chapitre 4

Livaï se leva tôt ce jour-là.

Le ciel était encore noir, et la maison dormait.

Mais lui, il était debout, déjà, comme si son corps refusait le repos.

> Livaï (pensée)

Aujourd’hui… je vais faire mieux.

Je vais le rendre fier. Je vais être beau. Serviable. Calme.

Je peux être ce qu’il veut.

Il alla dans la salle de bain, les pieds nus contre le carrelage glacé.

Il alluma la lumière.

Le miroir lui rendit son reflet.

Sa joue était encore rouge, violacée.

Sous son œil, une ombre.

Sur son cou, une trace trop visible.

Il attrapa le fond de teint.

Trembla un peu. Recommença.

Il mit du correcteur, du blush. Juste assez pour cacher. Juste assez pour exister.

Puis il passa une chemise propre.

Bleue claire. Celle qu’Eren avait dit aimer.

Il boutonna avec soin, chaque geste appliqué comme une prière silencieuse.

Dans la cuisine, il sortit les œufs, les épices, les tartines, les fruits.

Prépara du café, du vrai, comme Eren l’aimait.

Il posa tout sur la table avec une précision maniaque.

> Livaï (pensée)

Il va être content.

Peut-être qu’il me sourira.

Peut-être qu’il dira… "merci".

Mais Eren descendit, l’air fatigué, l’humeur mauvaise.

Il jeta un œil sur la table, haussa un sourcil.

> Eren : T’as fait tout ça pour quoi ?

Tu crois que j’ai le temps de bouffer comme un roi le matin ?

J’suis à la bourre, Livaï !

Il attrapa la tasse, la renversa sans faire exprès sur la nappe. Le liquide brûlant éclaboussa les doigts de Livaï.

> Livaï : Aïe…

Eren se retourna, les yeux brillants.

> Eren : Sérieux ? Tu te plains ?

C’est toi qui fais tout de travers, et t’oses encore geindre ?

Il leva la main.

Pas très fort.

Mais assez.

Claque.

Sur l’épaule.

Un coup rapide, sec.

> Eren : Bouge, putain.

Livaï recula. Il avait les larmes aux yeux, mais il les retint.

Il ne devait pas pleurer.

> Livaï : Pardon. C’est ma faute.

J’aurais dû te demander. J’aurais dû penser à ton emploi du temps…

Eren attrapa ses clés, soupira, ouvrit la porte.

> Eren : T’arriveras à faire un truc simple ? Nettoie cette merde.

Et fais pas le con aujourd’hui.

La porte claqua.

Et Livaï resta là.

Le café dégoulinait sur le bois.

Ses doigts lui brûlaient.

Mais c’était rien.

> Livaï (pensée)

Il a raison. C’était trop. Inutile.

J’ai encore exagéré…

J’aurais pu… j’aurais dû faire simple.

Il nettoya. En silence.

Puis il rangea. Puis il frotta la salle de bain, fit les lits, repassa les vêtements.

Chaque geste avec application, lenteur, amour presque.

Et toute la journée, il ne fit aucun bruit.

Quand Eren rentra, la lumière était tamisée, l’appartement propre, et le dîner posé sur la table.

Un gratin. Du vin. Un fond musical doux.

Livaï se tenait droit, presque souriant.

> Livaï : Bonsoir…

Tu veux te doucher avant ? J’ai laissé de l’eau chaude exprès.

Eren entra sans répondre.

Il lâcha sa veste, laissa tomber ses chaussures.

Il passa devant Livaï, renifla.

> Eren : T’as mis des fleurs ? C’est quoi cette odeur ?

J’ai la tête en vrac, et toi tu parfumes la maison comme un putain de spa ?!

Livaï recula d’un pas.

> Livaï : C’était juste… pour l’ambiance. Je voulais que ce soit agréable.

Pardon… je peux aérer si tu veux.

Eren : Ferme-la.

Un silence.

Il attrapa l’assiette, goûta.

Reposa la fourchette.

> Eren : C’est fade.

Et trop salé en même temps. T’as aucun équilibre.

Puis, soudainement :

> Eren : T’as rien fait de bien aujourd’hui, Livaï.

Il se leva.

Tourna autour de la table, comme un prédateur qui jauge sa proie.

Livaï se figea, la respiration suspendue, les mains toujours posées sur ses genoux.

Eren s’arrêta derrière lui.

Le silence devint insoutenable.

Et le poing partit.

Pas au visage. D’abord dans le dos.

Un coup sec, qui coupa net le souffle.

Livaï bascula en avant, mais il ne cria pas.

Il ne criait jamais.

> Eren (froid) : Tu crois toujours faire le bon choix.

Mais tu sais rien, Livaï. Rien du tout.

Un autre coup.

Sur l’épaule cette fois. Puis dans les côtes.

> Eren : C’est quoi ça ? Ce dîner ? Ce cirque ? Tu crois que ça va me calmer ?

T’as aucune idée de ce que je vis là-dehors !

Et toi t’es là… avec tes putains de bougies et ton sourire de merde.

Un troisième coup.

Plus fort. Plus bas.

Livaï se plia en deux, haletant.

Ses mains cherchaient le sol comme un refuge, mais il ne fuyait pas.

Il n’osait même pas lever les yeux.

> Livaï (pensée)

Il a raison… j’ai trop décoré… j’ai exagéré…

Il voulait peut-être juste du silence.

Eren attrapa son col. Le redressa à moitié.

> Eren : T’as même pas foutu de parfum correct. J’ai la gerbe en entrant ici.

Et il le repoussa violemment contre la table.

Livaï heurta un coin. Sa hanche cogna. Un bruit sourd.

Le plat renversé s’écrasa au sol. Le verre explosa.

Eren n’avait plus besoin de mots.

Ses gestes suffisaient.

> Livaï (pensée, paniqué)

Je suis allé trop loin. J’aurais dû demander.

J’aurais dû l’attendre.

C’est ma faute.

J’existe mal.

Un dernier coup.

Le plus silencieux. Un revers rapide sur la nuque, presque symbolique.

> Eren (épuisé) : Tu m’épuises, Livaï. Tu me vides.

Il se détourna. Lâcha simplement :

> Eren : Nettoie cette merde.

Puis il monta l’escalier. Lentement. Sans un regard.

---

Et Livaï resta là.

À genoux, au milieu des débris.

Le souffle court. Les yeux vides.

Il toucha sa lèvre fendue du bout des doigts.

Puis les éclats de verre.

Il ne savait pas s’il saignait ou pas.

Et ça n’avait plus d’importance.

> Livaï (pensée)

Il est fatigué.

Je le déçois.

Et pourtant… j’essaie.

Il rampa vers le chiffon.

Ramassa les miettes de son dîner. De sa dignité.

---

Plus tard dans la nuit, il retourna à la salle de bain.

Alluma la lumière.

Le miroir le regardait.

Les marques sur sa joue. Sur sa tempe. Une trace rouge sur sa gorge.

Il toucha du bout des doigts.

Puis posa ses mains à plat sur le rebord du lavabo, le souffle coupé.

> Livaï (pensée)

Je les mérite.

Il sourit. Faiblement.

Un sourire de deuil.

> Livaï (pensée)

Je suis le problème.

Il éteignit la lumière.

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Il s’allongea sur le canapé. En boule.

Les bras autour de ses genoux.

La joue contre le coussin.

Et dans l’obscurité, il murmura :

> Livaï : Demain… je ferai mieux.

Promis.

Et le mot "mieux" résonna dans sa tête comme une prière.

Ou une malédiction.

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