Chapitre 4 — Vices privés

Pov Sara.

Sara ouvrit son cahier noir à la cinquième page.

Celle qu’elle gardait pour les jours où elle aurait voulu se fondre dans un mur.

Les autres pages étaient remplies de mots hachés, d’insultes contre le monde, contre elle-même.

Ce carnet n’était pas un journal. C’était une fosse. Un cimetière de pensées qu’elle ne voulait pas penser.

Aujourd’hui, elle avait griffonné en lettres immenses :

> "J’ai envie de me déchirer de l’intérieur."

Elle reposa le stylo.

Il pleuvait dehors. C’était le seul son qu’elle supportait.

La pluie sur la vitre, comme des doigts qui tambourinent contre son crâne.

Elle se leva, enleva son pull, puis sa chemise.

Ses bras étaient couverts de compresses et de pansements, enchevêtrés avec soin. Elle s’était appliquée. Ce matin. Ou hier. Elle ne savait plus.

Elle les arracha un à un, sans émotion.

Sous certains, les cicatrices commençaient à durcir.

D’autres, plus frais, puaient le métal.

Elle les observa comme des œuvres d’art que personne ne verrait jamais.

Puis elle sortit une lame d’un petit boîtier plastique.

Elle ne la nettoya pas. Elle s’en foutait.

Elle la posa simplement contre sa peau, là où elle avait encore de la place.

Et coupa.

Juste une fois.

Longue. Silencieuse.

Le sang coula en un mince filet qui traça un chemin rouge jusqu’à sa main.

Pas un bruit. Pas un mot.

Elle soupira. Puis rangea la lame.

Recouvrit le tout.

Nettoya.

Comme si rien ne s’était passé.

Elle descendit à la cafétéria une heure plus tard.

Tout était bruyant. Trop lumineux. Trop vivant.

Elle s’installa à une table vide et sortit un livre. Un faux livre. Juste pour éloigner les gens.

Une femme s’approcha.

Pas une élève.

Une prof.

Petite, les cheveux gris clair, les yeux vifs.

Madame Morel, sociologie. La seule à l’avoir complimentée sans condescendance.

— Tu ne manges pas ? demanda-t-elle doucement.

Sara leva les yeux. Ne répondit pas.

— Tu sais que tu peux venir me voir si quelque chose ne va pas. Ce n’est pas une offre vide.

Silence.

— Tu es brillante, Sara. Mais la brillance, parfois, ça brûle. Et tu m’as l’air fatiguée.

Elle ferma son livre d’un coup sec.

— Je vais bien.

— Tu saignes, dit la prof, le regard fixé sur la manche de Sara.

Elle baissa les yeux. Une goutte rouge perlait au bout de sa manche noire.

Putain.

Sara remit vite sa manche en place. La prof ne bougea pas.

— C’est rien.

— Ce n’est jamais "rien", Sara.

La tension monta. Sara se leva.

— Je suis venue ici pour fuir ce genre de questions. Pas pour qu’on me fasse jouer à la malade mentale. Merci, mais j’ai pas besoin d’aide.

La prof ne dit rien d’autre. Elle resta debout, droite. Dignement blessée.

Sara quitta la pièce comme on quitte une scène après un monologue qu’on regrette.

De retour dans sa chambre, elle se déshabilla de nouveau.

La manche était souillée de rouge.

Elle lava la tache avec violence, comme si elle voulait l’effacer d’elle-même.

Elle s’observa dans le miroir.

Ses boucles sombres encadraient son visage comme des chaînes.

Ses yeux gris étaient cernés, vides, presque transparents.

Son corps était celui d’une femme, mais son cœur… d’un gouffre.

Elle remonta la manche. Tira une compresse propre. Serra fort.

Le soir, elle se connecta à un forum sous un faux nom.

Elle ne parlait jamais.

Elle lisait.

Des témoignages. Des photos de bras ouverts. De ventres marqués.

Des adolescents en colère. Des adultes perdus. Des corps qui criaient ce que les bouches taisaient.

Elle vit une phrase qui la frappa :

> "Je ne veux pas mourir, mais je veux que cette version de moi meure."

Elle ferma l’écran.

Se coucha sur le lit, toute habillée.

Et laissa la pluie la bercer comme un secret partagé.

Episodes

Télécharger maintenant

Aimez-vous ce travail ? Téléchargez l'application et vos enregistrements de lecture ne seront pas perdus
Télécharger maintenant

Bien-être

Les nouveaux utilisateurs peuvent télécharger l'application pour débloquer 10 chapitres gratuitement.

Recevoir
NovelToon
Ouvrir la porte d'un autre monde
Veuillez télécharger l'application MangaToon pour plus d'opérations!