Chapitre 12 : Le repas de famille

Quelques jours après sa discussion avec Léa, Julie fut happée par une autre obligation, cette fois-ci plus traditionnelle : le grand repas de famille chez ses grands-parents. Chaque année, la réunion familiale réunissait oncles, tantes, cousins et cousines autour d’une grande table dans le jardin de la maison familiale. C’était l’occasion de se retrouver, de partager des histoires, des rires, mais aussi de faire face aux fameuses questions gênantes des membres de la famille toujours curieux de sa vie privée.

Julie, assise à la grande table en bois, entourée de ses cousins bruyants et de ses grands-parents souriants, tentait de se fondre dans le décor. L’odeur des plats préparés par sa grand-mère flottait dans l’air, mêlée au doux parfum des roses qui bordaient le jardin. Le cliquetis des couverts et les conversations animées formaient une douce cacophonie. Pourtant, malgré la chaleur et le réconfort de cette atmosphère familiale, Julie sentait une tension monter. Elle savait que les questions allaient bientôt arriver, comme chaque année. Et elle ne tarda pas à avoir raison.

« Alors, Julie, toujours pas de petit ami ? » lança sa tante Martine, un large sourire aux lèvres. Martine était connue pour son amour des potins et son incapacité à garder pour elle la moindre information. Chaque année, elle posait la même question, espérant secrètement être la première à connaître les derniers potins amoureux de Julie.

Julie sourit nerveusement, ses joues légèrement rougies par l’embarras. « Euh, non… enfin, c’est compliqué, » répondit-elle maladroitement, évitant le regard de sa tante.

Martine haussa un sourcil, visiblement intriguée. « Compliqué, tu dis ? Voilà qui est intéressant ! »

Julie regretta immédiatement d’avoir répondu. Elle tenta de reprendre une bouchée de gratin pour éviter de poursuivre la conversation, mais sa tante ne lâcha pas l’affaire. « Et pourquoi donc ? Tu nous caches quelque chose ? Un petit secret peut-être ? Allez, raconte ! » Sa voix résonnait comme une invitation qu’il était impossible de décliner.

Avant que Julie n’ait le temps de répondre, sa mère, qui était assise juste en face d’elle, intervint avec un sourire en coin. Elle avait déjà deviné qu’il se passait quelque chose dans la vie de sa fille, mais avait la délicatesse de ne pas poser trop de questions. Ce jour-là, cependant, Julie sentit que sa mère l’observait avec une attention particulière, comme si elle savait que quelque chose couvait sous la surface.

« Oh, laissez-la respirer, Martine. Quand elle sera prête à nous présenter quelqu’un, elle le fera. » Le ton de sa mère était à la fois protecteur et légèrement moqueur. Elle savait pertinemment que Julie vivait quelque chose, mais elle n’avait pas encore poussé plus loin.

Julie souffla intérieurement, espérant que cela suffirait à calmer les ardeurs de sa tante. Mais c’était sans compter sur son petit frère, Hugo, qui, fidèle à lui-même, ne manquait jamais une occasion de la taquiner. Assis à côté d’elle, il se pencha légèrement vers Martine avec un sourire complice.

« Moi, je parie qu’elle a un petit copain secret. Elle passe tout son temps à envoyer des messages sur son téléphone ! » lança-t-il, l’air taquin.

Julie se tourna vers lui, ses yeux lançant des éclairs. « La ferme, Hugo ! » dit-elle en le fusillant du regard. Elle sentit une vague de chaleur monter en elle, mêlée à de l’irritation et à de l’embarras. Elle savait que ses habitudes récentes n’étaient pas passées inaperçues chez elle. Elle passait de plus en plus de temps à répondre à des messages de Lucas ou à repenser à sa conversation avec Adrien. Mais Hugo n’avait pas besoin d’en rajouter !

Son père, assis un peu plus loin, jusque-là silencieux, intervint alors avec son calme habituel pour tenter de détourner l’attention. « Laissez-la tranquille, » dit-il d’une voix posée, avec une petite note d’autorité qui imposait le respect. « Elle nous parlera de tout ça quand elle sera prête. » Il lui adressa un clin d’œil complice, et Julie sentit une bouffée de gratitude l’envahir. Son père avait toujours su comment la soutenir sans la brusquer, et elle appréciait profondément ce trait de caractère.

Un bref silence s’installa, mais il fut rapidement éclipsé par le bruit des conversations reprenant autour de la table. Les cousins discutaient de leurs projets de vacances, les oncles plaisantaient bruyamment, et Martine, visiblement contrariée de ne pas avoir obtenu plus de détails, se rabattit sur des sujets plus banals. Julie en profita pour prendre une longue gorgée de son verre, espérant que l’attention ne reviendrait pas sur elle de si tôt.

Cependant, malgré les rires et l’ambiance joyeuse qui emplissait le jardin, Julie ne pouvait s’empêcher de se sentir un peu déconnectée. Ses pensées s’éparpillaient. Elle pensait à Lucas, à la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Il avait été attentif, doux comme à son habitude, mais elle sentait que quelque chose clochait. Et puis il y avait Adrien, dont la présence continuait d’occuper une place importante dans son esprit, même après leur discussion. Elle n’arrivait pas à le sortir de ses pensées, malgré sa décision de rester avec Lucas pour l’instant. Tout cela la troublait plus qu’elle ne voulait bien l’admettre.

Alors qu’elle contemplait le dessert qui arrivait, une magnifique tarte aux pommes préparée par sa grand-mère, Julie sentit une main se poser doucement sur son bras. Elle leva les yeux pour voir sa mère qui lui souriait avec douceur.

« Tu veux en parler ? » murmura-t-elle, discrète.

Julie secoua la tête. « Pas encore, maman. C’est compliqué, » répondit-elle dans un souffle.

Sa mère hocha la tête, compréhensive. « Quand tu seras prête, je serai là. »

Julie sourit faiblement. Elle appréciait cette délicatesse, cette capacité à la soutenir sans l’étouffer. Mais même avec le soutien indéfectible de sa famille, elle savait que ce n’était pas eux qui pourraient l’aider à démêler ce nœud dans son cœur. Le choix, aussi difficile soit-il, lui appartenait à elle seule.

Alors que la soirée se poursuivait et que la chaleur douce du crépuscule enveloppait le jardin, Julie se sentait tiraillée. Elle avait repoussé cette décision, jonglé avec ses sentiments, évité de se confronter à la vérité de son cœur. Mais elle savait que le moment où elle devrait faire face à ses sentiments approchait. Bientôt, elle n’aurait plus d’autre choix que de se demander : qui, entre Lucas et Adrien, la rendait vraiment heureuse ?

Le dîner familial touchait à sa fin, mais pour Julie, la véritable épreuve ne faisait que commencer.

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