Un plan bancal

Je n’ai pas dormi de la nuit. J’avais sa dernière phrase qui tournait en boucle dans ma tête :

« Tu veux rester dans les souvenirs… ou me prouver que tu existes encore ? »

J’ai compris un truc : si je restais là à pleurnicher, j’allais la perdre pour de bon.

Alors j’ai pris une décision. Une mauvaise décision, sûrement. Mais c’était mieux que rien.

J’ai débarqué à son boulot le matin même. Sans prévenir, comme un idiot.

Elle sortait du bâtiment, les bras chargés de dossiers, et elle m’a vu direct.

— Neyl… tu fais quoi là ?

— J’ai réfléchi. Et j’ai décidé de te reconquérir.

Elle a failli éclater de rire. Mais elle s’est retenue. Dommage, j’aimais quand elle riait.

— Reconquérir ? Avec ta gueule de mec qui a pas dormi ?

— Exactement, ai-je dit avec le sourire le plus confiant que j’ai pu sortir. Parce qu’il paraît que la fatigue rend sexy.

Elle a levé les yeux au ciel, un petit sourire en coin. Un sourire que je n’avais pas vu depuis longtemps.

— Et ton plan, c’est quoi ? Me suivre partout comme hier ?

— Non. T’inviter à un rencard. Ce soir. Avec ou sans ton… Elran.

Elle a soupiré, un peu décontenancée.

— Neyl, tu crois vraiment que c’est une bonne idée ?

— Non. C’est une idée pourrie. Mais j’ai que ça.

Un silence s’est installé. Et dans ce silence, j’ai cru voir un espoir.

— 20 heures, a-t-elle fini par dire.

— Sérieux ?

— Sérieux.

Après avoir obtenu son “20 heures”, j’étais sur un petit nuage. Assez fou pour sourire comme un gosse en pleine rue.

C’est là que je l’ai vue. Une fille galérait avec un énorme sac de sport, un carton et un chat qui miaulait comme s’il passait un sale quart d’heure.

— Tu veux de l’aide ? ai-je proposé en m’approchant.

Elle a levé la tête : un visage pétillant, une mèche rebelle, et un regard qui disait “j’en ai ras-le-bol de ma journée.”

— Oh mon héros, s’exclama-t-elle avec un ton faussement dramatique. Tu sais aussi changer une roue ? Parce que la mienne vient de crever.

Je l’ai aidée à poser son carton. Le chat, lui, a décidé de s’enfuir. Elle s’est mise à courir après lui en jurant un truc incompréhensible. J’ai pas pu m’empêcher de rire.

Quand elle est revenue, essoufflée, elle m’a tendu la main :

— Je m’appelle Kalie.

— Neyl, ai-je répondu. Tu cherches un appart, non ?

— Un appart, une vie, un miracle… n’importe quoi. T’as ça sur toi ?

— Une coloc ? Ça t’irait ? Mon appart est trop grand pour moi seul.

Elle m’a fixé, intriguée, puis a éclaté de rire.

— T’as toujours des idées bizarres comme ça ? J’adore.

Je lui ai expliqué que c’était temporaire, le temps qu’elle trouve mieux. Elle a accepté, trop épuisée pour dire non.

Sur le chemin, elle m’a raconté qu’elle était amie avec… Elran. Qu’elle l’aimait en secret. Qu’elle avait tout tenté, sans succès.

— On dirait qu’on a un point commun, j’ai soufflé.

— Ouais. On est deux losers amoureux. Autant s’entraider, non ?

On s’est tapé dans la main. Et c’est comme ça que Kalie et moi, on est devenus partenaires dans un plan bancal pour récupérer nos cœurs brisés.

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