Dans les hautes montagnes, là où l’air se raréfie et où les nuages s’enroulent autour des cimes comme des serpents brumeux, se tenait le plus grand rassemblement de l’ère.
Sous la vaste voûte de marbre noir du Palais des Brumes, les flammes des torches vacillaient, incapables de dissiper l’atmosphère lourde qui pesait sur l’assemblée.
Les cinq grands maréchaux se tenaient debout, alignés devant le trône impérial. Leur simple présence faisait trembler la salle :
• Eto Valez, colosse taciturne à la barbe de fer, dont la hache massive reposait contre son épaule.
• Dame Enola, drapée dans des voiles écarlates, ses yeux perçants scrutant chaque visage comme pour sonder les âmes.
• Henpton Lee, fin stratège au regard froid, les doigts toujours posés sur la garde de son sabre.
• Ishan Var, aux cicatrices innombrables, qui semblait un mur vivant, forgé par des décennies de guerre.
• Et enfin Lady Deville, silhouette sombre à la chevelure argentée, dont la simple voix pouvait glacer le sang.
Derrière eux, rassemblés en un demi-cercle, se trouvaient les chefs des douze royaumes, les rois et seigneurs les plus puissants de l’Empire, accompagnés de leurs généraux et de leurs plus fidèles soldats. Parmi eux, l’imposant Barton Reiz, chef de guerre redouté, veillait sur ses hommes comme un lion sur sa meute.
Mais toute l’attention convergeait vers le trône impérial, où siégeait Han Xūxi, l’Empereur de l’Empire Han. Sa stature imposante et son regard sévère imposaient silence et respect. À ses côtés se tenait sa fille, Nüwa, encore pâle, ses mains tremblantes serrées contre sa robe blanche, ainsi que Zhang Hao, son fiancé, dont la main crispée sur la garde de son épée trahissait l’inquiétude.
Un silence pesant régnait, seulement brisé par le craquement du feu dans les braseros. Enfin, la voix de l’Empereur résonna, grave et tranchante :
— Ma fille, Nüwa, tu as vu ce que nul ne devait voir. Les dieux eux-mêmes t’ont parlé. Devant ces hommes, devant ces femmes, tu vas répéter ta vision. Que chacun ici mesure la gravité de nos choix.
Nüwa inspira profondément, mais son souffle s’étrangla. Elle ferma les yeux, et déjà, son corps se mit à trembler. Elle se revoyait encore, plongée dans la tempête, ses oreilles déchirées par le tonnerre, ses yeux brûlés par les visions. Elle dut s’agripper au bras de Zhang Hao pour ne pas s’effondrer.
Sa voix, faible au départ, emplit peu à peu la salle.
— Les dieux… m’ont montré les cartes du Tarot maudit. J’ai vu les fils du destin s’entrelacer, les royaumes consumés par le feu, et la fin de notre ère… Huit ombres sont apparues devant moi. Leurs noms me furent soufflés comme un jugement irrévocable.
Un frisson parcourut l’assemblée. Certains guerriers serrèrent leurs armes, d’autres rois échangèrent des regards inquiets. Mais Nüwa poursuivit, malgré ses larmes.
— Le premier… La Divinatrice. Une silhouette voilée, sans visage, autour de laquelle tournaient des dizaines de cartes, animées d’une volonté propre. Ses yeux voyaient au-delà du présent, au-delà du temps.
Un murmure s’éleva. Dame Enola fronça les sourcils.
— Une entité de clairvoyance… si cet être existe, il est capable de manipuler le destin lui-même.
Nüwa serra ses mains contre sa poitrine et continua.
— Le deuxième… Le Marchand de la Mort. Un chevalier squelette, son armure brisée résonnant comme un glas, marchant dans les décombres. Il portait sur son dos un sac… un sac de farine pourrie. Là où il passait, il ne restait que famine et ruine.
À ces mots, Barton Reiz frappa le sol du plat de sa lance.
— Des chimères ! Un squelette marchant parmi nous ? Ce ne sont que des contes pour effrayer les enfants.
Mais Lady Deville le fit taire d’un simple regard glacé.
— Continue, Nüwa.
La voix de la jeune héritière se brisa, mais elle n’eut pas le choix.
— Le troisième… Le Voyageur. Un jeune homme… Il marchait seul, un sac à dos sur l’épaule, au milieu de cadavres empilés. Ses pas ne faisaient aucun bruit, mais derrière lui s’étendait la désolation.
Un silence pesant suivit. Henpton Lee serra son sabre.
— Un messager de mort déguisé sous une innocence trompeuse.
Nüwa pleura, mais continua.
— Le quatrième… L’Ange Déchu. Ses ailes noircies, son auréole brisée, mais il… il souriait. Un sourire effroyable, empli de mépris pour les vivants et pour les dieux eux-mêmes.
À ces mots, plusieurs moines de la Tour de la Vierge se signèrent, effrayés. La présidente Soul-Maria baissa les yeux, et sa fille Senna murmura une prière.
— Le cinquième… Le Mangeur de Givre. Un démon des blizzards. Sa peau entière était de glace, ses yeux blancs comme la neige… Il avançait dans une plaine rouge de sang, et partout où il posait le pied, tout mourrait gelé.
Eto Valez grogna, serrant sa hache.
— Un tel monstre, je l’abattrai de mes propres mains.
Mais Nüwa n’entendit pas. Ses yeux brillaient d’effroi.
— Le sixième… La Guérisseuse. Une enfant de Gaïa, le corps couvert de lianes et de fleurs. Mais ses racines perçaient la chair, brisaient les os… Elle guérissait et détruisait tout à la fois. Sa douceur n’était qu’un masque, sa puissance… inarrêtable.
Un long frisson parcourut la salle. Certains commencèrent à se lever, protestant que cela relevait de l’hérésie, que ces paroles ne pouvaient venir des dieux. Mais l’Empereur fit un geste, et le silence revint.
Nüwa, au bord de l’épuisement, prononça la suite d’une voix tremblante.
— Le septième… Le Fabricant de Sable. Un démon nomade, né dans le désert. Partout où il passait, il ne restait qu’une traînée de poussière, et les vents portaient l’odeur de la mort. Son corps n’était que sable, son souffle… une tempête.
Le silence devint étouffant. Chaque mot semblait un fardeau supplémentaire pesant sur les épaules de l’assemblée.
Enfin, Nüwa leva les yeux vers son père. Ses lèvres tremblèrent, mais elle dit ce qu’elle redoutait le plus.
— Et le dernier… Le Cartomancien. Un démon coincé dans la pierre, percé d’aiguilles et de fils. Ses mains pouvaient recoudre le destin, mais au prix de l’anéantissement. Il est… celui que les dieux craignent. Celui qui déclenchera la fin, la mauvaise fortune.
La salle entière bascula dans la stupeur. Un silence de mort tomba, si lourd qu’on pouvait entendre les battements de cœur des plus faibles.
Puis un brouhaha éclata : des rois crièrent au blasphème, des maréchaux s’accusèrent entre eux, certains parlèrent de guerre préventive, d’autres de rituels pour briser la prophétie.
Mais au milieu du tumulte, Nüwa se replia sur elle-même, sanglotant, revivant encore et encore la vision.
Elle avait vu les huit ombres. Elle avait senti la fin approcher.
Et dans un murmure presque inaudible, elle souffla :
— Ils sont déjà parmi nous.
Le silence pesant qui avait suivi les paroles de Nüwa se brisa dans un fracas de voix discordantes. Les représentants des royaumes, les maréchaux, les partisans de la Tour et même certains nobles s’entre-déchiraient à coups de cris et d’accusations. L’immense salle de marbre résonnait de leurs disputes, comme si les murs eux-mêmes tremblaient sous le poids de la peur.
— Ce ne sont que des illusions ! s’écria Henpton Lee, frappant la table de son poing. Depuis quand les songes d’une enfant dictent-ils le destin de nos royaumes ?
— Tu oses insulter la princesse héritière ? rugit Dame Enola, ses yeux flamboyant d’indignation. L’esprit divin a parlé à travers elle, et tu l’ignores au risque de tous nous condamner !
— Des contes de vieilles sorcières ! renchérit un ministre du royaume de Sagitta. Des cartes et des noms… ce ne sont que des symboles sans valeur.
À cet instant, une voix rauque s’éleva du fond de la salle. La vieille reine-mère d’Aries, drapée dans une cape de fourrure sombre, se leva lentement de son siège. Ses yeux voilés par l’âge brillaient pourtant d’une clarté inquiétante.
— Vous êtes des fous… dit-elle, chaque mot résonnant comme une malédiction. Vous feignez l’ignorance, mais la prophétie avait déjà été révélée… par le Démon sans Nom.
Un frisson parcourut l’assemblée. Même les maréchaux se figèrent.
— Deux siècles plus tôt, continua-t-elle, cet être maudit, dernier héritier du peuple de la Forêt Noire, enfermé dans la pierre par nos ancêtres, avait parlé. Il avait annoncé que son retour serait précédé par un orage… un orage qui ébranlerait jusqu’aux cieux. Et cette nuit… la tempête a grondé.
Les mots tombèrent comme des coups de tonnerre. Le murmure des nobles devint un tumulte, certains se levant de leurs sièges, d’autres frappant leurs sceptres contre le sol en signe de protestation.
— Mensonges ! cria un conseiller de Taurus.
— Blasphème ! hurla un partisan de la Tour.
Mais la vieille sorcière leva un doigt tordu, imposant le silence.
— Le Crocheteur… celui qui tire les fils du destin. Il s’est libéré. Et c’est cela qui a fait trembler les dieux. Vous pouvez nier, mais bientôt, ses pas feront vibrer vos royaumes.
Un silence mortel s’abattit sur l’assemblée. Puis, dans un souffle glacé, Barton Reiz, massif dans son armure noircie par mille batailles, se leva. Sa voix grave coupa l’air comme une lame.
— Alors je me rendrai dans les Terres Oubliées. Je foulerai la Forêt Noire. Je veux voir de mes propres yeux si le démon est encore prisonnier… ou s’il marche déjà parmi nous.
Les soldats derrière lui, vêtus de capes écarlates, frappèrent le sol de leurs lances en signe d’approbation.
— Et pour les autres ? gronda Ishan Var, son regard acéré fixé sur Nüwa. Les sept entités décrites par la prophétie… allons-nous rester les bras croisés ?
Lady Deville, froide et implacable, intervint :
— Non. Si ces êtres existent, ils doivent être anéantis avant même que leur destin ne s’accomplisse. Nous lancerons une chasse à l’homme. Quiconque correspondra aux visions de la princesse devra être éliminé.
Nüwa sursauta. Son cœur se serra. Elle sentit la salle se refermer autour d’elle comme un piège.
— Non ! s’écria-t-elle, sa voix brisée d’émotion. Vous ne comprenez pas… Ce que j’ai vu n’était pas une certitude, mais un avertissement. Les cartes montrent des possibles, pas des coupables. Si vous lancez une chasse à l’homme, vous condamnez des innocents !
Des murmures éclatèrent, certains acquiesçant, d’autres ricanant avec mépris. Mais avant qu’elle ne puisse ajouter un mot, Zhang Hao, son fiancé, posa une main ferme sur son épaule.
— Nüwa, assez, dit-il d’une voix douce mais inflexible. Laisser planer le doute, c’est offrir une chance au chaos. Cette prophétie doit être étouffée dans l’œuf.
Il se tourna vers l’assemblée et s’inclina.
— Je me porterai volontaire pour la chasse. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour mettre un terme à cette menace… et pour que notre mariage ait lieu sans que l’ombre de cette prophétie ne plane sur nous.
Des applaudissements éclatèrent. Des voix crièrent son nom. Et l’Empereur Han, le visage fermé, se leva pour mettre fin au conseil.
— Assez. L’affaire est tranchée. Barton Reiz partira pour la Forêt Noire. Les maréchaux et nos élites lanceront la chasse. Que la prophétie soit étouffée avant qu’elle ne consume le monde.
La salle se vida peu à peu, laissant derrière elle une tension étouffante.
Dans ses appartements, Nüwa s’effondra sur un coussin de soie, ses mains tremblantes pressées contre son visage. Les images des cartes maudites tournaient encore dans son esprit, s’enchaînant comme des chaînes invisibles.
La porte s’ouvrit doucement. Une silhouette lumineuse entra. Senna. Ses longs cheveux blonds cascadaient sur ses épaules comme une rivière d’or, ses yeux gris brillaient d’une inquiétude contenue. Elle s’approcha en silence, posa une main délicate sur l’épaule de Nüwa.
— Je savais que je te trouverais ici, souffla-t-elle.
— Senna… murmura Nüwa, les yeux rougis. Tout cela est ma faute. Si des innocents meurent… ce sera à cause de moi.
Senna secoua doucement la tête, ses voiles de soie frémissant autour d’elle.
— Ne dis pas cela. Les dieux n’ont pas voulu que tu portes seule ce fardeau. Écoute-moi… Si la chasse doit avoir lieu, nous trouverons un moyen de protéger les innocents.
— Mais comment ? gémit Nüwa. Je ne peux quitter le palais, pas sans être surveillée…
Senna serra sa main avec douceur. Son sourire pâle se fit plus grave, plus résolu.
— Demain, je participerai à la distribution du pain, comme toujours. J’en profiterai pour confier un message discret à un villageois. Lui passera le mot, et ainsi de suite. Quand la chasse commencera, les royaumes sauront. S’ils ne correspondent pas aux descriptions, ils pourront se cacher, se protéger… et personne ne mourra injustement.
Nüwa leva les yeux vers elle, troublée.
— Senna… tu risquerais tout pour ça ? Ta mère… si elle l’apprend…
— Ma mère veut faire de moi une image parfaite. Une poupée immaculée. Mais moi… je veux être ton amie, et faire ce qui est juste. Les dieux ne veulent pas que des innocents périssent.
Un silence doux s’installa entre elles. Deux âmes liées, prisonnières de devoirs trop lourds, mais unies dans un même espoir fragile.
— Merci… souffla Nüwa en serrant la main de Senna contre son cœur.
Et dans l’ombre, au-delà des murs du palais, le destin se mettait déjà en marche.
La nuit n’avait pas encore entièrement avalé le ciel que les tambours de guerre résonnaient déjà sur les murailles de l’Empire. À la lueur des torches, Barton Reiz chevauchait en tête d’une colonne de soldats vêtus d’acier sombre. Leur marche lourde, rythmée par les sabots et les lances, vibrait comme un écho de malheur dans les rues de la capitale.
Les passants, éveillés par le tumulte, sortaient en hâte de leurs maisons pour voir défiler la troupe. Nul cri d’encouragement, nulle fleur lancée sur leur passage : seulement des regards muets, empreints d’angoisse. On murmurait déjà que Barton se dirigeait vers les Terres Oubliées, là où nul homme ne revenait indemne.
Cette décision du conseil, portée par les messagers, s’enflamma bientôt jusque dans les couloirs dorés des manoirs des élites. Dans l’aile réservée aux fils et filles de la haute noblesse, un vaste domaine qui servait d’école à la nouvelle génération, la rumeur courait plus vite que le vent. Les jeunes gens en uniformes stricts, capes brodées aux couleurs de leurs maisons, parlaient à voix basse entre les colonnes de marbre et les cours d’entraînement où l’on apprenait à manier l’épée, les arcanes ou la maîtrise des flammes.
Dans une salle obscure, éclairée par les flammes vacillantes de chandeliers, Yann se tenait entouré de ses compagnons. Son visage portait encore l’ombre de l’humiliation qu’il avait subie face à Elijah. Son sourire mauvais fendit ses traits lorsque la nouvelle de la chasse à l’homme fut confirmée.
— Vous comprenez ce que cela signifie, n’est-ce pas ? souffla-t-il, sa voix basse et venimeuse. Des listes vont être établies, des soupçons jetés, des innocents accusés… C’est l’occasion rêvée.
Ses amis, intrigués, échangèrent des regards hésitants.
— Que veux-tu dire ? demanda l’un d’eux.
— Je parle de vengeance, répondit Yann en serrant les poings. Ce misérable Elijah, ce rat de campagne, m’a fait plier devant tout le monde. Eh bien… bientôt, je le ferai disparaître. Et quand son nom sera effacé, toute la reconnaissance du village du Lys Blanc… toute cette gloire qui aurait dû m’appartenir… sera enfin mienne.
Un silence pesant suivit ses paroles. Certains sourirent, d’autres pâlirent. Mais Yann, lui, savourait déjà son plan comme un poison doux amer.
Au même moment, loin des marbres et des intrigues, le village du Lys Blanc vivait encore au rythme simple des saisons. Dans les champs de blé dorés, Elijah travaillait dur sous le soleil de plomb. Sa chemise trempée collait à sa peau, ses mains rugueuses enserraient la faux avec habitude. À ses côtés, Nel, toujours vif et bavard, lui lançait des blagues pour alléger la fatigue. Autour d’eux, les villageois chantaient parfois pour se donner du courage.
— Hé, ne vous épuisez pas, lança Oncle Harris, la voix forte malgré son âge. N’oubliez pas la distribution du pain ce soir. Les nonnes de la Tour de la Vierge ne tolèrent jamais les retardataires !
Les rires fusèrent, mêlés à des soupirs de soulagement : ce pain, rare et sacré, était attendu par tous comme une bénédiction.
Le soleil déclinait, drapant le ciel de couleurs incandescentes, rose et orangé, quand de fines pluies commencèrent à tomber. Les villageois rentraient peu à peu dans leurs maisons, tandis que les silhouettes blanches des nonnes s’approchaient du cœur du hameau. Drapées de longs voiles immaculés, elles formaient une procession austère, portant des paniers d’osier emplis de miches encore chaudes.
Mais Elijah, absorbé par son travail, était resté au champ.
Nel, inquiet, se présenta devant les nonnes pour réclamer une miche supplémentaire.
— Mon ami est resté aux blés, dit-il avec insistance. Il n’a pas reçu sa part… je peux la prendre pour lui.
La none supérieure, femme sévère au regard de fer, le toisa longuement.
— Assez de mensonges, petit. Le pain n’est pas pour ceux qui négligent la bénédiction des dieux.
Nel protesta, mais les nonnes se détournèrent, fermes.
C’est alors que Senna, pâle et silencieuse parmi elles, fit un pas en avant. Son voile de soie brodé d’or scintillait sous les gouttes de pluie.
— Je m’en chargerai, dit-elle soudain d’une voix claire.
Un silence choqué s’abattit sur la place. Jamais la fille d’une lignée aussi noble ne se serait abaissée à courir après un paysan. Même Nel la dévisagea, bouche bée. Mais avant que quiconque ne puisse l’arrêter, Senna souleva les pans de sa robe et s’élança à travers les chemins boueux, tenant fermement le pain contre elle.
Elijah, penché sur les gerbes, redressa la tête en voyant la silhouette lumineuse courir vers lui. Il écarquilla les yeux, stupéfait.
— Qu’est-ce que…?
Lorsqu’elle atteignit le champ, haletante, Senna se redressa et lui tendit le pain avec douceur.
— Tu es Elijah, n’est-ce pas ? murmura-t-elle.
Le jeune homme, méfiant, fronça les sourcils. Il jeta un regard autour d’eux, inquiet.
— Qu’est-ce qu’une demoiselle de ton rang fait ici ? Y a-t-il… un problème au village ?
Senna secoua la tête. Sa voix trembla légèrement, mais son regard demeura ferme.
— Rien de grave. Pas encore. Mais je devais te voir… et te prévenir.
Et alors, au milieu du champ bercé par la pluie fine et les lueurs du crépuscule, elle lui révéla tout : le conseil, la prophétie, la tempête, et la chasse à l’homme décrétée par l’Empereur lui-même.
Les mots frappèrent Elijah comme des coups de tonnerre. Il pâlit, le pain glissant presque de ses mains.
— Impossible… Ce… ce sont des contes ! Ma grand-mère racontait toujours cette histoire… Je croyais que ce n’était qu’une fable pour nous effrayer…
Son souffle s’accéléra. Ses yeux se levèrent vers le ciel, comme s’il cherchait déjà des réponses.
— Alors… la fin est proche ? Comment allons-nous survivre à ça ?
Il tourna vers Senna un regard bouleversé.
— Mais pourquoi ? Pourquoi toi, une noble, tu viens nous aider ?
Senna inspira profondément. Ses yeux gris, emplis de sincérité, s’ancrèrent dans les siens.
— Parce que je refuse de voir mourir des innocents. Parce que… ce n’est pas ce que les dieux veulent.
Un silence lourd s’installa, seulement troublé par le bruissement du blé et le martèlement lointain des tambours de guerre qui résonnaient encore dans les souvenirs d’Elijah.
Elijah
Nëwa
Senna
Yann
Nel
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