Le parfum du sang et des roses

Chapitre 3 : Le parfum du sang et des roses

Les jours qui suivirent furent étranges. Je passais des heures à errer dans cette ville qui me semblait à la fois endormie et surveillée. Les habitants parlaient peu, et quand ils le faisaient, leurs voix restaient basses, comme si chaque mot risquait d’être entendu par une oreille invisible. Pourtant, à chaque coin de rue, je cherchais inconsciemment son visage. Damien.

Je ne l’avais pas revu depuis notre rencontre dans la ruelle, mais son image ne me quittait pas. La nuit, je rêvais de ses yeux sombres qui me fixaient avec une intensité presque douloureuse. Le jour, je croyais parfois sentir sa présence derrière moi, mais chaque fois que je me retournais, il n’y avait que l’ombre des vieilles bâtisses.

Un soir, je décidai d’aller marcher sur les falaises. L’air marin, chargé de sel, me brûlait la gorge. Les vagues frappaient la roche avec une force qui semblait vouloir tout engloutir. Au sommet, je trouvai un chemin bordé de rosiers sauvages. Leurs pétales rouges se détachaient dans la brume comme des éclats de sang.

Je m’arrêtai, fascinée par leur beauté insolente dans ce décor austère. Mais en me penchant pour respirer leur parfum, je remarquai quelque chose d’étrange : une odeur métallique, presque ferreuse, se mêlait à celle des roses. Mon cœur se serra. Ce n’était pas une simple impression. C’était l’odeur du sang.

Un frisson me parcourut. Je reculai d’un pas, et ce fut alors que je l’aperçus.

Damien.

Il se tenait à l’autre bout du sentier, immobile, me fixant. Son manteau noir flottait légèrement sous l’effet du vent, et derrière lui, les ombres semblaient se mouvoir, comme attirées par sa présence.

Je restai pétrifiée, incapable de détourner le regard. Puis, il avança lentement vers moi. Chaque pas qu’il faisait semblait résonner dans ma poitrine.

— Vous ne devriez pas être ici seule, dit-il d’une voix basse.

— Et vous ? soufflai-je, la gorge serrée. Vous semblez toujours être là où je me trouve.

Un sourire imperceptible passa sur ses lèvres.

— Peut-être que c’est vous qui me cherchez.

Je voulus protester, mais mes mots se perdirent dans le vent. Il s’approcha encore, jusqu’à ce que je sente son souffle froid sur ma peau. Ses yeux plongèrent dans les miens, et j’eus la sensation qu’il lisait en moi, fouillait dans mes souvenirs les plus intimes, mes blessures les plus secrètes.

— Vous portez la douleur en vous, dit-il doucement. Elle vous suit comme une ombre.

Je sentis mes yeux s’embuer. Comment pouvait-il savoir ? Comment pouvait-il lire ce que j’avais tant de mal à cacher ?

— Et vous ? demandai-je, ma voix tremblante. Quelle douleur portez-vous ?

Son regard se voila d’une tristesse infinie.

— Celle de ne jamais pouvoir aimer sans détruire.

Un silence lourd tomba entre nous. Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il allait se briser. J’étais attirée vers lui comme un papillon vers la flamme, consciente du danger, incapable de fuir.

Il leva une main, hésitant, puis effleura ma joue. Son toucher était froid, presque glacé, mais il déclencha en moi un frisson brûlant. Mes lèvres s’entrouvrirent malgré moi. Tout en lui me terrifiait, et pourtant, je désirais qu’il me serre contre lui.

Mais au moment où je crus qu’il allait m’embrasser, un cri strident déchira la nuit. Un cri venu des profondeurs de la falaise.

Je me retournai brusquement. Là, entre les rosiers, j’aperçus une silhouette blanchâtre, indistincte, qui se tordait dans la brume. Ses bras maigres se levaient vers moi comme pour m’implorer. Son visage n’avait pas de traits, seulement un vide béant.

Je poussai un hurlement.

Quand je me retournai, Damien se tenait déjà entre la silhouette et moi, ses yeux flamboyant d’une noirceur presque surnaturelle.

— Ne la regarde pas ! cria-t-il avec une force qui fit vibrer l’air.

Je détournai aussitôt les yeux, le souffle coupé. Quand j’osai à nouveau regarder, la silhouette avait disparu, comme avalée par la brume.

Je tombai à genoux, tremblante. Damien se pencha vers moi, son regard redevenu plus calme, mais toujours aussi énigmatique.

— Je vous avais prévenue, dit-il d’une voix basse. La nuit n’est pas faite pour vous.

Je le fixai, le cœur en lambeaux.

— Mais vous, qui êtes-vous vraiment ?

Il ne répondit pas. Il se contenta de me tendre la main pour m’aider à me relever. Sa paume glacée se referma sur la mienne, et malgré la peur qui m’étreignait encore, je sentis un étrange soulagement m’envahir.

Ce fut ce soir-là, au milieu des roses et du sang invisible, que je compris : je ne pouvais plus échapper à Damien. Ni à l’amour dangereux qui naissait en moi.

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