Chap 4 - L’espace entre deux souffles

Un silence épais s’était installé entre eux. Il n’y avait plus de musique. Plus de pluie. Juste cette tension crue, comme une corde prête à se rompre.

Min Joon sentit sa gorge se serrer.

— T’avoir ? Tu parles de quoi, exactement ? demanda-t-il, d’un ton plus sec qu’il ne le voulait.

— Je parle de ça, répondit Jae Ha en s’approchant lentement du comptoir, réduisant à nouveau la distance entre eux.

— De ce moment. De ce vide dans tes yeux. Je le connais.

Min Joon recula d’un pas.

— Tu sais rien de moi.

— Si. Je sais que tu dors mal. Que t’as du mal à respirer quand t’es seul. Et que tu mens quand tu dis que t’attends personne. Parce que tu m’as attendu.

Le regard de Min Joon vacilla. Une seconde. Juste une.

Et Jae Ha le vit.

Il le voyait toujours.

Il se pencha un peu, passa une main derrière le comptoir, effleurant le carnet de notes posé là, le même que Min Joon traînait chaque jour, rempli de listes, de croquis, de petites choses sans importance. Personne n’y avait jamais touché. Sauf lui.

Min Joon s’avança d’un geste brusque, lui attrapant le poignet pour le faire reculer.

— Touche pas à ça.

Le contact les figea tous les deux.

Main contre poignet. Peau contre peau.

Jae Ha ne bougea pas.

Il ne sourit pas.

— Tu deviens beau quand tu te défends.

— Tu es malade.

— Peut-être, souffla Jae Ha. Mais je suis le seul qui te voit vraiment.

Il se dégagea lentement, sans violence, et replaça le carnet exactement à sa place.

— Je repasserai demain. Tu veux un conseil ? Porte pas ce pull. Il cache ta gorge, et j’aime bien la voir quand tu baisses la tête.

Min Joon resta figé. Jae Ha sortit. Sans se retourner.

Et dès que la porte se referma, le souffle que Min Joon retenait s’échappa brutalement de ses poumons.

Il s’adossa au mur, les jambes soudain faibles.

Il ne comprenait pas ce que cet homme voulait de lui. Mais il le savait désormais : ce n’était pas un simple jeu.

C’était un début.

Et ce début-là… allait détruire quelque chose.

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Le soir venu, le café était étrangement silencieux. Quelques clients étaient passés, mais Min Joon avait à peine entendu leur voix. Il continuait de penser à ce que Jae Ha lui avait dit.

“Je veux que tu me laisses t’avoir. Juste assez pour respirer.”

Des mots étranges, pleins de vide et de sens à la fois.

À 21h, il éteignit les lumières. Il avait besoin d’air. De fuir un instant ce lieu où tout semblait s’imprégner de l’odeur de cet homme.

Sur le chemin du retour, il leva la tête vers les lampadaires brumeux. La ville paraissait plus froide ce soir-là. Pas à cause de la température, mais à cause de cette présence invisible qu’il ressentait depuis quelques jours. Comme si quelqu’un observait ses pas. Sa respiration. Ses silences.

Arrivé chez lui, il ne resta pas longtemps.

Il fourra quelques cahiers dans son sac, remit son sweat trop grand et repartit vers l’université. Il avait cours tôt le lendemain matin, et il savait qu’il n’aurait pas la force de se lever s’il restait seul dans sa chambre glacée.

Il préférait errer dans les couloirs de la fac. S’asseoir à la bibliothèque. Travailler jusqu’à l’épuisement.

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Le lendemain, la pluie avait cessé.

Il entra dans la salle de cours, presque vide à cette heure-là. Quelques étudiants étaient déjà installés à l’avant, échangeant des rires étouffés et des regards complices.

Min Joon, lui, alla s’asseoir au fond, près de la fenêtre.

Comme d’habitude, personne ne lui parla. Il faisait partie du décor, silencieux et invisible.

Il sortit son carnet, un stylo presque vide, et fixa le tableau sans vraiment voir les inscriptions que le professeur commençait à griffonner à la craie.

Le monde semblait avancer sans lui.

Et puis… son regard glissa vers la fenêtre.

Quelque chose.

Non. Quelqu’un.

Juste de l’autre côté de la grille du bâtiment. Adossé à un lampadaire. Immobile.

Jae Ha.

Vêtu d’un long manteau noir. Les mains dans les poches. Le regard tourné droit vers la fenêtre.

Vers lui.

Min Joon sentit son estomac se contracter.

Il se redressa légèrement sur sa chaise, déglutit, les doigts crispés autour de son stylo.

Pourquoi il est là ? Comment il m’a trouvé ?

Et comme pour répondre à ses pensées, son téléphone vibra dans la poche de son jean.

Un message.

J.H : “Tu me vois.”

Le sang de Min Joon se glaça.

Il ne répondit pas. Il rangea le téléphone dans sa poche, essaya de se concentrer sur le cours. Mais c’était impossible. Jae Ha était là, quelque part derrière la vitre, et son simple regard brûlait plus fort que tous les projecteurs du monde.

•

À la fin du cours, il hésita à sortir.

Il attendit que la salle se vide, puis descendit lentement les marches, le sac sur l’épaule. Il jeta un œil dehors.

Jae Ha avait disparu.

Min Joon inspira un grand coup.

Mais quand il ouvrit la porte du bâtiment pour partir…

— Tu m’as fait attendre, dit une voix.

Il sursauta.

Jae Ha était là. Juste à droite de la sortie. À quelques centimètres de lui.

Toujours ce même regard. Froid. Sûr. Un sourire presque invisible au coin des lèvres.

— Je voulais te voir dans un autre endroit. Te regarder dans la lumière du jour.

— Tu me suis, murmura Min Joon.