Chapitre 5 : L'Œuvre Finale

L'aube grise se levait sur Tokyo, baignant la ville d'une lumière morne qui semblait drainer les couleurs du paysage. Kaito Nakamura marchait d'un pas rapide dans les ruelles désertes, son sac à dos légèrement ouvert, révélant le masque de Noh qu'il avait soigneusement sélectionné pour sa prochaine victime. La décision de passer à l’acte une fois de plus l’avait maintenu éveillé toute la nuit, et maintenant, il n’y avait plus de retour en arrière.

Il savait que ce meurtre serait différent. C’était la dernière pièce du puzzle, l'aboutissement de tout ce qu'il avait entrepris depuis le début. Les policiers étaient proches de découvrir son identité, il le sentait, et il devait créer une scène qui marquerait les esprits, quelque chose qui défierait toute logique, tout sens commun.

Il arriva enfin devant l'immeuble qu'il avait repéré des jours auparavant. C'était un bâtiment ancien, à moitié abandonné, où personne ne se souciait de ceux qui entraient ou sortaient. Il avait choisi cet endroit pour son isolement, mais aussi pour la vue imprenable qu'il offrait sur la ville en contrebas.

En gravissant les escaliers étroits, Kaito se rappelait de ses victimes, de chaque moment où la vie quittait leur corps, laissant place à une œuvre d'art figée dans le temps. Ses mains ne tremblaient pas, ses pensées étaient claires, et son objectif, précis. Lorsqu'il atteignit le dernier étage, il ouvrit doucement la porte rouillée et pénétra dans la pièce sombre.

Le matin avait à peine commencé, et l'air était encore frais, presque mordant. Kaito sortit le masque de son sac, le regardant une dernière fois. C'était un masque représentant un démon furieux, avec des cornes menaçantes et des yeux perçants. Parfait pour ce qu'il avait en tête.

Il installa soigneusement le masque sur un mannequin en bois qu'il avait placé au centre de la pièce. Il arrangea chaque détail, veillant à ce que l'angle, la lumière et l'ombre soient parfaits. C'était une scène de mort, mais aussi une scène de vie, dans sa propre vision déformée de l'art. Le mannequin représentait sa victime, une projection de tout ce qu’il ressentait envers la société qui l’avait rejeté.

Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, Ayumi Sato s'était réveillée tôt, hantée par ses pensées. Elle ne pouvait se débarrasser de l'impression qu'elle manquait quelque chose, un détail crucial qui lui permettrait de trouver le tueur. Elle s'était replongée dans les dossiers dès l'aube, cherchant désespérément à relier les points.

"Ce n'est pas qu'un simple tueur," murmura-t-elle pour elle-même, son esprit tourmenté par les images des masques. "C'est un artiste déviant, un esprit torturé qui voit dans chaque meurtre une sorte d'accomplissement personnel."

Takashi entra dans la pièce, une tasse de café à la main. "Ayumi, tu devrais prendre une pause. On y est presque, mais il faut aussi que tu te ménages."

Elle le regarda avec des yeux fatigués mais déterminés. "Je ne peux pas me permettre de m’arrêter maintenant. Je sens qu’il est sur le point de frapper encore. On doit le devancer."

Takashi hocha la tête, respectant la volonté de sa partenaire. "J'ai contacté nos sources sur le marché noir. Ils nous ont dit que l'homme que nous avons rencontré pourrait avoir des informations. Il vend plus que de simples objets. Il pourrait même savoir où ce tueur se cache."

"Alors on y retourne," dit Ayumi en se levant brusquement. "Il n’y a plus de temps à perdre."

Kaito avait terminé ses préparatifs. Le soleil s'était maintenant levé, projetant une lumière froide à travers les fenêtres brisées du bâtiment. Il se tenait devant son œuvre, le cœur battant, mais avec une étrange sérénité. C'était le point culminant de tout ce qu'il avait fait, une représentation ultime de son art morbide.

Il alluma un dernier bâton d'encens, le plaçant aux pieds du mannequin. Une fumée blanche et légère s'éleva, remplissant la pièce d'une odeur piquante et âcre. Le masque semblait presque vivant, ses yeux fixes regardant Kaito avec une intensité déstabilisante

Kaito s’agenouilla devant le mannequin, comme s’il priait. "C’est ici que tout se termine," murmura-t-il. Il sortit un couteau de sa poche, l'acier brillant à la lumière du matin. Il savait ce qu'il devait faire, mais pour la première fois, il hésitait.

Le visage de Saeko Tanaka apparut dans son esprit. Il se souvenait de ses yeux curieux, de son sourire doux. Elle avait vu en lui quelque chose que personne d'autre n'avait remarqué. Mais pouvait-il vraiment changer ? Était-il capable de rédemption, ou était-il condamné à sombrer encore plus profondément dans l'obscurité ?

Ayumi et Takashi étaient de retour dans le quartier, se faufilant à travers les ruelles sinueuses jusqu'à la porte en métal du marché noir. Cette fois, ils étaient prêts à tout. Ils n'avaient plus l’intention de jouer les rôles de simples acheteurs. Ils devaient obtenir des réponses.

"Je prends la porte arrière," dit Takashi en sortant son arme de service. "Tu prends l'avant. On le coince cette fois."

Ayumi acquiesça, les sens en alerte. Ils se séparèrent, avançant discrètement vers leurs positions respectives. L'air était lourd, chargé d'une tension palpable. Lorsqu'Ayumi frappa à la porte, elle était prête à toutes les éventualités.

L'homme à la canne les accueillit, son sourire poli masquant à peine son étonnement de les revoir si tôt. "Ah, mademoiselle Sato. De retour si vite ?"

"Nous avons des questions," déclara Ayumi, sa voix ferme. "Et vous allez nous répondre."

Le sourire de l’homme s’évanouit, remplacé par une froideur calculatrice. "Je crains que ce ne soit pas aussi simple, inspectrice."

Il fit un signe discret de la main, et plusieurs hommes en costumes sombres émergèrent des ombres, les armes prêtes. Mais Ayumi ne recula pas, ses yeux fixant ceux de l’homme.

"Vous êtes en infériorité numérique, mademoiselle Sato. Il serait sage de…"

Avant qu’il ne puisse finir sa phrase, la porte arrière fut défoncée, Takashi et plusieurs policiers en uniforme envahirent la pièce, criant des ordres. Le marché noir s'effondra en un instant, les clients paniqués essayant de fuir, les hommes de main rapidement désarmés.

Ayumi s'avança vers l'homme à la canne, qui désormais se trouvait seul et sans défense. "Parlez. Où est-il ?"

L’homme sourit, un sourire sinistre. "Vous êtes plus proche de lui que vous ne le pensez."

Il y eut un silence lourd, Ayumi le fixant avec intensité. "Expliquez-vous."

"Il a laissé des indices, un peu partout. Il veut être trouvé, inspectrice. C’est tout ce qu’il désire. Mais attention… quand vous le trouverez, ce ne sera pas ce que vous attendez."

Ayumi sentit une boule de frustration monter en elle. Elle devait agir rapidement. "Dites-moi où il est !"

L’homme se contenta de sourire. "Cherchez les masques. Ils vous guideront jusqu’à lui."

Ayumi sortit en trombe du marché noir, sa colère se transformant en détermination pure. Elle savait maintenant où chercher. Les masques de Noh étaient les clés, et elle ne devait pas perdre de temps.

Kaito se tenait toujours devant son œuvre, le couteau à la main. Il savait qu'il ne pouvait plus reculer. Ses pensées étaient un chaos, mais il devait faire taire les voix, terminer ce qu'il avait commencé.

Il leva le couteau, mais soudain, un bruit de pas résonna dans le bâtiment. Il se retourna, son cœur battant la chamade. C'était Saeko. Elle se tenait là, à l'entrée de la pièce, ses yeux larges et remplis d’incrédulité.

"Kaito… qu’est-ce que tu fais ici ?" demanda-t-elle, sa voix tremblante.

Kaito la fixa, paralysé. Comment l’avait-elle trouvé ? Pourquoi était-elle venue ? Toutes ces questions se bousculaient dans son esprit. Mais il ne pouvait pas parler. Il ne pouvait pas la laisser voir ce qu’il était sur le point de faire.

Saeko avança lentement, les larmes commençant à couler sur ses joues. "Kaito, qu’est-ce que c’est que tout ça ? Pourquoi tu fais ça ?"

Kaito baissa les yeux vers le couteau, puis vers le masque. Tout semblait perdre son sens. Saeko se tenait maintenant juste en face de lui, ses mains tremblantes tendues vers lui.

"Tu n’es pas obligé de faire ça," murmura-t-elle, sa voix brisée. "Tu peux arrêter. On peut trouver une autre voie, ensemble."

Les mots de Saeko atteignirent Kaito, faisant vaciller sa résolution. Il lâcha le couteau, ses mains tremblant. Les ténèbres en lui semblaient s’évanouir, remplacées par une douleur profonde et une lueur d’espoir.

Mais avant qu’il puisse répondre, un cri de sirène retentit à l’extérieur, suivi du fracas des portes de l’immeuble se faisant défoncer. Les policiers étaient là.

Kaito sentit une panique froide envahir son cœur. Il savait qu'il était piégé. Il se tourna vers Saeko, un regard de désespoir dans les yeux. "Je… je ne peux pas…"

Les portes de la pièce s’ouvrirent brusquement, Ayumi et Takashi se précipitant à l’intérieur. Ils s’arrêtèrent, surpris de voir Kaito en plein désespoir.

"Kaito Nakamura," cria Ayumi, sa voix chargée de détermination. "Vous êtes en état d’arrestation."

Kaito se laissa tomber au sol, les mains tremblantes, les larmes coulant maintenant librement sur son visage. "C’est fini," murmura-t-il, sa voix brisée. "Je suis désolé."

Les policiers le prirent en charge, le menottant et l’emmenant hors de la pièce. Saeko, le regard dévasté, resta là, immobile, observant la scène.

Ayumi s’approcha de Saeko, la prenant par les épaules. "Vous allez bien ?"

Saeko hocha la tête, mais ses yeux trahissaient la profondeur de son chagrin. "Je… je l’ai toujours cru… mais il avait tellement de douleur. Je ne savais pas."

Ayumi posa une main réconfortante sur son épaule. "Il était perdu, mais nous avons mis fin à sa terreur. Nous allons nous occuper de cela maintenant."

La lumière du matin continuait de filtrer à travers les fenêtres brisées, offrant un contraste étrange entre la lumière et l'ombre qui régnait encore sur les lieux. Tokyo reprenait son rythme, ignorant le drame qui venait de se jouer dans cette pièce abandonnée.

Kaito était emmené, son avenir incertain, mais les questions restaient. Les masques, les meurtres, et le sens de tout cela. Ayumi savait que ce n’était pas la fin des mystères, mais une étape dans la lutte contre les ténèbres. Et tandis que les premières lueurs de la journée éclairaient le ciel de Tokyo, elle se préparait à affronter les défis qui l’attendaient encore.

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Alicia

Alicia

supper

2024-08-29

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