La porte venait à peine de se refermer derrière lui.
William resta immobile dans l’entrée, le sac en papier toujours dans la main. Il le fixait comme si c’était un objet piégé. Il entendait encore la voix du voisin.
“Juste un geste de bon voisinage.”
Il avait eu ce ton. Léger. Trop léger. Comme si les mots flottaient au-dessus d’une chose plus dense, plus sombre.
William connaissait ce genre de ton. Il l’avait entendu sur le terrain. Chez des hommes capables de sourire en tenant une arme dans le dos.
Il posa le sac sur la table de la cuisine. Lentement.
Puis il se frotta les mains, par réflexe.
Le silence du logement était oppressant, mais familier. Il ouvrit un placard, attrapa un couteau. Long. Tranchant. Il le garda dans sa main en s’approchant du sac.
Ridicule, pensa-t-il.
Tu vas vraiment fouiller un sandwich comme une bombe artisanale ?
Oui. Il allait le faire.
Il ouvrit d’abord le sac en le pinçant du bout des doigts. À l’intérieur, les emballages étaient propres, soigneusement rangés. Un sandwich coupé en deux, bien emballé dans un papier kraft. Une petite bouteille de jus grenade-framboise. Et une serviette en papier.
Rien d’étrange.
Mais rien ne voulait dire confiance.
Il sortit la bouteille, la fit rouler dans sa main. Vérifia le bouchon. Rien d’anormal. Pas d’ouverture forcée. Pas d’odeur suspecte.
Il ouvrit le sandwich, découpa la moitié avec son couteau, cherchant des fils, des objets piqués à l’intérieur. Juste du saumon, de l’avocat, du pain de seigle grillé. De la mayonnaise maison, à l’odeur fraîche.
Il n’y avait rien.
Juste… un déjeuner.
Il resta là, debout, planté dans sa cuisine à observer ce repas, l’estomac creux, mais les nerfs tendus comme une corde. Et puis…
Il soupira. Longuement.
— T’es pathétique, murmura-t-il pour lui-même.
Il lâcha le couteau dans l’évier, se pinça l’arête du nez.
Il n’était plus sur le terrain. Ce n’était pas l’Afghanistan. Il n’y avait pas de menaces cachées dans chaque boîte, dans chaque regard. C’était un immeuble huppé, dans une ville civilisée. Un voisin bien bâti lui avait offert un sandwich. Rien de plus.
Et pourtant… son instinct refusait de se taire.
Il s’assit finalement. Le sandwich dans une main, la bouteille dans l’autre. Il goûta d’abord la boisson. Un goût sucré-acide lui envahit la bouche. C’était bon. Vraiment bon.
Puis une bouchée du sandwich. Moelleux. Frais. Nourrissant.
Et étrangement… réconfortant.
Il mangea sans se presser, à moitié honteux, à moitié soulagé. Ce n’était pas le sandwich qui le dérangeait. C’était ce que ça représentait. Le fait de devoir recevoir quelque chose. De faire confiance, même un peu. De se sentir observé.
Il s’était toujours cru bon à fermer les portes.
Mais il savait que depuis le regard dans l’ascenseur, il y avait une faille. Minuscule. Insidieuse.
Ce type… , il en était presque sûr… avait une présence particulière. Une façon de regarder les gens comme s’il les lisait. William ne savait pas encore s’il était flatté… ou menacé.
Il termina son repas en silence, posa la bouteille vide sur la table, et resta là un moment. Le ventre apaisé, mais l’esprit encore troublé.
Il n’avait rien demandé.
Mais il avait accepté.
Et c’était ça, le vrai problème.
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