La nuit était tombée sur Notre Vu, et avec elle, un silence lourd, presque oppressant. Les couloirs d’habitude bruyants semblaient endormis, mais Amélia savait que l’école ne dormait jamais vraiment.
Elle avait enfilé une veste sombre, mis la clé dans sa poche, et était sortie discrètement de son dortoir. Oscar l’attendait devant la porte menant à l’aile ancienne. Il ne parlait pas. Il ne souriait pas. Il regardait droit devant lui, comme s’il avait déjà revécu cette scène des dizaines de fois.
— Tu es sûre ? murmura-t-il.
— Je dois savoir. Pour Élina. Pour moi.
Oscar hocha la tête. Ils avancèrent ensemble, éclairés seulement par la lampe torche qu’il tenait. Les murs étaient couverts de vieilles toiles d’araignée et de tableaux sombres que personne ne regardait jamais. Lorsqu’ils arrivèrent devant la Salle des Fondateurs, Amélia sentit un frisson la parcourir.
Les portraits étaient toujours là. Dix visages. Dix regards fixes. Mais cette fois, quelque chose avait changé : une fissure parcourait le mur derrière le tableau central — celui d’Alaric de Vu. La clé vibra légèrement dans la poche d’Amélia.
Oscar s’approcha du tableau. Il posa sa main sur la fissure.
— Mets la clé, dit-il calmement.
Amélia sortit la clé. Elle l’approcha du mur. Un petit orifice circulaire, presque invisible, apparaissait juste sous le cadre doré. Elle y inséra la clé. Un déclic. Puis un grondement sourd.
Le mur derrière le tableau recula lentement, révélant un passage étroit creusé dans la pierre.
— Ce que tu vas voir peut changer ta perception de tout ce que tu connais, dit Oscar. Tu ne pourras pas revenir en arrière.
— Je suis prête.
Ils pénétrèrent dans le tunnel. L’air y était glacé, humide, chargé d’électricité. Après plusieurs mètres, le couloir déboucha sur une vaste salle souterraine circulaire. Au centre, une étrange dalle de pierre, entourée de symboles lumineux. Et autour… des visages sculptés dans les murs. Cent visages. Des anciens élèves. Certains jeunes, d’autres vieux. Tous figés dans une expression entre la peur et le sommeil.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Amélia, à mi-voix.
— C’est ici que le lycée garde ses “élus”. Ceux qu’il choisit. Ceux qui voient. Ceux qui osent. Chaque génération, il en prend un ou deux. Parfois plus. Il les fige. Il garde leur mémoire… pour survivre.
— C’est ça le “cœur sous les visages” ?
Oscar hocha la tête.
— Le Cœur, c’est cette dalle. C’est l’endroit où tout commence, et où tout recommence. Il pulse. Il veille. Et il choisit.
— Et toi ? Tu es l’un d’eux ?
Il s’approcha de la dalle et posa sa main dessus. Les symboles brillèrent d’une lumière bleue.
— J’ai refusé. J’ai résisté. Mais je suis devenu son gardien. Je suis resté… bloqué.
— Alors pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ?
Oscar la regarda intensément.
— Parce que tu es différente. Tu n’es pas seulement une élue. Tu es une mémoire vivante. Une porte. Le Cœur veut s’ouvrir. Il a besoin de toi.
— Et si je refuse ?
Il détourna les yeux.
— Il prendra quelqu’un d’autre. Peut-être Max. Peut-être Esther. Ou pire… Manon. Il choisira jusqu’à ce que l’un accepte.
Amélia se sentit submergée par l’émotion. Elle regarda les visages figés autour d’elle. Et soudain, elle en reconnut un. *Élina*. Sa sœur. Plus jeune. Son visage paisible, figé dans la pierre.
— Non…
Elle s’approcha, les larmes aux yeux. Elle toucha le visage glacé.
— Je la veux en vie. Je veux la sauver.
Oscar prit une longue inspiration.
— Il y a une seule façon de la libérer. Tu dois prendre sa place.
Amélia recula, choquée.
— Tu veux dire… rester figée ici ? Pour l’éternité ?
— Non. Pas éternellement. Mais le Cœur demande une mémoire active pour relâcher celles qu’il retient. Un échange. Si tu acceptes… tu peux la sortir. Et un jour, quelqu’un d’autre te remplacera. Comme moi.
Amélia serra les poings. C’était absurde, irréel, mais tout en elle lui disait que c’était vrai.
Elle regarda Oscar.
— Tu es resté ici… combien de temps ?
— Soixante-sept ans. Mais pour moi, c’était comme dix.
Amélia posa la main sur la dalle. Les symboles brillèrent plus fort. Elle ferma les yeux.
— Je le ferai. Mais pas pour l’école. Pas pour le Cœur. Je le fais pour elle.
Une lumière blanche envahit la salle. Le sol trembla. Et puis… plus rien.
Silence.
Amélia avait disparu.
Devant la dalle, Élina ouvrit lentement les yeux. Elle tomba à genoux, tremblante.
Oscar s’agenouilla à ses côtés.
— Elle l’a fait, murmura-t-il.
Un nouveau visage était apparu dans le mur. Amélia. Calme. Les yeux clos.
Mais un léger sourire sur les lèvres.
𝑻𝒐 𝒃𝒆 𝒄𝒐𝒏𝒕𝒊𝒏𝒖𝒆𝒅
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