Chapitre 4

Lara serra un instant ses doigts sur la caisse, comme pour se raccrocher à quelque chose de concret.

Elle allait répondre à Hani, peut-être le remercier à demi-mot, peut-être lui rappeler qu’elle n’avait besoin de personne pour tenir tête à des ricanements creux. Mais avant qu’un mot n’émerge, la clochette au-dessus de la porte tinta doucement.

Un courant d’air, l’odeur du papier humide mêlée à celle du café.

Ken entra. Un habitué. Toujours pressé, toujours vêtu sobrement, avec cette mallette qui semblait peser plus lourd que lui. Assistant à Miller Tech, une entreprise installée à quelques ruelles de là, il venait presque chaque fin de matinée pour la même commande.

— Bonjour Lara, dit-il, sa voix mesurée. Comme d’habitude… un café sans sucre, avec juste un peu de lait. C’est pour mon patron.

— Tout de suite, Ken, répondit-elle avec un sourire discret, saisissant un gobelet.

Alors qu’elle préparait sa commande, son téléphone vibra brusquement sur le comptoir. Un appel entrant, affichant « RH – Miller Tech ». Ken fronça les sourcils, hésita, puis décrocha.

— Allô ? Oui, je vous entends.

Sa voix s’adoucit en même temps qu’elle se chargeait d’une gravité particulière. Lara, malgré elle, entendait des fragments.

— … congé maternité… oui, une des responsables du projet Urbanisme…

— Remplaçante ? Vous êtes sérieux, mais on est déjà en sous-effectif…

— Product Owner, oui, je sais… mais vous savez bien que c’est rare, les profils qualifiés.

Un silence. Puis un soupir lourd, résigné.

— Très bien, je passerai voir avec Miller cet après-midi.

Il raccrocha. Ses doigts pianotèrent nerveusement sur la mallette, comme s’il portait d’un coup plus qu’un simple dossier.

Lara, elle, restait immobile, le gobelet à la main. Ses yeux avaient brièvement vacillé. « Urbanisme ». Ce mot n’était pas banal, pas pour elle. Son cœur battait plus vite, car ce projet-là, elle en connaissait la valeur, l’ambition, la rareté. Et le rôle de Product Owner… un rôle qui résonnait étrangement avec tout ce qu’elle avait appris, tout ce qu’elle rêvait encore de devenir.

Hani, silencieux à quelques pas, observait cette lueur nouvelle qui traversait le regard de Lara. Pas la colère, pas la honte cette fois. Mais une étincelle d’espoir… et lui, étrangement, sentit une inquiétude sourde : celle qu’un autre chemin, un autre homme, une autre vie, vienne un jour l’éloigner de lui.

Ken reprit son café de la machine, ajustant machinalement la température et la mousse de lait.

Il posa enfin le gobelet devant lui, et en voyant le regard de Lara s’attarder sur son dossier ouvert, il esquissa un petit sourire, à mi-chemin entre la surprise et la curiosité.

— *Vous vous intéressez à Urbanisme ?* demanda-t-il doucement, comme si ses mots pouvaient briser la tension invisible qui flottait autour du comptoir.

Lara cligna des yeux, comme surprise d’avoir été prise en flagrant délit de curiosité. Sa voix se fit alors plus neutre, mais avec une pointe de retenue :

— Disons que je connais un peu le projet… et ses enjeux.

Ken leva un sourcil, intrigué. Il ne s’attendait pas à cette franchise voilée.

— Ah… je vois. Eh bien, il va y avoir un peu de chamboulement. Une responsable part bientôt en congé, et le rôle de Product Owner n’est pas facile à combler. Les RH s’inquiètent… moi aussi, pour être honnête.

Lara hocha légèrement la tête, essayant de paraître détachée. Mais chaque mot résonnait en elle comme une promesse cachée. Elle sentait ses doigts se crispant légèrement sur le bord du comptoir.

Et puis il y avait Hani.

Toujours là. Toujours silencieux. Son regard ne la quittait pas. Mais cette fois, ce n’était pas juste de la protection. C’était quelque chose de plus intense : un mélange de vigilance et de jalousie contenue, comme si chaque étincelle d’intérêt qu’elle laissait transparaître ailleurs menaçait un équilibre fragile qu’il croyait tenir.

— Tu es sûre que tu devrais t’intéresser à ça ?murmura-t-il, d’une voix basse, à peine audible pour Ken.

Lara détourna à peine les yeux, sentant son souffle chaud derrière elle. Il n’avait pas besoin d’en dire plus. Elle comprenait : il n’aimait pas qu’on approche ce qu’il considérait comme à elle, même si ce “à elle” n’était encore que la tension de leur proximité et la promesse d’un lien naissant.

Ken, inconscient de la charge électrique entre les deux, reprit :

— Si jamais ça t’intéresse, Lara, je peux te briefer… discrètement. On manque de personnes compétentes, et là, ça pourrait être une opportunité.

Lara sentit un frisson étrange courir le long de sa colonne vertébrale. Une opportunité… et le regard brûlant de Hani pesant sur elle.

— Merci… peut-être plus tard, répondit-elle enfin, sa voix ferme mais tremblante.

Hani émit un léger grognement, presque imperceptible, avant de se reculer d’un pas, laissant Lara reprendre ses gestes habituels derrière la caisse. Mais la tension restait, palpable, entre curiosité, désir et quelque chose de plus sombre, prêt à se dévoiler.

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