Les larmes vinrent, lentes et amères. Il pensa aux visages qui auraient lu sa lettre, aux réactions attendues, aux postures qui ne pouvaient pas contenir la vérité. « Peut-être que c’est mieux ainsi, » se dit-il, et ce murmure semblait appartenir à un autre monde, un monde où la souffrance se neutralisait par l’absence.
Alors qu’il resserrait ses mains autour de quelque chose qu’il voulait tenir pour que tout s’arrête, un son le tira en arrière : la voix d’un enfant qui courait, un chien qui aboyait loin, quelqu’un qui allaite un souvenir banal. Ce petit hasard — une banalité — acheva de fissurer le plan. Ce n’était pas une révélation miraculeuse, ni une rédemption instantanée. C’était seulement la prise de conscience que sa décision ne serait pas une fin propre, mais une fracture qui blesserait des yeux qu’il n’avait même pas imaginés.
Il remit la lettre dans sa poche. Le lendemain, il retourna à la bibliothèque municipale, s’assit à la même table qu’autrefois et se surprit à lire un livre qu’il avait déjà lu plusieurs fois. Il commença à tracer un chemin de petites choses : appeler un numéro d’écoute trouvé en ligne, contacter un ami rencontré sur un forum, échanger quelques mots avec le bibliothécaire qui lui souriait sans juger. Les jours suivants furent pleins d’écarts : parfois il tenait la douleur et parfois la douleur le tenait. Les cicatrices restèrent — profondes — et sa confiance dans les autres fut lente à renaître.
La fin n’était pas proprement heureuse. Il perdit du temps à pleurer ce qu’il avait perdu — des années, des moments, la possibilité d’être reconnu chez lui. Mais il survécut à la nuit où tout aurait pu s’arrêter, et dans les mois qui suivirent, il apprit à reconnaître les signes qui annonçaient les “mauvaises” nuits et à appeler avant que les pensées ne prennent trop de force. Sa vie resta marquée par la douleur et la colère, mais il trouva aussi des poches de chaleur : une amitié solide, un groupe de soutien où on lui répétait qu’il n’était pas à blâmer, un lit d’ami où dormir quand la maison devenait trop lourde.
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Comments
Lirya✨
😳😳😳
2025-09-24
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