Le poids d’un nom

Le manoir Leclerc, perché à la lisière de la forêt de Rambouillet, n’était pas une résidence… c’était un domaine sacré, où chaque pierre semblait porter le sceau du pouvoir. Les couloirs étaient vastes, les tableaux anciens, et l’ambiance… intimidante.

Desmond arriva en hélicoptère, comme à son habitude, vêtu d’un manteau anthracite. À peine avait-il posé un pied sur le marbre noir que la gouvernante l’informa :

— Monsieur Henrik vous attend au jardin d’hiver. Avec du thé… et des questions.

Desmond ne sourit pas.

Il entra dans l’immense véranda où la lumière de fin d’après-midi baignait les orchidées et les fauteuils en cuir. Henrik Leclerc, son père, était assis dans un fauteuil royal. Costume beige sur mesure, cheveux gris impeccables, regard acéré.

Sans lever les yeux :

— Tu es en retard.

— Le monde ne s’arrête pas pour un thé familial.

Henrik posa sa tasse, lentement.

— Tu penses toujours que le monde est ton jouet. Mais un jour, il te frappera en retour.

Desmond s’adossa à la baie vitrée.

— Ce jour-là, je frapperai plus fort.

Henrik le fixa enfin. Ses yeux avaient la même nuance de bleu. Sauf que ceux du père étaient plus froids, plus fatigués. Un homme qui avait vu des choses que Desmond n’imaginait même pas.

— Tu as 28 ans. L’empire est solide. L’argent coule. Les ennemis tremblent. Parfait.

Pause.

— Mais as-tu enfin trouvé une femme capable de te donner un héritier ?

Desmond resta immobile. Le silence, soudain, devint lourd.

— Tu n’as jamais eu besoin d’une femme pour construire ton empire. Pourquoi devrais-je ?

— Parce qu’un empire sans successeur… meurt.

Parce qu’un nom comme Leclerc ne doit pas disparaître.

Et parce que même les rois ont besoin de sang pour survivre.

Desmond serra la mâchoire. Il repensa à Sky. À son sourire. À Léo.

À cette vérité qu’elle lui avait cachée… ou qu’il n’avait pas voulu comprendre.

— Je vois quelqu’un.

Henrik se redressa légèrement.

— Elle vient d’un bon milieu ? Elle connaît notre monde ?

— Non. Elle est tout ce que tu détesterais.

Henrik sourit doucement. Pas de joie. Juste un amusement cruel.

— Alors elle est peut-être ce que tu as toujours cherché.

Un silence s’installa.

Puis Desmond se leva.

— Si je choisis quelqu’un… ce ne sera pas pour perpétuer ton nom. Ce sera pour créer le mien.

Il quitta la pièce sans un mot de plus.

Et Henrik, seul dans le jardin d’hiver, murmura pour lui-même :

— Il ne sait même pas qu’il est déjà en train de tomber. Et cette femme… va le briser ou le sauver.....

Henrik resta seul, les mains jointes, fixant les orchidées sans vraiment les voir. Il se leva lentement, traversa la véranda avec la grâce d’un prédateur vieillissant, puis prit son téléphone.

— Marcella. Dossier complet sur cette femme. Je veux son nom, son passé, ses failles.

La voix au bout du fil répondit sans surprise :

— Sky Morel. Mère. Vendeuse. Pas de casier. Mais... quelque chose cloche.

Henrik fronça les sourcils.

— Continue. Et surveille Desmond. S’il choisit cette fille, ça ne sera pas sans conséquence.

Il raccrocha, puis sortit dans le jardin, où les statues familiales veillaient depuis des générations.

Le vent souffla dans les arbres, comme pour murmurer une mise en garde oubliée.

Et au fond de lui, Henrik Leclerc savait que pour briser un homme tel que Desmond, il fallait plus qu’un ennemi…

Il fallait une femme.

😆😆

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