L’Entraînement Commence

Les jours qui suivirent furent comme un tourbillon pour Théo. Chaque matin, il se réveillait avec une nouvelle énergie, un sentiment de but qu'il n'avait jamais ressenti auparavant. Ses matinées étaient désormais consacrées à l'entraînement avec Monsieur Lefèvre, qui avait pris un rôle de mentor. Ses après-midi, il les passait avec Matthieu, qui, bien que curieux des changements dans la vie de Théo, respectait son silence sur les détails.

Monsieur Lefèvre emmenait Théo dans un lieu isolé, loin des regards indiscrets. C'était une vieille maison en bordure de la ville, entourée de bois denses. La maison semblait avoir été abandonnée depuis longtemps, mais une fois à l'intérieur, Théo découvrit un espace soigneusement aménagé, avec des livres anciens, des artefacts mystérieux, et des zones spécialement dédiées à l'entraînement.

— Ici, tu seras en sécurité, — dit Monsieur Lefèvre en lui montrant les différentes pièces — C'était un refuge pour ta mère. Elle venait ici pour se cacher, pour méditer, et pour s'entraîner elle aussi.

Théo ressentit une étrange connexion en sachant que sa mère avait foulé ces mêmes sols, avait touché ces mêmes objets. Cela le motivait encore plus à apprendre et à comprendre ce qui l'attendait.

Le premier jour d'entraînement, Monsieur Lefèvre expliqua les bases des dons de Théo.

— Comme je te l'ai dit, ta mère avait le don de percevoir et d'influencer les émotions. Ce que tu dois comprendre, c'est que ce don n'est pas une simple capacité, mais une extension de ton être. Il est connecté à tes émotions, à ta volonté.

Théo hocha la tête, écoutant chaque mot avec attention.

— Tu dois d'abord apprendre à contrôler tes propres émotions, — continua Monsieur Lefèvre — Car si tu ne peux pas les maîtriser, elles te maîtriseront, et tes dons deviendront dangereux, non seulement pour toi, mais aussi pour ceux qui t'entourent.

Ils commencèrent par des exercices de méditation. Théo devait s'asseoir en silence, se concentrer sur sa respiration, et laisser ses pensées s’apaiser. Ce n'était pas facile. Son esprit était constamment envahi par des questions, des doutes, et des peurs. Mais avec chaque session, il devenait un peu plus calme, un peu plus centré.

Puis vinrent les exercices pratiques. Monsieur Lefèvre apporta des objets chargés d'énergie émotionnelle — une vieille montre ayant appartenu à quelqu'un de très anxieux, un livre marqué par une grande tristesse — et demanda à Théo de se connecter à ces émotions, de les ressentir et de les identifier.

Au début, Théo était submergé par ces sensations. Les émotions des autres, capturées dans ces objets, étaient si puissantes qu'il avait du mal à ne pas les laisser l'envahir. Mais avec le temps, il apprit à les distinguer, à les observer sans les absorber. Ce fut un pas important dans sa maîtrise.

Cependant, la partie la plus difficile restait à venir : l'influence des émotions. Monsieur Lefèvre lui expliqua que cela demandait non seulement une grande concentration, mais aussi une profonde empathie.

— Tu dois comprendre la personne que tu veux influencer, — lui dit-il — Tu dois te connecter à elle, ressentir ce qu'elle ressent, et seulement alors, tu pourras commencer à changer cette émotion.

Théo essaya plusieurs fois, avec des résultats variés. Parfois, il parvenait à apaiser une tristesse profonde en la transformant en une douce nostalgie. D'autres fois, il échouait complètement, exacerbant les émotions au lieu de les atténuer.

Un après-midi, alors qu'il s'exerçait encore, Matthieu fit une apparition inattendue. Il avait remarqué que Théo disparaissait souvent et, curieux, il avait suivi ses traces jusqu'à la vieille maison.

— Théo ? — appela Matthieu en franchissant la porte — Qu'est-ce que tu fais ici ?

Théo, surpris, s'arrêta en plein exercice. Il ne s'attendait pas à voir Matthieu ici, et encore moins à devoir expliquer ce qu'il faisait.

— Matthieu, je... — commença Théo, cherchant ses mots.

Monsieur Lefèvre, qui observait la scène de loin, s'avança avec un sourire compréhensif.

— Bonjour, Matthieu, — dit-il calmement — Je suis Monsieur Lefèvre, un vieil ami de la famille de Théo.

Matthieu hocha la tête, un peu méfiant mais curieux.

— Salut. Théo, tu ne m'as jamais parlé de lui, ni de cet endroit.

Théo soupira, réalisant qu'il ne pourrait plus garder ce secret longtemps.

— Je suis désolé de ne rien t'avoir dit, Matthieu, mais il se passe beaucoup de choses que je ne comprenais pas moi-même. — répondit Théo — Et j'avais besoin de temps pour... pour comprendre tout ça.

Matthieu s'approcha, l'air concerné.

— Si c'est quelque chose de dangereux, tu devrais me le dire. Je ne veux pas que tu te mettes en danger.

Théo échangea un regard avec Monsieur Lefèvre, qui acquiesça légèrement, lui donnant la permission de dire la vérité.

— Matthieu, — dit Théo avec un ton sérieux — Il y a des choses sur ma famille que je viens juste de découvrir. Des choses qui expliquent beaucoup de ce que je suis, et pourquoi j'ai toujours été... différent.

Matthieu écouta attentivement, sans interrompre.

— Mon père et Monsieur Lefèvre m'aident à comprendre ces choses, — continua Théo — Et c'est pourquoi je suis ici. Pour apprendre à me connaître, à me protéger.

Matthieu sembla peser les mots de Théo avant de répondre.

— Je comprends, — dit-il doucement — Et tu sais que je suis là pour toi, peu importe ce que c'est.

Théo sourit, touché par le soutien inébranlable de son ami.

— Merci, Matthieu. Cela signifie beaucoup pour moi.

Monsieur Lefèvre, qui avait observé cet échange avec bienveillance, intervint.

— Matthieu, tu es le bienvenu ici aussi, si tu souhaites comprendre ce que Théo traverse. Mais sache que ce que nous faisons ici est sérieux, et peut devenir dangereux.

Matthieu réfléchit un instant avant de répondre avec détermination.

— Je veux être là pour Théo, peu importe ce que cela implique.

Théo ressentit une vague de gratitude envers Matthieu. Savoir qu'il n'était pas seul dans cette aventure lui donnait une force nouvelle.

Avec la bénédiction de Monsieur Lefèvre, Matthieu commença à assister aux séances d'entraînement, non pas en tant qu'élève, mais en tant que soutien moral. Sa présence rassurait Théo, lui donnant la confiance nécessaire pour continuer à explorer ses dons et à comprendre le rôle qu'il devait jouer.

Les jours passèrent, et Théo progressait rapidement. Mais il savait que ce qu'il avait appris jusqu'à présent n'était que le début. Un grand défi l'attendait, une confrontation avec ceux qui avaient chassé sa mère. Et quand ce moment viendrait, il devait être prêt, non seulement pour lui-même, mais pour ceux qu'il aimait.

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