- Point de non - retour

Le silence pesait, lourd comme un secret qu’on refuse d’enterrer.

Alex s’était reculé. Juste un pas. Juste assez pour que son absence brûle.

— Tu ne comprends pas dans quoi tu mets les pieds, murmura-t-il, la voix rauque. Ce monde ne pardonne pas les faiblesses, encore moins celles qui portent ton nom.

Emma avança. Elle n’avait pas peur. Pas de lui. Pas de son monde. Elle avait grandi au milieu du sang et des menaces chuchotées derrière les portes closes. Elle avait vu des hommes disparaître pour avoir aimé la mauvaise personne.

Mais elle ne voulait pas être sauvée. Elle voulait être choisie.

— Alors fais de moi ta faiblesse, Alex. Assume-la. Détruis-moi, s’il le faut. Mais ne recule plus.

Ses mots le frappèrent plus fort que la lame d’un ennemi. Il ferma les poings, luttant contre le chaos dans sa poitrine. Il aurait dû l’envoyer loin. Il aurait dû rester ce monstre froid qu’il avait toujours été.

Mais elle l’avait fissuré.

Et dans cette brèche, elle s’était glissée.

— Ton père va te tuer s’il apprend ce que tu viens de dire.

— Le tien aussi, répondit-elle, le regard défiant. Alors qu’est-ce qu’on attend ? Qu’ils nous brisent avant même d’avoir vécu ?

Alex rit. Un rire sans joie. Amer. Brisé. Puis, sans prévenir, il l’attrapa par la nuque et l’attira contre lui. Son souffle se mêla au sien, lourd, fiévreux.

— Tu n’es pas un jeu, Emma. Tu es une guerre.

— Alors gagne-moi, souffla-t-elle.

Le baiser qui suivit ne fut pas tendre. Il fut sauvage, désespéré, comme s’ils tentaient de se prouver que c’était encore possible. Qu’il y avait un monde pour eux… quelque part, entre les balles et les mensonges.

Mais au fond d’eux, ils savaient.

Quelqu’un finirait par payer.

Et dans la mafia, l’amour n’a jamais été une arme… c’est une condamnation.

Alex relâcha ses lèvres, mais garda son front contre le sien. Son souffle était court. Ses yeux brûlaient d’un feu qu’il ne contrôlait plus.

— Si je t’emmène avec moi, il n’y aura pas de retour en arrière, Emma.

— Je n’en veux pas, de retour. Je veux que tu sois mon point de non-retour.

Ses mots s’imprimèrent en lui comme une promesse gravée dans la chair. Il posa une main sur sa hanche, l’autre sur sa joue, la regardant comme s’il allait la perdre. Parce qu’il savait qu’il la perdrait. Ou qu’elle le perdrait, lui.

Un bruit sec éclata dans le silence : une voiture qui freine trop brusquement, quelque part au fond de la ruelle.

Alex se figea.

— On n’est plus seuls.

Il la repoussa doucement mais fermement contre le mur, son regard glacial balayant les ombres. Sa voix changea, plus dure, plus rapide.

— Tu vas rentrer chez toi. Maintenant. Sans discuter.

— Quoi ?! Non, je—

Il la coupa, ses doigts se refermant sur son poignet.

— Je ne te protège pas parce que tu es faible. Je te protège parce que tu es ce que j’ai de plus précieux dans cette putain de vie. Alors tu vas courir, Emma. Tu vas courir comme si ta vie en dépendait, parce que c’est le cas.

Elle hésita. Il vit la peur traverser ses yeux. Mais aussi la rage. Et l’amour. Un amour déchiré, incandescent.

— Tu vas t’en sortir ? demanda-t-elle d’un souffle.

— Toujours. Je suis le diable, Emma. On ne tue pas le diable. On le maudit.

Elle recula à contrecœur, le cœur battant. Puis elle tourna les talons et s’élança dans la nuit, disparaissant entre les lampadaires et le vacarme de la ville.

Alex se retourna. Les phares s’étaient arrêtés. Trois silhouettes s’approchaient. Armées.

Il craqua la nuque, fit craquer ses phalanges.

— Vous auriez mieux fait de ne jamais me suivre…

Le monstre en lui s’éveilla. Et l’homme qu’Emma avait réveillé… s’effaça.

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