Le vent avait changé.
Il n’était plus frais ni léger. Il avait cette lourdeur étrange, cette épaisseur invisible qui collait à la peau, au souffle, à l’âme.
Hanna volait encore.
Ses ailes battaient faiblement, mécaniquement.
Elle ne savait plus depuis combien de temps elle fuyait — des heures, peut-être des jours — son esprit vacillait, l’air devenait rare.
Autour d’elle, le ciel s’assombrissait.
Les nuages n’étaient plus blancs, mais d’un gris malade. Le soleil, absent.
Et plus elle avançait, plus la lumière semblait fuir.
Un frisson la traversa.
Ce n’était plus Célestara.
Elle venait d’entrer dans le monde de Layla.
Le royaume tordu de la Nocteralis.
Un endroit sans ciel. Sans limite. Sans loi.
Elle se posa brusquement sur un sol sombre, presque vivant, fait d’un marbre noir qui pulsait lentement sous ses pieds comme un cœur malade.
Ses jambes lâchèrent. Elle tomba à genoux.
Ses ailes se replièrent autour d’elle, comme une coquille de lumière pâle, l’enveloppant, la berçant contre un monde qui voulait la dévorer.
Elle ferma les yeux.
Juste quelques secondes.
Juste… un souffle.
Puis la douleur.
Un sifflement rapide, tranchant.
Et un choc.
Violent. Froid. Tranchant.
Quelque chose — un dard noir en obsidienne, long comme une lame de lance — venait de se ficher dans son aile gauche.
Elle hurla.
Pas un cri aigu.
Un bruit sourd, brisé, venu des profondeurs de sa gorge.
Un râle arraché, déchiré.
Une goutte de lumière dorée s’écoula de sa plaie, ruisselant le long de sa joue tremblante.
Sa vision vacilla.
Ses ailes… son point le plus vulnérable…
Touchées.
Hanna tituba, le souffle arraché à chaque pas.
Son dos se voûta.
Mais elle refusa de tomber.
Elle se releva.
Tremblante. Faible. Mais debout.
C’est alors qu’elle l’entendit.
Une voix.
Douce.
Et fausse.
Comme une comptine qu’on chanterait à un enfant… juste avant de lui briser les os.
"Tourne tourne petite étoile…
Plus tu brilles, plus je te vois…
Tombe tombe dans mes bras…
Et je t’arracherai tout bas…” 🎶
Une silhouette sortit de la brume.
Longue, noire, élégante.
Layla.
Ses yeux rouTu sens çages luisaient comme deux braises dans la nuit.
Ses pas résonnaient avec une lenteur insupportable.
Ses lèvres souriaient… mais ses crocs luisaient déjà.
Elle tendit la main vers Hanna, presque tendrement.
— Regarde-toi, murmura-t-elle.
— Si fragile. Si lumineuse.
Tu t’éteins si bien, petit trésor...
Puis elle se pencha lentement, effleurant presque la plaie d’Hanna du bout des doigts.
— Tu sens ça ? Ce frisson dans ta chair ?
C’est la peur. Mais aussi autre chose…
Elle inclina la tête, un rictus aux lèvres.
— Tu détestes me craindre… mais tu n’arrives pas à m’ignorer.
Et elle se remit à chanter.
"Tourne tourne petite étoile…
Plus tu brilles, plus je te vois…
Tombe tombe dans mes bras…
Et je t’arracherai tout bas…” 🎶
Layla tourna autour d’Hanna, comme un loup élégant au regard d’obsidienne.
Elle ne se pressait pas.
Elle voulait sentir la peur dans chaque battement du cœur de l’Aetheris.
— Tu tiens encore debout ?... souffla-t-elle.
— Mignonne illusion.
Elle se pencha, posa une main glaciale sur la joue d’Hanna.
Ses griffes caressaient doucement la peau, mais chaque frôlement portait la promesse d’un déchirement.
— Tu ne mérites pas la mort.
Pas encore.
Un premier coup partit.
Lent.
Maîtrisé.
Un revers du dos de la main, brutal, traversant le visage d’Hanna avec une précision chirurgicale.
Le bruit sec résonna dans le silence comme un coup de tonnerre.
Hanna chancela, mais resta debout. Du sang doré perla à la commissure de ses lèvres.
Layla sourit, presque amusée.
— Toujours aussi brillante… Quelle perte ce serait, si je n’en profitais pas un peu.
Un deuxième coup.
Dans les côtes.
Pas pour casser.
Pour faire plier.
Et Hanna plia.
Ses ailes s’ouvrirent, spasmiques, cherchant à la protéger.
Mais Layla les frôla du bout des doigts, là où la chair était la plus sensible, la plus exposée.
— Ton point faible est si… exquis, murmura-t-elle, tout contre son oreille.
— On dirait que même la lumière a ses nerfs.
Elle laissa un silence s’installer.
Puis, sans prévenir…
Le dernier coup.
Un coup lent, calculé, en plein ventre, avec toute la grâce cruelle d’un bourreau raffiné.
Hanna s’effondra à genoux.
Sa respiration devint erratique.
Ses ailes tremblaient, repliées sur elle comme un cocon déchiré.
Layla s’agenouilla devant elle, passa deux doigts sous son menton et l’obligea à la regarder.
— Chut...
Tu t’éteins si joliment.
Puis tout devint noir.
Hanna s’évanouit, s’effondrant contre le sol noir.
Layla resta là un instant, l’observant comme on contemple une œuvre d’art inachevée.
Elle effleura une mèche argentée, presque tendre.
— Je n’en ai pas fini avec toi.
Et dans le silence, elle recommença à chanter sa comptine tordue, en traînant lentement le corps inconscient vers l’obscurité.
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