Le soleil d’Italie commençait à grimper derrière la baie vitrée lorsque Fanck quitta son lit, encore engourdi par une nuit sans rêves. Il trouvait dans chaque respiration l’odeur entêtante du jasmin qui poussait sur les terrasses du manoir Costa. Cette chambre immense, aux boiseries vernies, n’était pas la sienne, mais rien ne semblait vouloir le chasser.
Il enfila la chemise blanche laissée pliée au pied du lit ; les manches étaient trop longues, l’étoffe trop fine pour ce qu’il avait connu. Dans le couloir, aucun garde, seulement le tapis épais qui étouffait ses pas. Au rez-de-chaussée, la cuisine baignait dans une lumière dorée. Sur la table l’attendaient un torchon impeccable, un seau d’eau tiède et une pile d’assiettes de porcelaine à luiser.
Marco surgit, nerveux.
— Le patron veut que tu mettes un peu d’ordre ici. Rien d’autre.
Fanck répondit par un petit « merci », convaincu qu’un merci était encore la seule monnaie honnête dans cette maison. Il remonta ses manches et commença à frotter. L’eau glissa sur ses avant-bras, dessinant des rivières claires sur sa peau.
Pedro apparut sans bruit, costume sombre, regard brûlant. Il s’adossa au chambranle et observa, silencieux, le va-et-vient délicat des mains du garçon. Les reflets du matin dansent sur ces doigts, pensa-t-il, comme des bagues qu’il n’a jamais portées.
Un domestique entra pour prendre un plateau ; il adressa un sourire trop long à Fanck. La mâchoire de Pedro se serra.
— Laisse ça, ordonna-t-il d’une voix basse, tranchante.
Le domestique recula aussitôt, confus. Fanck releva la tête, surpris de trouver le mafieux si près.
— Je voulais aider, dit-il.
— Tu aides déjà, murmura Pedro. Continue.
Il resta là, à le surveiller, sans s’expliquer ce nœud d’impatience dans sa poitrine. Chaque fois que Fanck baissait les yeux, Pedro remarquait une veine fine battre à sa tempe et se surprenait à compter les pulsations.
Plus tard, dans le jardin, Fanck étendit des draps encore humides sur la corde. Le vent salé de la mer les gonflait comme des voiles. Pedro, depuis la loggia, suivait chacun de ses gestes. Deux soldats discutèrent à voix basse ; leurs rires portèrent jusqu’à lui. Cela suffit pour qu’il descende les marches, tempête contenue.
— Retournez à votre poste ! lança-t-il. Les hommes obéirent aussitôt.
Fanck sursauta, la pince à linge tremblant entre ses doigts.
— Je… je n’ai rien fait de mal, balbutia-t-il.
Pedro adoucit son ton, conscient de sa propre rudesse.
— Je sais. Mais certains ici oublient leur place. Toi, tu n’as qu’à rester près de moi.
Il tendit la main, le pouce effleurant la jointure fragile des doigts de Fanck. Une décharge traversa le garçon ; Pedro la sentit aussi, comme une brûlure douce. Il retira sa main trop vite, effrayé qu’on puisse voir dans ce simple contact l’obsession qui grandissait en lui, minute après minute, devenue plus coupante que les couteaux rangés dans son bureau.
Cette nuit-là, Pedro fit verrouiller toutes les portes donnant sur l’extérieur. Non par prudence, mais parce qu’il savait que si Fanck s’échappait, il n’aurait plus de raison de respirer.
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