Pourtant, en elle brûlait une farouche espérance : celle d’une vie meilleure. C’est avec ce feu intérieur qu’elle quitta son pays pour rejoindre Bordeaux-Montaigne, en France, afin de poursuivre des études en Relations internationales. Son cursus dans son pays lui permit malgré tout de suivre, en parallèle, un parcours en communication numérique et en management de projet.
Lorsqu’elle arriva sur le campus, l’accueil institutionnel fut chaleureux. Mais la réalité de sa vie étudiante se révéla tout autre. Sa camarade de chambre, Camie, se montrait hostile et méprisante, marquée par un racisme à peine voilé. Être rejetée n’était pourtant pas une nouveauté pour Lara — elle en avait presque fait une habitude. Après tout, même le seul homme qu’elle avait aimé l’avait rejetée sans détour, prétendant l’aimer « pour son fils ». Mais Lara n’était pas naïve : cet amour n’avait jamais été destiné à son enfant, mais à Jessica, la femme qu’il avait toujours désirée. Et pour elle, il n’avait pas hésité à piétiner deux années de relation, brisant ce qui avait été, pour Lara, son premier vrai attachement.
La vie en France lui révéla également une autre dure vérité : ses besoins quotidiens dépassaient largement ce que sa bourse pouvait couvrir. Et il lui fallait, en plus, honorer la promesse qu’elle s’était faite d’aider sa mère à financer la scolarité de ses frères et sœurs. Alors, elle n’eut d’autre choix que de chercher du travail. Elle accepta d’abord quelques emplois précaires — serveuse ici, vendeuse là — tout ce qui pouvait lui permettre de survivre.
Chaleureuse, sociable, agréable, Lara finit par trouver une certaine stabilité en travaillant dans un café proche de l’université. Le salaire, certes modeste, couvrait ses besoins les plus urgents. Mais au fond d’elle, elle savait que ce n’était qu’un palliatif, bien loin de ses véritables ambitions.
C’était un vendredi comme tant d’autres, un jour banal dans l’odeur du café chaud et les murmures des amoureux qui s’attardaient en terrasse.
Lara, habituée à ses routines de service, s’affairait avec la grâce discrète de ceux qui ont appris à se fondre dans le décor.
— Lara, mon enfant !appela Pierre, son patron, avec sa voix un peu rauque. Tu peux prendre la commande de la terrasse ? Hani n’est pas encore revenue de sa pause.
Elle s’avança alors, un plateau entre les doigts, son sourire de façade accroché comme une armure fragile.
— Bonjour, dit-elle doucement. Qu’est-ce que je peux faire pour vous, mademoiselle ?
Un silence bref, puis une voix éclata, pleine de surprise acide :
— Salut Lara... je ne savais pas que tu travaillais ici.
Elle leva les yeux. Camie. La coïncidence avait un goût amer, presque cruel.
— Salut, Camie. Oui, je travaille ici. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
Mais déjà, Camie s’était détournée vers ses amis, l’air complice, presque venimeux. Et d’une voix basse, mais volontairement audible, elle lâcha :
— Alors... c’est elle, ta coloc de Mada ? Oh, je savais que les Malgaches étaient pauvres... mais pas à ce point.
Un rire étouffé s’ajouta, venimeux comme un souffle froid.
— Malgré la bourse, tu dois encore travailler ? souffla une autre, les lèvres recourbées en un sourire cruel.
Lara sentit le poids de leurs mots s’enfoncer comme des aiguilles. Mais au lieu de vaciller, elle releva la tête. Ses yeux brillèrent, non de larmes, mais d’une étrange intensité, quelque chose entre la douleur et la fierté. Et d’un sourire lumineux, presque désarmant par sa sincérité, elle répondit :
— Oui, mademoiselle. Alors... quel café souhaitez-vous ?
Son ton était léger, presque chantant, mais dans son regard, il y avait ce feu farouche qu’aucune humiliation ne pouvait éteindre.
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