( POV Elijah avec brèves observations de Sara)
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Il n’avait pas dormi.
Encore une nuit passée à fixer le plafond.
À tirer sur une clope qu’il n’allumait même plus.
À se demander si le vide qu’il portait dans le ventre finirait par l’engloutir.
Elijah n’était pas un type compliqué.
Il buvait. Il fumait. Il ba*aisait.
Et il faisait tout pour ne rien ressentir.
Mais ce matin-là, quelque chose clochait.
Il marcha lentement jusqu’au bâtiment administratif.
Le conseiller l’attendait. Encore une mise en garde sur ses absences, ses résultats, ses débordements.
— T’as eu trois avertissements disciplinaires ce mois-ci, Elijah.
— Et alors ? J’ai pas frappé de prof. Pas encore.
— Tu marches sur un fil.
Il s’en foutait.
Mais à moitié.
Parce que s’il se faisait virer, il perdait sa bourse.
Et s’il perdait sa bourse, il rentrait chez lui.
Et chez lui, c’était l’enfer déguisé en maison familiale.
Il sortit du bureau avec une boule au ventre. Il détestait qu’on lui rappelle qu’il existait dans un système.
Qu’il fallait être "correct", "présent", "fonctionnel".
Des mots qu’il n’avait jamais su incarner.
À midi, il s’était isolé derrière le bâtiment C.
Toujours le même endroit. Un coin d’ombre, un banc, une paix relative.
Il alluma une clope cette fois. Pour de vrai.
Le feu lui calmait les nerfs.
Un semblant de contrôle.
C’est là qu’il l’aperçut. Elle.
Sara.
Elle sortait du bâtiment, les bras croisés, le regard fermé.
Il détourna immédiatement les yeux.
Il ne voulait pas la voir. Pas elle. Pas son visage froid comme la mort.
Pas son allure de spectre qui flottait au-dessus des autres.
Mais elle passa près de lui.
Et son parfum — un mélange de savon neutre et de sueur stressée — le heurta de plein fouet.
Et quelque chose se crispa en lui.
Pas du désir. Pas de tendresse.
Un malaise.
Il écrasa sa clope d’un geste brusque.
Putain. Il détestait ce qu’elle provoquait.
Plus tard, dans l’amphithéâtre de sociologie, le cours débuta sur un sujet anodin : les biais cognitifs dans la perception sociale.
Sara était là. Deux rangs devant lui.
Il ne voulait pas la regarder.
Mais il la sentait. Comme une présence oppressante.
Elle ne parlait pas.
Mais elle écrivait. Rapidement. D’un geste saccadé.
À un moment, la prof demanda un exemple de biais lié au traumatisme.
Silence.
Sara leva les yeux. Puis ouvrit la bouche.
— Lorsqu’une victime commence à croire qu’elle a provoqué ce qui lui est arrivé.
Silence total. Même la prof la fixa.
Elijah, lui, fronça les sourcils.
C’était la première fois qu’il entendait un frisson dans sa voix. Une cassure.
Presque imperceptible.
Mais là.
Le cours se termina dans un flottement.
Sara quitta la salle sans attendre.
Il la suivit du regard.
Et pendant un instant…
Il se demanda :
"Qu’est-ce qu’on lui a fait ?"
Mais il repoussa la pensée aussitôt.
Il n’avait pas envie de penser à ça.
Ni à elle.
Ni à personne.
De retour dans sa chambre, il ouvrit son tiroir à conneries.
Petits sachets. Vodka. Condoms périmés.
Il avait tout ce qu’il fallait pour s’éteindre lentement.
Mais il n’avait envie de rien.
Pas même de se détruire.
Alors il s’allongea.
Ferma les yeux.
Et tenta de n’être plus rien.
Mais dans son crâne, une phrase tournait en boucle :
> "Lorsqu’une victime commence à croire qu’elle a provoqué ce qui lui est arrivé."
Et ça le rendait malade.
Parce qu’il savait exactement de quoi elle parlait.
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Comments
𝙬𝙖𝙣𝙣𝙖 𝙗𝙚 𝙮𝙤𝙪𝙧𝙨
je veux la suiiitee !!
2025-07-01
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