Chapitre 4 : Le livre que personne ne veut lire

Amélia gravit les marches de la bibliothèque comme si chacune d’elles la rapprochait d’un danger invisible. La clé en cuivre donnée par Oscar pesait lourd dans sa poche. Une fois à l’étage, elle poussa la grande porte en bois sculpté. L’odeur de vieux papier et de cire lui sauta au visage. La lumière, tamisée par les rideaux épais, plongeait les rayonnages dans une pénombre inquiétante.

La pièce était presque vide. Seule *Madame Verdin*, la bibliothécaire au regard perçant, se tenait derrière son comptoir. Elle leva les yeux de son registre et observa Amélia d’un air soupçonneux.

— Tu cherches quelque chose en particulier ? demanda-t-elle.

Amélia hésita. Elle se souvenait des mots d’Oscar : *“Demande le livre que personne ne veut lire.”*

— Oui. Je… je cherche le livre que personne ne veut lire.

Le silence tomba d’un coup. Madame Verdin la fixa longuement. Puis elle se leva lentement.

— Suis-moi.

Amélia la suivit jusqu’au fond de la pièce, derrière une étagère bancale. La bibliothécaire sortit un vieux trousseau de clés, en sélectionna une, et ouvrit une porte étroite dissimulée dans le mur. Un escalier de pierre descendait dans l’obscurité.

— C’est dans les archives. Tu as cinq minutes. Pas plus.

Amélia s’engouffra dans l’escalier. Chaque pas soulevait un nuage de poussière. En bas, elle découvrit une salle minuscule, circulaire, remplie de livres couverts de chaînes ou de sceaux rouges. Sur un piédestal, un seul ouvrage était posé : un grand livre noir, sans titre. Il semblait presque vivant.

Elle s’en approcha et tendit la main. Dès qu’elle le toucha, une onde glaciale lui parcourut le bras. Elle l’ouvrit.

À l’intérieur, des pages remplies de dessins étranges, de symboles anciens, et surtout… de noms. Des dizaines de noms. Des élèves. Certains raturés. D’autres entourés. Elle reconnut celui d’Esther, et juste en dessous… celui de sa sœur : Élina.

Son cœur se serra.

En tournant les pages, elle vit un schéma de l’école. Un cercle dessiné autour de la Salle des Fondateurs. Et une annotation en lettres rouges : *"Le cœur est scellé sous les visages."*

Une page était marquée d’un ruban noir. Elle l’ouvrit.

*"Celui qui détient la clé peut ouvrir le passage. Mais le prix est toujours le même : un souvenir effacé. Une mémoire perdue. Une vie altérée."*

Amélia recula. Son souffle s’accéléra. Que voulait dire Oscar ? Que cachait cette salle ? Et surtout, pourquoi lui donner cette clé ?

Une voix la fit sursauter.

— Tu n’étais pas censée voir ça.

C’était *Madame Verdin*. Son visage était plus dur, plus froid.

— Je ne suis pas ici pour t’empêcher de comprendre. Mais sache ceci : chaque élève qui cherche ce livre disparaît un peu plus. Pas physiquement… mais intérieurement. Ils oublient. Ils changent.

Elle tendit la main vers Amélia, qui lui rendit le livre.

— Tu peux encore faire marche arrière, dit-elle.

Amélia la regarda dans les yeux.

— Trop tard.

***

En sortant de la bibliothèque, le ciel était devenu gris. Le vent soufflait fort. Dans la cour, les élèves semblaient distants, comme si elle avait franchi une frontière invisible.

Elle retrouva Oscar près de la fontaine. Il l’attendait.

— Tu as ouvert le livre ? demanda-t-il.

Elle hocha la tête.

— Je veux savoir ce qu’est “le cœur sous les visages.”

Oscar la regarda longuement.

— Alors prépare-toi. Cette nuit, on retourne dans la Salle des Fondateurs. Et cette fois… on l’ouvrira.

Amélia sentit son cœur battre plus vite. Elle ne savait pas exactement ce qu’elle allait affronter. Mais une chose était sûre : *Notre Vu* n’était pas qu’un lycée.

C’était un piège, un portail, ou peut-être… un labyrinthe vivant.

Et elle venait d’en trouver la clé.

𝑻𝒐 𝒃𝒆 𝒄𝒐𝒏𝒕𝒊𝒏𝒖𝒆𝒅

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