Chapitre 4 : le fou sous la glace

Ivan partit sans un mot, deux jours plus tard.

Une mission, avait-on murmuré.

« Une affaire à régler », avait dit un de ses hommes.

Mais personne ne m’avait dit pourquoi j’étais, soudain, laissée entre les mains d’un inconnu.

Il s’appelait Mikhail. Grand, brutal, avec un regard fuyant.

Ivan lui avait confié ma sécurité — ou ce qu’il appelait ainsi.

Je n’aimais pas sa façon de me regarder. Trop longtemps. Trop bas.

Pas comme Ivan. Ivan me possédait du regard.

Mikhail, lui, me déshabillait de l’intérieur.

« T’as pas besoin d’avoir peur », m’avait-il dit en souriant, ce soir-là, alors que je me retirais dans ma chambre.

Ses yeux suivaient mes gestes.

« Je suis pas Ivan… moi, je peux être doux. »

Mon estomac s’était noué. Je m’étais enfermée. Trois verrous. Une chaise contre la poignée.

Et cette nuit-là, j’avais dormi assise, toute habillée, sans fermer l’œil.

Le lendemain, il avait frappé à la porte.

Puis doucement posé sa main sur la poignée.

Et soufflé de l’autre côté du bois :

« Tu peux faire confiance à personne ici. Pas même à moi. »

Quand Ivan revint, c’était le chaos.

Des cris. Des coups de feu. Des téléphones qui sonnaient sans cesse.

Le cartel avait été attaqué pendant son absence. Un coup monté.

Plusieurs de ses hommes avaient été tués.

Il entra dans le manoir comme une tempête.

Ses yeux brûlaient, son costume était taché de sang.

Mais ce n’est pas ce qui m’a glacée.

C’est la façon dont il m’a cherchée du regard, partout.

Comme un fauve traquant une proie volée.

Quand il me trouva, il s’arrêta net.

Je ne pleurais pas.

Mais j’étais pâle.

Et Mikhail n’était plus là.

Ivan s’approcha. Lentement.

« Qu’est-ce qu’il a fait ? »

Trois mots. Calmes. Froids.

Mais ses poings étaient déjà fermés.

Je secouai la tête.

Je ne voulais pas qu’il pense que j’étais faible.

Je ne voulais pas qu’il voie ce que je ne pouvais pas dire.

Mais il s’agenouilla devant moi.

Et dans ses yeux, pour la première fois, je vis quelque chose de brisé.

Pas pour lui.

Pour moi.

« Je t’ai laissée à un chien. »

Sa voix tremblait. Pas de peur. De rage contenue.

« Je t’avais confiée. Tu étais à moi. Et ils ont osé… »

Il se leva, brutalement.

Son visage était redevenu de marbre.

Mais ses mains tremblaient encore.

Une heure plus tard, on annonçait que Mikhail avait “disparu”.

Aucune trace. Aucun mot.

Juste un silence, pesant, et le bruit lointain de la mer… ou peut-être d’un corps qu’on enterre.

Mais ce n’était pas fini.

Trois nuits plus tard, le manoir fut attaqué. Cette fois, c’était moi qu’on voulait.

Ils m’avaient enlevée dans le noir, bâillonnée, menottée.

Je ne savais pas qui ils étaient. Mais ils savaient qui j’étais.

La fille du marché. La poupée de Volkov. Le point faible du roi.

Ils m’ont gardée une nuit. Une seule.

Pas de coups. Pas de blessures.

Mais des regards. Des mots. Des doigts trop proches.

Puis, Ivan est arrivé.

L’enfer avec lui.

Je l’ai entendu avant de le voir.

Des cris. Des balles. Une rage qui ne criait pas vengeance… mais propriété.

Il a brisé la porte.

Il m’a trouvée dans une chaise, ligotée.

Il ne m’a pas demandé si j’allais bien.

Il m’a juste regardée. Et dit, glacé :

« Personne ne touche à ce qui m’appartient. »

Il m’a détachée. Lentement.

Et dans ses gestes, il n’y avait aucune douceur.

Mais il y avait la promesse d’une guerre.

Il n’a rien dit de plus cette nuit-là.

Il m’a portée jusqu’à la voiture.

Puis m’a ramenée au manoir.

Mais dans le miroir, le lendemain, j’ai vu une chose étrange.

Je n’étais plus seulement prisonnière.

J’étais le champ de bataille.

Et Ivan, ce monstre froid et magnifique…

Il n’était plus seulement mon bourreau.

Il était devenu le seul qui me défendait.

Même si ça voulait dire une chose terrible :

Je ne lui appartenais pas.

Je lui étais nécessaire.

Et dans ce monde-là, c’était pire.

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