Fram percevait encore, comme à travers un brouillard, les clameurs affolées des passants, empreintes de frayeur et d’angoisse. Certains, dans un geste aussi irréfléchi que morbide, immortalisaient la scène à l’aide de leurs téléphones, tandis que d’autres, plus conscients de l’urgence, tentaient fébrilement de joindre les secours.
Fram (agonisant, dans un souffle) :
Qu’est-ce… qu’il s’est passé…? Pourquoi… tous ces gens… autour de moi… Comme… Ah… oui… ça me revient… Un véhicule… m’a… percuté… Quel… idiot… je fais…
Sa voix se brisa. Il toussa faiblement, sentant un goût métallique envahir sa bouche. Ses yeux, déjà voilés, tentèrent de distinguer un visage familier dans la foule… en vain.
Peu à peu, les sons familiers de la vie urbaine se firent plus lointains, comme étouffés derrière un voile épais. Les cris devinrent murmures… puis de simples échos indistincts. Ses paupières, lourdes comme du plomb, se fermèrent malgré lui, et une étrange sensation d’apesanteur l’enveloppa.
Il eut l’impression que le sol se dérobait sous son corps, que son être entier glissait dans un abîme de silence et de lumière diffuse. L’air autour de lui semblait vibrer d’une présence inconnue, tandis qu’une douce chaleur l’attirait vers un ailleurs…
Un parfum subtil, à la fois floral et boisé, remplaça l’odeur âcre de l’asphalte et du sang.
Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était allongé sur un sol de pierre polie, baigné par la lumière argentée de la lune qui filtrait à travers de hautes fenêtres ornées de vitraux.
Fram (surpris, chuchotant) :
Où… suis-je ? C’est… ici que se retrouvent les morts…? Drôle… d’endroit…
Son regard, encore embrumé, parcourut lentement la pièce. De lourds rideaux de velours écarlate encadraient les fenêtres. Au centre, un vaste lit à baldaquin trônait, drapé de soieries brodées d’or. Sur un mur, un imposant blason aux armes inconnues était suspendu, et de part et d’autre, des armoires ouvragées de bois sombre témoignaient d’un raffinement certain. Des chandeliers d’argent, encore fumants, diffusaient une lueur douce, tandis qu’un tapis richement orné recouvrait le sol.
Tout, dans cette chambre, respirait la majesté… et le pouvoir.
Fram : « Eh bien… si c’est ainsi que l’on accueille les âmes, cela ressemble davantage à la chambre d’un monarque qu’aux portes de l’au-delà. »
Alors qu’il se redressait lentement, une voix éraillée, lourde de souffrance, fendit le silence comme un murmure venu de l’abîme. Chaque syllabe semblait porter le poids d’un siècle de douleur et de résignation.
Fram tourna la tête vers l’origine du son et aperçut, allongée sur un lit à baldaquin aux draperies pourpres, la silhouette amaigrie d’un vieil homme. Ses traits étaient creusés par l’âge et la maladie, mais dans ses yeux, voilés par la fatigue, persistait une lueur étrange — un éclat mêlant sagesse et désespoir.
— « Approche… jeune étranger… » souffla l’inconnu, sa voix tremblante telle une flamme vacillante sur le point de s’éteindre.
Fram sentit un frisson glacé lui parcourir l’échine. Entre curiosité et méfiance, il obéit, ignorant encore que cet instant scellerait un destin qui le dépasserait.
Fram : « Qui… qui êtes-vous ? Êtes-vous celui qui accueille les âmes et décide de leur sort ? »
Le vieillard esquissa un faible sourire, empreint de lassitude, comme s’il se réjouissait d’une ironie invisible. Sa respiration haletante trahissait l’urgence de ses paroles.
Vieillard : « Non… je ne suis ni juge… ni gardien des morts… Je suis… le dernier roi de ces terres… et voici… mon ultime heure. »
Fram resta immobile, son cœur battant avec une force presque douloureuse. Les mots résonnaient dans son esprit, irréels, absurdes, mais étrangement lourds de sens.
Vieillard : « Écoute-moi attentivement… étranger. Si tu te trouves ici… ce n’est pas le fruit du hasard. Tu as reçu… un message… avant d’arriver en ce lieu. »
Fram : « Un message… ? Mais… de quoi parlez-vous ? »
À cet instant, comme une décharge électrique traversant sa mémoire, il se rappela. Les images lui revinrent brutalement : l’écran de son téléphone, l’icône étrange de l’application qu’il venait d’installer… et ces mots, inscrits en lettres d’or sur un fond sombre :
« Celui qui franchira ce seuil héritera d’un trône… et d’un fardeau. »
Fram : Ah ouais je me souviens, ce message, je l’ai juste avant que j'ai eu l’accident.
Vieux roi mourant (d’une voix brisée, cherchant son souffle) :
C’est exact… et je te présente mes regrets… quant à la manière dont tu es parvenu jusqu’à moi. Ce message… je l’ai scellé d’un ancien enchantement. Quiconque le lit et l’accepte… se voit arraché à son monde et transporté devant son expéditeur. Mais… il n’existe qu’une seule voie pour franchir le seuil… la mort elle-même.
Fram (éberlué, puis la colère montant) :
Attendez… vous voulez dire… que lorsque j’ai accepté… ma mort était déjà scellée ?! Que cet accident… n’était pas le fruit du hasard ?
Vieux roi (fermant un instant les yeux, comme écrasé par le poids de ses propres paroles) :
Hélas… non. Ton trépas n’a pas été une coïncidence, mais le prix exigé pour briser les barrières entre nos mondes. Sans ce sacrifice… jamais ton âme n’aurait pu franchir la frontière invisible.
Fram (la voix tremblante, oscillant entre rage et incompréhension) :
Alors… vous m’avez tué… pour me convoquer ?!
Vieux roi (avec un regard empli à la fois de remords et de gravité) :
Non… je n’ai pas choisi toi… mais le destin, lui, t’a désigné. Mon royaume se meurt, jeune étranger. Et je n’avais qu’un seul moyen de trouver un héritier… avant que mon souffle ne s’éteigne.
Un silence pesant emplit la pièce. Les battements du cœur de Fram résonnent comme des tambours sourds dans sa poitrine. Entre le poids de la révélation et l’étrange solennité du moment, il sent confusément que sa vie — ou ce qu’il en reste — vient de basculer à jamais.
Vieux roi : Comme je te l’ai dit, mon royaume est déchiré par des guerres incessantes, livrées contre des nations avides de domination et prêtes à tout pour étendre leur emprise. Si ce pays tient encore debout aujourd’hui, c’est grâce à la loyauté indéfectible de mes sujets, ainsi qu’au sang précieux versé par ceux qui n’ont pas hésité à sacrifier leur vie pour sa défense.
Sa voix, bien que fragilisée par la maladie, conservait la gravité et l’autorité d’un monarque aguerri. Il marqua une pause, reprenant lentement son souffle, avant de poursuivre d’un ton grave :
Vieux roi : Mais hélas… mes forces s’amenuisent chaque jour, et mes heures sont comptées. Les ennemis se pressent à nos frontières, plus audacieux, plus nombreux, et plus impitoyables que jamais. Si je ne trouve pas un successeur digne de porter cette couronne et d’unir ce peuple meurtri, alors, lorsque mon dernier souffle s’éteindra, ce royaume sombrera inexorablement dans le chaos et l’anarchie.
Ses yeux, lourds mais perçants, se posèrent sur Fram, comme s’ils cherchaient à sonder les tréfonds de son âme, à y déceler une force cachée, une réponse encore insoupçonnée.
Un silence solennel s’installa, chargé d’une attente presque palpable.
Vieux roi : Toi, jeune voyageur… es-tu prêt à endosser ce fardeau, à te dresser face aux tempêtes à venir et à devenir le rempart entre la lumière et les ténèbres ?
Fram, bouleversé, demeura muet, incapable de formuler la moindre réponse. Son esprit tourbillonnait, cherchant en vain des mots adaptés, des pensées claires dans ce tumulte intérieur.
Le vieux roi, comprenant ce silence chargé, tendit doucement la main droite et saisit celle de Fram avec une fermeté pourtant empreinte de douceur.
« Je comprends ton trouble, » murmura-t-il avec bienveillance.
Puis, il glissa dans la paume de Fram un objet froid au toucher : une montre à gousset en argent finement ouvragée. Sur son couvercle, un blason gravé témoignait de l’histoire et de la noblesse du royaume, mêlant épée et couronne en un symbole d’autorité et de sacrifice.
« Voici l’emblème de ton héritage, » déclara le roi d’une voix désormais plus faible. « Cette montre ne mesure pas seulement le temps… elle garde le souvenir de nos ancêtres et rappelle à celui qui la porte la valeur de chaque instant. Porte-la avec honneur, car elle symbolise le fardeau et la lumière du trône que tu es appelé à défendre. »
Fram serra l’objet contre lui, conscient que, malgré son poids, c’était désormais à lui de porter l’avenir d’un royaume tout entier.
Le vieux roi hocha faiblement la tête, le souffle court, mais la détermination intacte dans ses yeux fatigués. Il saisit lentement la main de Fram, comme pour lui transmettre toute la force qui lui restait.
« Écoute-moi bien, Fram… » murmura-t-il d’une voix rauque, presque un souffle. « Ton devoir est clair, mais ô combien périlleux. Ce royaume est déchiré par des conflits sans fin, et seul un leader capable de rallier nos forces pourra inverser le cours de cette guerre. »
Il fit une pause, son regard se perdant un instant dans le vague, comme s’il voyait déjà l’ombre qui s’abattait sur lui.
Vieux roi : Tu devras t’imposer… non seulement par la force de ton épée, mais aussi par la sagesse de tes décisions. Conquiers le respect de tes alliés, déjoue les intrigues de tes ennemis, et surtout, ne laisse jamais vaciller ta volonté, même dans les heures les plus sombres.
Sa main trembla légèrement, et il porta un instant ses doigts à sa poitrine, comme pour apaiser une douleur lancinante.
Vieux roi : Ces terres ont besoin de toi, Fram. Ne les abandonne pas. Ne faiblis pas.
Un dernier souffle rauque franchit ses lèvres, puis ses yeux se fermèrent lentement, et son corps s’abandonna enfin au silence de la mort.
Fram resta immobile, tenant toujours la main désormais froide du roi, le poids de son héritage pesant lourd sur ses épaules, tandis que la chambre semblait s’assombrir autour de lui.
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