fascination

Chaque soir, Jérôme la retrouvait assise dans le salon, le livre sur les genoux, les yeux fixés sur ses pages. Il la laissait faire, même s’il ne pouvait s’empêcher de ressentir un léger malaise. Camélia, d’ordinaire joyeuse et volubile, devenait distante. Elle parlait moins, répondait à côté, parfois avec trop de détails, parfois avec trop peu.

Une semaine passa. Un soir, alors qu’ils dînaient ensemble, Jérôme tenta une plaisanterie :

— Puisque ce livre est si passionnant, prête-le-moi. Je lirai quelques pages, histoire de comprendre ce qui te fascine autant.

La réaction de Camélia fut brutale. Elle posa son couteau et le regarda droit dans les yeux.

— Non, Jérôme. Tu ne dois pas le lire.

Il fronça les sourcils, surpris.

— C’était une blague, Cam… calme-toi.

Elle cligna des yeux, comme si elle revenait à elle.

— Excuse-moi. Je ne sais pas pourquoi j’ai réagi comme ça.

Elle se leva, alla poser le livre dans la chambre et n’y toucha plus pendant plusieurs jours.

Ils tentèrent de reprendre une routine normale. Jérôme, épuisé par ses longues journées en magasin, faisait tout pour détendre l’atmosphère. Ils marchaient le soir, exploraient le quartier, découvraient les restaurants alentour. Mais Camélia semblait absente. Son esprit restait ailleurs, comme retenu entre deux mondes.

Puis, un soir, sans un mot, elle reprit le livre.

Les jours suivants, elle s’y replongea avec une intensité silencieuse. Jérôme, de son côté, commença à remarquer des choses. De petits détails. Des sons légers dans l’appartement — comme des froissements derrière les murs. Des portes entrouvertes qui se refermaient seules. Des éclats de voix, étouffés, qui n’avaient pas de source.

Il fit le lien avec le livre. Et plus le temps passait, plus la coïncidence semblait impossible. Le récit que lisait Camélia paraissait influer sur leur quotidien, comme s’il écrivait leur vie à mesure qu’elle tournait les pages.

Une nuit, alors qu’il se retournait dans son lit sans parvenir à dormir, Jérôme fixa le plafond, glacé par une pensée aussi absurde qu’effrayante :

Et si ce livre n’était pas une fiction ? Et s’il était un miroir ? Une porte ? Une malédiction ?

Camélia était assise dans le salon, jambes repliées sous elle, une tasse de thé tiède oubliée sur la table basse. Dans ses mains reposait ce même livre qu’elle lisait chaque jour depuis leur emménagement. Le cuir noir de la couverture était usé, la reliure craquelée par le temps. Aucun titre, aucune indication d’auteur, ni même d’éditeur — comme si l’ouvrage s’était soustrait à toute forme d’origine.Elle en était à la troisième lecture d’un passage qui, inexplicablement, semblait différent à chaque fois. Les phrases se remodelaient, les images mentales s’imposaient avec une intensité inhabituelle. Elle avait beau être une lectrice assidue de récits étranges, ce livre-là échappait à toute classification. Il n’avait rien d’un roman traditionnel. Il se comportait comme un être vivant, murmurant au creux de son esprit.

La lumière de fin d’après-midi s’étalait sur le parquet, baignant la pièce d’une chaleur dorée. Le silence n’était pas vide : il vibrait doucement, comme si quelque chose retenait son souffle.

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