chapitre 2

Amaury avait toujours cru que la maison serait son port — jusqu’au jour où les murs ont commencé à l’étouffer. Dès qu’il avait osé avouer qu’il aimait un garçon, la voix de sa mère était devenue froide, celle de son père lourde de reproches. Les petites brimades du début ont vite pris la forme de cris, de portes qui claquent, de regards qui évitent de croiser les siens. On le traitait comme une faute, comme quelque chose à réparer. À l’école, il gardait le silence ; dehors, il faisait semblant d’être solide. Chez lui, il rétrécissait.

‎Les nuits étaient les pires. Allongé au fond de son lit, Amaury relisait les phrases blessantes comme on rouvre une blessure. Il commença à croire qu’il dérangeait le monde autour de lui, que sa présence imposait une douleur aux autres. Les éclats de rire qu’il entendait depuis la cuisine lui semblaient maintenant des remords à son égard. Il se surprit à imaginer une porte qui se fermerait sur tout — sur la honte, sur la violence, sur la fatigue. « Et si je n’étais plus là ? » murmurait la pensée, insistante.

‎Un soir, il écrivit une lettre. Pas une lettre d’adieu pour mettre fin de façon dramatique, mais un mot pour expliquer, pour poser quelque chose de vrai sur le papier : qui il était, ce qu’il aimait, combien il avait mal. Il plia le papier et le glissa dans sa poche, comme on garde un trésor fragile. Il sortit marcher, laissant la ville absorber la confusion. Sur un petit pont, il s’arrêta. En face, l’eau suivait son cours indifférent. Le monde lui paraissait immense et menaçant — et pourtant, dans cette immensité, quelque chose refusa de céder.

‎Il se rappela d’une petite chose toute simple : la bibliothèque municipale, et la bibliothécaire qui, un soir de pluie, lui avait offert un parapluie sans poser de questions. Le souvenir d’un geste anonyme, banal, lui rendit un peu de chaleur. Il pensa aussi à Adrien, un ami rencontré en ligne, dont les messages drôles et attentifs avaient été une bouée. Amaury sortit son téléphone. Ses doigts tremblaient, mais il tapa : « J’ai besoin de parler. » Adrien répondit presque tout de suite. Ce fut maladroit, long, parfois chargé de larmes, mais ce message fut comme une main tendue.

‎Les jours suivants ne furent pas miraculeusement parfaits. La famille n’avait pas changé en un éclair, et certains matins Amaury se sentait à nouveau écrasé. Mais il avait commencé à égrener des petits soins pour lui-même : aller marcher, appeler une amie qui l’écoutait sans juger, chercher un groupe de soutien local où il pourrait rencontrer d’autres jeunes qui comprenaient. Il mit aussi la lettre dans un tiroir — non plus comme une conclusion mais comme un souvenir de la nuit où il avait choisi de se raccrocher à quelque chose de minuscule et pourtant vital.

‎L’histoire d’Amaury reste empreinte de tristesse — il porta longtemps des cicatrices invisibles — mais elle parle aussi de résistance : de la force qu’il y a à demander de l’aide, même quand tout pousse au silence. Il apprit que vouloir partir ne rend pas une personne faible ; demander à rester et se faire aider est une sorte de courage différent, parfois long à construire, mais vrai.

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Comments

Lirya✨

Lirya✨

C'est triste mais j'aime bien🤧. Dire que certains vivent vraiment cette situation

2025-09-24

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