Le manoir des âmes perdues

Chapitre 4 : Le manoir des âmes perdues

Le lendemain de cette nuit étrange, je me réveillai avec le goût amer de la peur encore collé à ma langue. Les images revenaient sans cesse : les roses, l’odeur métallique, et cette silhouette sans visage surgie de la brume. Mais plus encore, le souvenir de Damien me hantait. Ses yeux, son toucher froid, ses paroles énigmatiques.

Je voulais le fuir, l’oublier, effacer cette attirance insensée. Pourtant, une force invisible me poussait vers lui, comme si chaque battement de mon cœur scandait son nom.

Au crépuscule, je cédai. Mes pas me conduisirent dans les ruelles désertes, guidés par une intuition que je ne comprenais pas. Je finis par l’apercevoir, appuyé contre un lampadaire éteint, comme s’il m’attendait.

— Vous êtes venue, dit-il simplement.

Je voulus protester, mais aucun mot ne franchit mes lèvres. Il me fit signe de le suivre. Et, contre toute raison, je le fis.

Nous marchâmes longtemps, quittant les rues pavées pour un chemin plus sombre, bordé d’arbres dont les branches s’entrelassaient comme des griffes. L’air devint plus froid, saturé d’une humidité étrange. Enfin, au détour d’un virage, il apparut : un immense manoir dressé sur la colline, ses pierres noircies par le temps, ses vitraux brisés laissant fuir une lumière maladive.

Un frisson parcourut mon échine.

— Qu’est-ce que cet endroit ?

— Ma demeure, répondit Damien, sa voix basse résonnant dans la nuit.

Je restai figée, incapable d’avancer. Tout en ce lieu suintait la mort et l’abandon. Pourtant, il se tourna vers moi, tendit la main et ajouta :

— Si vous entrez, il n’y aura plus de retour possible.

Je crois que j’aurais dû fuir. Mais mes doigts vinrent trouver les siens. Sa main glacée se referma sur la mienne, et ensemble nous franchîmes le seuil.

À l’intérieur, l’air était lourd, saturé d’une odeur de cire éteinte et de poussière. Les couloirs s’étiraient comme des veines obscures, ornés de portraits anciens. Tous ces visages me fixaient, leurs yeux semblant suivre chacun de mes pas.

— Qui sont-ils ? demandai-je d’une voix mal assurée.

Damien ne répondit pas tout de suite. Il se contenta de poser sa main sur l’un des cadres, caressant la surface du bois comme on caresse une cicatrice.

— Des âmes qui n’ont jamais trouvé le repos.

Je sentis mon sang se glacer. Un bruit léger résonna derrière moi, comme un chuchotement. Je me retournai brusquement, mais il n’y avait que le couloir vide. Pourtant, je jurai entendre des respirations, comme si des présences invisibles erraient tout autour de nous.

Damien continua d’avancer, me guidant vers une grande salle. Un chandelier cassé pendait du plafond, projetant des ombres tordues. Sur la table, d’anciennes roses fanées gisaient, leurs pétales noirs collés au bois.

— Pourquoi m’amenez-vous ici ? soufflai-je.

Il plongea son regard dans le mien, un mélange de tristesse et de désir brûlant.

— Parce que vous devez savoir qui je suis… avant qu’il ne soit trop tard.

Son ton solennel me serra la gorge. Il s’approcha, me frôlant presque, et je sentis à nouveau ce froid glacial qui émanait de lui. Ses lèvres s’entrouvrirent, comme s’il allait m’avouer l’inavouable… mais soudain, un cri aigu retentit, venant de l’étage supérieur.

Je sursautai, le cœur battant. Damien ferma les yeux, comme accablé.

— Ils ne devraient pas être réveillés, murmura-t-il.

Avant que je puisse poser une question, le plafond craqua au-dessus de nous. Des pas lourds résonnèrent, accompagnés de gémissements déchirants. Puis, une porte claqua, et un souffle glacé descendit les escaliers, s’engouffrant dans la pièce comme une tempête invisible.

Je reculai, terrifiée, mais Damien m’attrapa par les épaules.

— Ne les regarde pas. Quoi qu’il arrive, ne cède pas à leur appel.

Je voulus protester, mais déjà une ombre se matérialisait dans le couloir : une silhouette voûtée, vêtue d’un linceul déchiré. Son visage n’était qu’une bouche béante d’où s’échappait un râle infini.

Je poussai un cri, mes jambes prêtes à me lâcher. Damien se plaça devant moi, son corps tendu comme un rempart. Ses yeux, cette fois, brillaient d’une lueur surnaturelle, presque inhumaine.

L’ombre s’avança, et d’autres suivirent, surgissant des murs, des plafonds, des portraits qui semblaient s’animer. Le manoir tout entier vibrait sous la plainte de ces âmes.

Et moi, prisonnière entre la terreur et l’attirance, je compris enfin pourquoi cet endroit portait son nom.

C’était vraiment… le manoir des âmes perdues.

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