Passionnément...? Pas Du Tout !
...DAWSON....
Adossé contre ma chaise, je fis l'effort d'écouter les ragots de cette commère de Kirk. J'étais au point mort, lessivé par une rude journée de travail. Le vent tiède de 18 heures était parfait pour se détendre entre collègues, autour d'une bonne tasse de cappuccino et quelques pâtisseries.
— Et c'est cette partie-là qui est géniale !
— Dis-moi tout, je soupire, pressé d'en finir.
— Hé hé. Figure-toi qu'elle a accepté ! Mady et moi sortons dorénavant ensemble !
— Oh. Félicitations, tu n'as pas lâché l'affaire.
— Bien-sûr que non, tu me connais ? il ricana comme un débile.
— Bref, reprit-il, parlons de toi, à présent. Où en es-tu avec ton divorce ?
Je cherchai une réponse brève, bien que je n'y parvins pas. Kirk avait toujours pour don de me coller au pied du mur. Et lui dire quoi que ce soit sans y réfléchir au préalable risquerait de me porter préjudices.
Je souffle, main à la nuque, pris de court par cette question sortie de nul part.
— Et bien...disons que ça avance.
Ses sourcils rebondirent. Au vue de son regard incrédule, je compris que ma réponse n'était pas suffisante. Mais que dire d'autre ? Que ma femme me voit comme le plus gros des connards ? Qu'elle a quitté la maison en me traitant d'irresponsable ? Qu'elle a l'ultime conviction que je sois un putain ? Ou qu'hier soir encore je me suis pété la gueule après avoir bu comme un trou et pleuré comme un gamin ? Évidemment que je ne lui dirai jamais tout cela. Enfin, pour qui me prenez-vous ?
— C'est tout ? “Ça a-vance” ? il articula d'un haussement d'épaules.
— Ben oui ?
Je pris une gorgée de mon café et observai autour de moi. Kirk secoua la tête, puis s'attrapa le front.
— Sais-tu à quel point tu me fais pitié ?
— Qu'ai-je dit ?
— Dawson ! Bon sang, mais qu'est-ce qui t'arrive ? Je ne te reconnais plus du tout. Regarde-toi. Tu refuses les invitations, tu travailles sans cesse...décompresse ! Ce n'est pas comme si ce genre de choses n'arrivaient pas.
— Tu m'en diras tant...
— Écoute, il se rapprocha de la table. Toi-même m'a dit que ce divorce était consenti par vous deux, n'est-ce pas ?
— Oui.
— Alors, pourquoi te morfondre autant ? Je sais que ça a dû être dur au début, avec ta fille et tout, mais cherche à surmonter ça. Ce n'est qu'une simple épreuve de la vie comme tant d'autres. Fais-le au moins pour la petite Lily.
Mon corps se raidit à l'évocation de ma fille. À peu près trois mois se sont écoulés sans que je ne la voie et l'entende. Sans que je ne sente la chaleur de ses étreintes maladroites et n'observe sa petite frimousse endormie. Ma princesse me manquait atrocement. Et Olivia savait pertinemment que me priver d'elle me rendrait ainsi. Elle savait où me faire mal. Et je ne pouvais rien y changer.
— C'est beaucoup plus compliqué que ça en a l'air, Kirk, lui avouai-je enfin d'une voix plate. De toute façon, c'est tout ce que je mérite...
Le regard peiné de mon ami de longue date me parût éreintant. Je détestais qu'on ressente cela pour moi. Qu'on me voie comme un homme qui mendie de l'aide et de l'affection. Alors qu'en réalité, je n'étais qu'une pauvre ordure, même pas fichu de se remettre d'un divorce convenu avec son ex-femme.
Elle voulait que je la libère, chose que j'ai faite. Dans ce cas, à quoi bon regretter mon acte ?
— Je t'interdis de dire ça. Tu mérites tellement, mais tellement plus, crois-moi. Les erreurs sont autorisées, mais pas l'abandon. Peut-être que j'ignore le degré de ta douleur, mais le seul conseil que je peux te donner, c'est de te venger en t'accrochant. De viser plus haut et de te battre pour le bonheur de ta fille. Si elle est heureuse, tu ne pourras que l'être, j'me trompe ?
Ses propos m'ont assez touché, je dois l'avouer. Même s'il pouvait se montrer con parfois, Kirk savait très bien lire en moi. Et les sublimes phrases qui viennent de sortir de sa bouche me confirme à quel point il tenait à moi. Il avait raison.
— Dis-donc, ce n'est pas tous les jours que ton bouche-trou tape autant dans le mil, ironisai-je d'un ton couvert de sarcasme. Quel inspiré !
— Oui, c'est pour ça que t'as intérêt à m'écouter. Sinon, crois-moi que le bouche-trou serait capable d'insulter tout ton arbre généalogique.
— Voyez-vous donc...quel caractère. Dommage que tu appartiennes à cet idiot de Kirk Douglas, sinon je t'aurais bien fais une bise.
— Le bouche-trou t'emmerde !
Nous nous esclaffons et poursuivons notre badinage habituel. Savoir qu'il s'était mis en couple me soulageait. Il fût passé le temps où Kirk jouait au playboy. Au fil des années, il s'est assagi, bien que ses tendances de pipelette revenaient à la charge.
Plus jeune, il adorait se teindre les cheveux en blond. Aujourd'hui, il faisait bien mature avec sa coiffure châtain clair. De même que son style vestimentaire et sa gestuelle maîtrisée, qui contrastait beaucoup avec ses manières exagérées et ses looks de petits rebels d'antan. Lui savoir heureux me réconfortait, de même que lui.
Après de longues discussions, nous dûmes nous séparer. Je montai dans mon véhicule et pris la route pour chez moi.
...❖❖❖...
Le dîner prêt, je me sers dans une assiette et dévore mes gnocchis, un sentiment de vide constant dans le ventre. La maison était drôlement calme, silencieuse. Plus de rires, plus de vie.
Au bout de trois bouchées, je me relevai et jetai mon plat. Je n'avais plus grand appétit. Comme tous les soirs, au demeurant. Je m'adossai contre l'îlot et dévisageai la fuite d'eau qui coulait par intermittence du robinet. La langue amère, le regard vide, la douleur telle un trou béant dans mon cœur.
— Papa !
Je fis volte-face pour ne voir que la solitude dans laquelle j'étais. Les meubles en ordres, la télévision éteinte, les vases intactes et les coussins immobiles. Cette vision provoqua en moi une rage inexpliquée. Il me fallait leur presence. Leurs voix, leur chaleur. Je ne pouvais pas rester ainsi un jour de plus, non. À force, je risquerai bien de devenir fou ! Si ce n'est pas déjà le cas...
Je me saisis de mon portable et composai le numéro d'Olivia. Il ne se faisait pas si tard, j'espère qu'elle répondra.
Mais les sonneries incessantes me ramenèrent sur terre. Elle ne répondra pas.
— Mais quel idiot ! vociférai-je, à deux doigts d'éclater mon smartphone contre le sol. Putain...
Je m'agrippai les cheveux et fis les cent pas. Je ne savais plus quoi faire. J'étais partagé entre hurler et me défouler sur tout ce qui était à ma portée.
Était-ce donc ça, être seul ?
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