Le manoir Costa s’agitait dès l’aube. On nettoyait la cour, on ouvrait les volets, on préparait la salle du fond : Pedro attendait du monde, et ce n’était pas le genre d’invités qu’on servait avec du vin et des olives.
Don Salvatore Di Luca, venu de Palerme, débarqua en fin de matinée avec deux hommes armés jusqu’aux dents. Le premier, un type au crâne rasé, s’appelait Rocco ; l’autre, aux yeux jaunes comme un félin, c’était Santo. Tous deux respiraient la violence.
Pedro les accueillit dans le grand salon, sans sourire.
— Tu aurais pu prévenir, Salvatore.
— Je me suis dit qu’une surprise ferait plaisir, lança le vieil homme en riant. On doit parler. Il y a eu un massacre à Cosenza. Un des nôtres. Éventré. On a trouvé un message sur le corps.
Pedro acquiesça, les mâchoires tendues.
Pendant ce temps, Fanck, dans la cuisine, s’affairait à essuyer une pile d’assiettes anciennes. Il entendait les voix, les bruits de bottes, les rires d’hommes dangereux. Il savait qu’il ne devait pas sortir. Mais la curiosité était plus forte.
Il jeta un œil dans le couloir… Et croisa le regard de Rocco.
Le mafieux s’approcha lentement, un rictus au coin des lèvres.
— C’est toi, le gamin ? Le nouveau jouet du patron ?
Fanck recula d’un pas.
— Je… je ne suis pas un jouet.
— Oh ? répondit Rocco en s’approchant encore. Pourtant, t’as la gueule pour. Doux. Propre. Docile.
Soudain, il attrapa le poignet de Fanck. Fort. Trop fort.
— Tu crois que tu fais partie de ce monde, toi ?
— Lâchez-moi, murmura Fanck, paniqué.
Pedro entra à cet instant.
Il n’eut besoin que de deux pas pour arriver jusqu’à eux.
Le bruit du coup retentit dans tout le couloir.
Pedro venait de frapper Rocco en pleine tempe. L’homme chancela, surpris, avant de reculer avec un rire nerveux.
— Tu deviens sensible, Pedro ? Pour un gamin ?
Pedro ne répondit pas. Il attrapa Fanck par les épaules, doucement, et le poussa derrière lui, comme pour le protéger.
— Tu poses encore une main sur lui, Rocco, et je t’arrache les dix autres. Compris ?
Rocco ravala sa réplique.
Fanck fixait Pedro, les yeux écarquillés. Ce n’était pas seulement de la protection qu’il avait vue dans ce geste. C’était de la rage. Une rage possessive. Et ça le troublait.
Pedro se tourna vers lui, plus calme.
— Tu n’as pas à avoir peur. Pas tant que je suis là.
Fanck hocha la tête, mais son cœur battait si fort qu’il avait du mal à respirer. Il n’avait jamais vu un homme comme Pedro. Brutal avec le monde, doux avec lui. C’était effrayant… et magnétique.
Plus tard, alors que Fanck lavait les dernières assiettes, il remarqua une fine fissure dans l’une d’elles. Il la toucha du doigt, pensif.
Comme Pedro, pensa-t-il.
Beau, solide, mais fêlé quelque part.
Et cette fissure, elle s’agrandissait. Pour lui.Fanck regarda l’assiette fêlée une dernière fois, puis la rangea doucement. Il se demanda combien de temps il tiendrait ici, avant que lui aussi ne se brise comme cette porcelaine.
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