Chapitre 5 – Shadows in the Hallway

Le lycée bourdonnait comme une ruche. Des pas précipités, des rires éclatés, des conversations croisées. Pour les autres, ce brouhaha était normal. Pour Neylan, c’était du bruit. Rien qu’un bruit de fond, comme une pluie sans fin.

Il avançait dans le couloir, capuche rabattue, écouteurs dans les oreilles. Les paroles de la chanson ne l’atteignaient même plus, il s’était perdu dans son propre monde. La nuit précédente avait été lourde, encore. Trop de souvenirs, trop de pensées qu’il n’arrivait pas à éteindre. Il avait fini par s’endormir au lever du soleil, et maintenant, il se traînait comme une ombre parmi les vivants.

Un bras surgit soudain devant lui et l’attrapa par l’épaule.

— Hé ! T’as l’air d’un zombie. Enfin… pire que d’habitude.

C’était Sacha, son éternel rayon de soleil mal calibré. Cheveux en bataille, sourire insolent, l’air de quelqu’un qui se fout de tout mais qui, paradoxalement, se souciait de lui.

Neylan tira un écouteur sans enthousiasme.

— Merci, ça fait toujours plaisir d’être comparé à un cadavre ambulant.

— Eh, faut voir le bon côté. Les zombies, ça a du succès au cinéma.

Sacha éclata de rire, seul à apprécier sa blague. Neylan leva les yeux au ciel, un coin de ses lèvres s’étirant malgré lui.

— On a sport ce matin, ajouta Sacha en haussant les épaules. Si tu tombes, je te promets de pas te réanimer.

— Charmant, répondit Neylan avec sa froide ironie.

Ils continuèrent d’avancer, et bientôt, une voix claire retentit un peu plus loin :

— Salut, vous deux !

Victoria se tenait près de la salle de classe, adossée au mur, son sac sur l’épaule. Ses cheveux bruns glissaient sur son visage, et ses yeux pétillaient de ce quelque chose que Neylan ne comprenait pas. Une énergie, une chaleur, une lumière qu’il n’avait jamais réussi à atteindre.

— Yo, répondit Neylan, laconique.

Elle plissa les yeux, croisa les bras.

— Toujours aussi expressif, à ce que je vois.

Sacha leva les mains en l’air, théâtral.

— Ne sois pas trop dure avec lui. Ça, c’est Neylan version été.

— Version été ? demanda Victoria en riant.

— Ouais, expliqua Sacha. Froid, mais il dégèle un tout petit peu. Attends de voir sa version hiver… tu pourras gratter de la glace sur ses joues.

Victoria éclata de rire. Neylan détourna les yeux, mais son cœur battait un peu plus vite. Il n’aimait pas qu’on se moque de lui, mais venant d’eux, ce n’était pas douloureux. C’était presque… agréable.

Alors qu’ils s’apprêtaient à entrer, une voix grave coupa net l’atmosphère légère :

— Alors, le glaçon sait encore parler ?

Le couloir sembla se figer. Patrick s’était approché, adossé nonchalamment contre un casier. Grand, épaules larges, sourire carnassier. Son regard noir fixait Neylan avec cette insolence habituelle, comme s’il voulait le briser d’un seul mot.

Un silence s’installa, ponctué par quelques rires étouffés des élèves qui observaient de loin.

Neylan leva lentement les yeux vers lui. Pas un muscle de son visage ne bougea. Sa voix tomba, glaciale :

— Je parle pas aux ombres.

Un souffle parcourut le couloir. Certains étouffèrent un rire, d’autres ouvrirent grand les yeux. Patrick serra la mâchoire, mais son rictus resta en place.

— Profite, Oris, lâcha-t-il en s’avançant d’un pas. Ça durera pas.

Leurs regards se croisèrent. L’air entre eux semblait plus lourd, comme si une tempête invisible se préparait. Patrick finit par tourner les talons, disparaissant dans la foule, mais sa présence restait suspendue, comme une menace.

Sacha donna une tape sur l’épaule de Neylan.

— Frérot… t’as géré. Je pensais pas que t’allais sortir un truc pareil.

Victoria, en revanche, ne dit rien. Elle fixait Neylan avec un air étrange, mélange d’inquiétude et de curiosité. Comme si elle voyait au-delà de sa réplique, au-delà de son masque de glace. Comme si elle savait qu’il y avait quelque chose de brisé derrière.

Neylan remit tranquillement ses écouteurs, comme pour se fermer au monde. Pourtant, ses mains tremblaient légèrement dans ses poches.

Dans sa tête, il pensa : Je parle pas aux ombres… mais parfois, je me demande si je suis pas moi-même une ombre.

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