Invisible
Chapitre 1 — Invisible
On m’a toujours dit que les garçons devaient être forts.
Que les garçons ne pleurent pas.
Que les garçons se battent.
Mais moi, à 7 ans, je voulais juste qu’on me laisse tranquille.
Aujourd’hui, j’ai 15 ans. J’ai grandi, mais la peur, elle, est restée.
Elle est là, tapie dans le silence de la maison, dans les regards qui se détournent.
Le matin, j’entends ma mère dans la cuisine.
— Ewan, dépêche-toi, tu vas être en retard, lève-toi.
Sa voix est fatiguée. Je traîne sous la couette, serrant fort ma couverture. Mon corps refuse de bouger.
Je me lève finalement, la tête lourde, les yeux cernés. Devant le miroir, je vois ce garçon que je ne reconnais plus. La peau pâle, les cernes comme des ombres gravées sous mes yeux. Je passe ma main dans mes cheveux en bataille, puis j’enfile mes vêtements sans faire de bruit, comme si rester discret pouvait me protéger.
À table, le silence est pesant.
— Mange, Ewan, insiste ma mère.
Je fais semblant de croquer dans mon pain, mon esprit ailleurs.
Depuis que mon oncle vient plus souvent, tout est devenu différent.
Je n’ose pas dire pourquoi, mais quand il est là, j’ai l’impression que l’air devient lourd, que mon cœur s’emballe et que mes mains tremblent.
Parfois, je me surprends à espérer qu’il ne viendra pas, ou qu’il partira vite.
Je n’ai jamais parlé de ce qu’il a fait. Comment dire ? Comment expliquer qu’un homme, censé protéger, peut devenir pire qu’un monstre ?
Je ne peux pas.
Alors je me renferme encore plus.
À l’école, c’est une autre forme de douleur.
Je marche dans les couloirs, le dos courbé, le regard fixé au sol.
— Hé, mini !
— La tête de fantôme !
— T’as vu, il sourit même pas.
Je serre les poings, je retiens mes larmes.
Je voulais m’inscrire à la boxe pour me défendre, pour sentir que j’avais un peu de force, un peu de courage.
Mais au premier cours, les cris, les coups, les voix graves… ça m’a terrifié.
J’ai fui.
Dans la cour, mes « camarades » m’évitent, me repoussent même.
— Va-t’en, on veut pas de toi ici, me crache un garçon.
J’acquiesce, j’avance sans un mot.
Je suis seul. Même dans les activités extrascolaires, là où je pensais pouvoir trouver une échappatoire, personne ne veut de moi.
Un jour, ma prof principale a essayé de me parler.
— Ewan, ça va ? Tu sais que tu peux venir me voir si tu as besoin de parler.
J’ai juste hoché la tête, la gorge nouée. Parler ? À qui ? Pour quoi ?
Je rentre chez moi, la peur au ventre, le silence autour de moi comme un mur.
Parfois, je crois entendre cette voix, ces bruits qui me glacent le sang.
Je ferme les yeux, je me serre contre le mur, et je me répète que tout ira mieux.
Mais à l’intérieur, ça hurle.
Un soir, alors que j’étais dans ma chambre, j’ai entendu la porte d’entrée claquer.
Je savais que c’était lui.
Je suis resté figé, mon cœur battant à tout rompre.
Je n’ai pas osé bouger, je me suis caché sous la couverture.
Je sais que je dois être fort.
Mais je suis fatigué.
Je veux juste qu’on me voie. Pas comme un problème. Pas comme un garçon faible. Juste comme un garçon qui existe.
Parfois, j’ai envie de crier, mais le silence me serre la gorge.
Je voudrais qu’on entende ce que je ne peux pas dire.
Je suis là.
Même si personne ne me voit.
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