L’eau avait cessé de couler depuis dix minutes. La buée persistait sur les parois de verre de la salle de bain, mais Dimitri n’y prêtait plus attention. Assis nonchalamment sur le canapé, jambes écartées, une simple serviette nouée autour de sa taille, il scrutait l’écran plat devant lui.
Le match de la veille passait en rediffusion sur une chaîne sportive. Son propre corps, en mouvement sur le terrain, le fascinait autant qu’il l’ennuyait. Il connaissait chaque action, chaque feinte, chaque accélération. Rien ne lui échappait — ni dans le sport, ni dans la vie.
Il attrapa une bouteille d’eau à moitié vide sur la table basse, but une gorgée, et la reposa sans bruit.
Ses yeux glissèrent vers la fenêtre ouverte. Le soleil tombait sur les immeubles voisins, et dans la chaleur presque douce de la fin de journée, un visage lui revint en mémoire.
Lui.
Son voisin.
Le type de ce matin.
Il n’en connaissait pas le nom, mais se souvenait très bien du regard. Froid. Lointain. Comme s’il venait de très loin, d’un endroit qu’on ne quitte pas vivant. Et pourtant… un charme brutal. Un calme tendu, une retenue presque militaire.
Dimitri sourit.
Il avait reconnu ce genre d’homme immédiatement. Pas un civil banal. Non. Trop droit. Trop effacé aussi. Comme un mur.
Et Dimitri aimait les murs. Parce qu’il adorait les fissurer.
Il posa la télécommande, s’enfonça un peu plus dans le canapé en cuir, la serviette remontant à peine sur sa cuisse. Il croisa les mains derrière sa tête, fixant le plafond, son esprit déjà ailleurs.
Il avait vu le regard de cet homme. Il avait senti ce que personne d’autre ne semblait remarquer : la faille. Le vide.
Et ce vide, il voulait y plonger.
Son téléphone vibra.
Il le saisit d’un geste souple. Tapa un code à quatre chiffres, puis ouvrit un écran de discussion.
Dimitri
“Cherche-moi des infos sur mon voisin d’en face. Celui du 9e. Je veux tout : nom, numéro, boulot, historique. Adresse mail si possible.”
Liam (vu en ligne)
“Encore ? Tu vas jamais t’arrêter avec ça.”
Dimitri
“Je veux le dossier d’ici demain. Sans faute.”
Liam
“… Tu comptes lui faire quoi ?”
Dimitri sourit, un sourire paresseux et froid, et posa le téléphone sur la table.
Il n’avait pas besoin de répondre. Liam savait. Il savait toujours.
Il se leva enfin, la serviette glissant légèrement sur ses hanches, marcha pieds nus vers la baie vitrée. Il observa la ville.
L’idée que cet homme dormait, vivait, respirait à seulement quelques mètres le fascinait.
Il imagina sa voix quand elle ne disait pas bonjour. Son odeur. Ses gestes quand personne ne le regarde. Ce qu’il faisait la nuit quand les cauchemars le réveillaient.
Car il en faisait, Dimitri en était sûr. Ce regard n’était pas celui d’un homme entier.
Et c’était parfait.
Il posa une main contre la vitre, comme pour y laisser une empreinte. Puis il ferma les yeux, soupira légèrement.
Pas de précipitation.
Il allait y aller doucement. Pas de choc frontal.
Juste de la tension.
De la patience.
Il allait apprendre son nom, ses habitudes, ses horaires. Ce qu’il aime boire, manger, penser. Il allait, centimètre par centimètre, infiltrer sa vie.
Et ce regard vide… il allait le remplir.
À sa manière.
Dimitri rouvrit les yeux, s’éloigna de la vitre, et alla dans la cuisine. Il prit un fruit, croqua dedans sans vraiment y penser.
Il n’y avait que deux types d’hommes qui intéressaient vraiment Dimitri Athers :
Ceux qu’il pouvait dominer.
Et ceux qui le feraient saigner avant de céder.
Et ce voisin…
Ce voisin pourrait bien être les deux.
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