Chapitre 2 : Premiers Frissons, Premiers Dangers
Eden ne dormit pas cette nuit-là. Elle resta éveillée, allongée sur un transat au bord de la piscine, les yeux ouverts sur le ciel noir, à écouter les derniers râles de la fête qui s’éteignait lentement. La villa reprenait son souffle, comme un monstre assoupi après avoir dévoré ses proies.
Autour d’elle, des corps s’étaient effondrés ici et là. Cassie dormait sur un canapé en marbre, les talons encore aux pieds, une bouteille vide entre les jambes. Maxence ronflait sur le tapis, torse nu, un sourire béat figé sur ses lèvres. Des filles qu’elle ne connaissait pas s’étaient éparpillées dans les chambres à l’étage, nues ou à moitié déshabillées, le mascara coulé, les cuisses collantes de sexe et d’alcool.
Mais Eden était encore là. Lucide. Trop peut-être. Elle revoyait les yeux de Léo dans la pénombre. Ce regard qui avait glissé sur elle comme une lame. Il n’avait rien dit de plus après son aveu étrange. Il s’était contenté de sourire, puis de s’éloigner sans un mot. Comme un test. Et elle n’avait pas bougé. Comme une idiote.
Vers six heures, le soleil s’est levé doucement. Eden se leva, récupéra ses sandales, traversa la villa pieds nus. Elle évita les cadavres de fête, les taches de vin, les capotes usées. Elle entra dans la salle de bain du rez-de-chaussée, se lava le visage, redressa ses cheveux dans le miroir fêlé. Elle ne se reconnaissait pas. Elle avait l’air plus vieille. Plus sale. Mais aussi… plus vivante.
Quand elle ressortit, Cassie était debout, encore en robe, le visage fermé, une clope au bec.
« Belle entrée. Tu sais ce que t’as déclenché hier soir ? » lança-t-elle froidement.
Eden fronça les sourcils. « Pardon ? »
Cassie s’approcha, écrasa sa cigarette dans une coupelle en cristal.
« Léo. Il t’a regardée. Il ne regarde jamais les nouvelles. Il les baise, il les jette, mais il ne les regarde pas. Toi, il t’a regardée. »
Eden haussa les épaules. « Je lui ai pas demandé de le faire. »
Cassie se pencha vers elle, son parfum — un mélange de vanille, d’herbe et de poison — l’enveloppant tout entier.
« Je te préviens, Eden. Il n’aime que les filles qu’il peut casser. Et moi, j’ai déjà été cassée. Alors si tu penses pouvoir te la jouer petite princesse dramatique, je te conseille de courir maintenant. »
Eden la regarda droit dans les yeux. Elle aurait dû trembler. Mais elle sentit une colère froide monter en elle. Une envie de résister. De voir jusqu’où ça pouvait aller.
« Je suis pas une princesse. Et je ne cours pas. »
Cassie la fixa, silencieuse, puis éclata de rire.
« Parfait. Tu vas adorer l’enfer. »
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Trois jours plus tard, ils étaient à Saint-Tropez. La Villa Écarlate avait été troquée contre un yacht de 40 mètres. Champagne dès dix heures, lignes de coke à midi, baise dans les cabines, selfies à rallonge. Tout était codé, orchestré, filtré pour paraître libre, alors que tout n’était qu’image, contrôle et excès calculé.
Eden, elle, se laissait porter. Par le rythme. Par les regards. Par l’attente. Léo l’avait ignorée depuis cette nuit-là, comme s’il n’avait jamais existé entre eux ce court moment de tension. Mais elle le voyait. Il l’observait quand il pensait qu’elle ne regardait pas. Il se rapprochait parfois, frôlait sa main, son bras. Juste assez pour laisser une trace.
Ayana la prit à part un soir, sur le pont, pendant que Maxence chantait faux avec une bouteille de gin à la main.
« Il fait toujours ça. Il te teste. Si tu tombes, il te laisse. Si tu fuis, il te rattrape. Si tu restes… tu deviens comme Cassie. »
Eden regarda Léo de loin. Il embrassait une autre fille. Une mannequin. Parfaitement nue. Il avait l’air absent, presque mécanique.
« Et toi ? Tu es tombée ? » demanda Eden.
Ayana sourit tristement. « Non. Moi, je l’aimais trop pour tomber. »
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Le soir même, Eden retrouva Léo seul sur la plage arrière du yacht. Il fumait, torse nu, les pieds dans l’eau.
« Tu comptes encore me regarder comme si j’étais un film d’horreur ? » lança-t-il sans se retourner.
Elle sourit. « Peut-être. Les films d’horreur, c’est ce qu’il y a de plus vrai, parfois. »
Il se retourna lentement. La lune baignait son visage d’une lumière pâle. Il la regarda longtemps, sans rien dire.
Puis il s’approcha. Très près. Trop près.
Il posa une main sur sa nuque. Elle ne recula pas.
« Si tu me touches, je te brise », murmura-t-il.
« Si tu me brises, je saigne sur toi », répondit-elle.
Le baiser fut violent. Fiévreux. Malsain. Vrai. Un cri dans la nuit, une morsure dans le silence. Elle sentit tout son corps chavirer, brûler, imploser. Il la plaqua contre le métal chaud du yacht, ses mains sur sa peau, ses dents contre sa gorge. Elle lui griffa le dos, se perdit en lui. Ils s’envoyèrent en l’air comme deux bombes humaines, entre rage et passion, jusqu’à ce que le monde entier disparaisse.
Et quand ce fut fini, il la regarda avec des yeux presque tristes.
« T’es foutue maintenant », dit-il simplement.
Et elle sut qu’il avait raison.
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