Chapitre 3 - Ce que le sang murmure

La nuit n’était jamais totalement silencieuse dans les terres vampiriques.

Même quand rien ne bougeait, l’obscurité chuchotait. Des mots qu’on ne voulait pas entendre. Des vérités qu’on préférait oublier.

Nakan avançait dans les souterrains du manoir, seul. Une cape noire sur les épaules, capuche rabattue sur ses traits. Il n’aimait pas venir ici. Mais il n’avait plus le choix.

Quelqu’un avait brisé la loi.

Et pas n’importe qui.

— Il t’attend, murmura l’un des gardes, sans croiser son regard.

La cellule était ouverte.

Il entra.

Un vampire y était enchaîné, bras écartés, torse nu, les crocs encore rouges du sang qu’il n’aurait jamais dû boire.

Une jeune humaine. Membre du personnel.

Elle était morte sur place.

Un message, peut-être. Ou un accident. Dans les deux cas, cela ne devait pas rester impuni.

Mais ce n’est pas cela qui fit tressaillir Nakan.

C’est le nom.

— Tu réalises ce que tu viens de faire ? demanda-t-il à voix basse.

Le vampire releva la tête.

Il avait un air de défi, un sourire tordu.

— Je fais juste ce que Kael m’a appris : prendre ce dont j’ai envie.

Un coup sec claqua.

Nakan l’avait giflé sans y penser. Pas avec violence. Avec précision. Assez pour rappeler que lui aussi pouvait être dangereux.

— Tu penses que son nom te protégera ?

— Il l’a déjà fait.

Le silence s’alourdit.

Nakan serra les poings.

Il le savait. Depuis le début. Kael poussait ses créatures à franchir les limites. À tester l’autorité. À exposer les failles.

Et elles existaient.

Parce que lui, Nakan, n’était pas comme eux.

Il ne pourrait pas tuer ce vampire. Pas comme ça. Pas sans que Kael n’en fasse un prétexte pour lui sauter à la gorge — au sens propre comme au figuré.

Alors il fit ce qu’il détestait.

Il attendit.

Quand il remonta à la surface, l’air froid lui brûla les poumons.

Kael l’attendait déjà, adossé à une colonne, une pomme à la main.

— Belle descente, chef.

— Tu savais ce qu’il ferait.

— Évidemment.

Kael croqua dans la pomme. Un peu de jus coula le long de ses doigts. Il le lécha, lentement.

— Tu ne vas pas le tuer, n’est-ce pas ? Tu hésites.

Nakan s’approcha de lui, les mâchoires serrées.

— Tu veux quoi, exactement ? Me pousser à bout ?

Kael le fixa, son sourire s’effaçant enfin.

— Je veux te voir tel que tu es. Pas ce masque que tu portes pour eux.

Il s’approcha, de plus en plus près. Encore une fois, et jetta la pomme par terre

— Montre-moi, souffla-t-il. Ce que tu caches. Ce que ton sang murmure.

— Mon sang ne dit rien.

— Oh que si… Il hurle.

Kael plaqua brusquement sa main contre le torse de Nakan.

Le contact fut électrique.

— Tu veux contrôler tout ce que tu es. Mais je te vois. Je te sens.

Son autre main glissa contre sa nuque. Et cette fois, Nakan ne bougea pas.

Il ne savait plus s’il devait fuir ou rester.

Parce qu’une part de lui…

…avait envie de brûler, aussi.

Kael approcha ses lèvres de son oreille, sans l’embrasser.

— Tu finiras par craquer.

Et il s’éloigna.

Encore.

Toujours lui qui décidait.

Toujours lui qui menait la danse.

Mais cette fois, Nakan n’avait pas peur.

Il avait envie.

Et c’était peut-être pire.

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