Sans Alpha, Sans Maître (Brûle-moi, Brise-moi)
Moore Enterprises – 08h47
Hall d’entrée. Verre poli, marbre blanc. Silences feutrés, mouvements calibrés. L’air est froid, chargé de tension invisible. Elijah entre. Droit, imposant. Cuir noir, gants ajustés, regard fixe.
(Elijah, voix intérieure)
Ils appellent ça du pouvoir.
Ces couloirs trop propres, ces visages trop lisses.
Mais moi, je sens autre chose.
L’ombre d’un instinct. Un parfum contenu. Encre. Bois sec. Thé noir.
Il est ici.
L’ascenseur privé s’ouvre sans qu’il ait besoin de se présenter. Il entre. Ne bouge pas. Seule sa respiration ancre le silence. Les portes se referment.
Etage supérieur. Secrétaire en tailleur strict. Elle se lève, interrompt d’un geste hésitant.
Secrétaire :
— Monsieur Moore est encore en réunion, je peux—
Elijah
(voix posée, tranchante) :
— Il m’attend.
Elle recule légèrement. Pas d’argument. Il passe.
Le couloir est silencieux, moquetté. L’atmosphère change à chaque pas. Plus dense. Plus tendue. La porte du bureau est close. Elijah l’ouvre. Sans frapper.
À l’intérieur, tout est contraste. Verrière immense, mobilier sombre. Et lui. Seul, debout, face à la fenêtre. Dos droit, mains dans les poches. Daelan Moore.
Daelan
(sans se retourner) :
— Vous êtes ponctuel. Je déteste attendre.
Elijah ferme la porte derrière lui. S’avance d’un pas. S’arrête.
Elijah
— Et moi je déteste perdre mon temps.
Daelan se retourne lentement. Leurs regards se croisent pour la première fois. Aucun ne flanche.
Daelan
(ton neutre, presque poli) :
— Jules m’a dit que vous ne parliez pas beaucoup.
Elijah
(fixe) :
— Seulement quand c’est utile.
Daelan
— Bien. J’apprécie l’efficacité.
(Pause)
Je vous ai fait venir parce que je ne fais pas confiance aux apparences.
Elijah
— Et pourtant, c’est exactement ce que vous projetez.
Un silence. Tendu. Chargé. Daelan s’approche du bureau, pose une main sur le bois sombre.
Daelan
— D’après ce que j’ai lu, vous n’êtes pas un homme qu’on engage à la légère.
Elijah
— Et vous n’êtes pas un homme qui demande.
Daelan
(léger sourire, sans chaleur) :
— Je ne demande pas. Je sélectionne.
Elijah
— On ne sélectionne pas un garde du corps comme on choisit une arme.
(Pause)
Vous savez ce que je suis.
Daelan
(regard fixe, légèrement narquois) :
— Et vous savez ce que je ne montre pas.
Le silence s’installe à nouveau. Les deux hommes s’observent. C’est un duel sans armes, mais pas sans impact.
Elijah
(ton neutre) :
— Pourquoi moi ?
Daelan
(calme) :
— Parce que vous êtes dangereux. Et que je le suis aussi.
Je ne veux pas quelqu’un qui m’obéisse. Je veux quelqu’un qui tienne.
Elijah
— Tienne quoi, exactement ?
Daelan
(avance d’un pas. Voix basse) :
— Le regard. La pression. Le lien.
Un frémissement passe. Infime. Mais réel.
Elijah
(sec) :
— Je ne suis pas là pour jouer.
Daelan
(lui fait face, imperturbable) :
— Moi non plus. Je suis là pour survivre.
Les deux hommes sont à présent à quelques centimètres. Cuir contre soie. Odeur de feu contre parfum froid.
Elijah
(baisse légèrement la voix) :
— Vous êtes un Oméga.
Daelan ne cille pas. Son regard devient plus tranchant.
Daelan
— Et vous êtes un Alpha Ultra.
(Pause)
Je vous ai choisi pour ce que vous êtes. Pas malgré.
Elijah
— C’est un terrain dangereux.
Daelan
— C’est exactement là que je vis.
Un silence. Plus long. Quelque chose se noue, sans qu’aucun ne l’avoue.
Daelan
(se détourne, revient derrière son bureau) :
— Vos quartiers sont attenants à mon étage. Entrée privée. Je vous veux à moins de deux mètres de moi en permanence, sauf dans la salle de conférence Sud.
Daelan
— C’est non négociable.
Elijah
— Je n’obéis pas aux ordres sans raison.
Daelan
(le fixe) :
— Et pourtant, vous êtes déjà là.
Elijah ne répond pas. Le regard qu’il lui lance est lourd, profond. Puis il tourne légèrement la tête, évalue le bureau, les angles, les accès.
Daelan
(plus bas) :
— Je sais ce que vous ressentez.
Cet instinct. Ce malaise.
Il ne disparaîtra pas.
Elijah
— Je ne compte pas sur le confort. Je suis là pour contenir le pire.
Daelan
(fixe) :
— Alors restez. Et regardez-moi tomber.
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