PROLOGUE - (L')INCONNU

NOTE DE L'AUTEURE : Voici le trailer de cette histoire : https://www.youtube.com/watch?v\=w39-uBWxFYk

* Voici comment je me représente les personnages dans ce prologue (sachez que, après celui-ci, mon roman contient 2 parties et les personnages sont plus âgés)

________

(Taehyung a seize ans selon le système de l’âge occidental et dix-sept ans selon le système de comptage coréen. Suivant ce dernier, chaque individu naît à l’âge d’un an et son âge augmente d’une année à chaque nouvel an lunaire surnommé le Seollal)

_______

KIM TAEHYUNG, 16 ans,

Septembre 2016, Seoul.

Je l'ai fait.

Je n'aurais jamais imaginé avoir le cran de passer cette audition. Et mes rêves les plus fous ne m'auraient en aucun cas permis de penser à être sélectionné.

Qu'est-ce que je fais à Seoul ? Un mec comme moi, né pour travailler la terre comme mes ancêtres sur quatre générations ? Je ne suis pas destiné à une vie artistique.

Le seul art que je connaisse est celui qui consiste à sculpter le bois pour en faire des visages, ce qui distrayait à coup sûr les enfants de mon village. J'étais connu pour les faire rire, les divertir, tout au plus.

Alors pourquoi je suis là ?

Le là est un immeuble de six étages, plus haut que deux maisons empilées venant de mon patelin. Je scanne les environs, fasciné par le trafic. Les voitures ne cessent de faire vrombir leur moteur et les habitants semblent pressés et me passent devant sans lever les yeux de leurs smartphones.

Est-ce ça la capitale ? Des immeubles, des gens qui courent et des voitures qui roulent à toute vitesse ?

C'était la première fois que je prenais le train, et en un peu plus d'une heure et demie, me voilà ici. J'ai dû me débrouiller seul parce que le billet était suffisamment cher comme ça, mes grands-parents ne pouvaient donc pas m'accompagner. J'ai ensuite dû m'en sortir avec le bus et je remercie grandement le vieil homme qui a accepté de m'expliquer le fonctionnement des lignes. Sans ça, je ne serais jamais arrivé à l'heure.

Je regarde mon téléphone : il est sept heures quarante-deux.

J'ai un peu d'avance, je peux prendre une seconde pour respirer. Je m'autorise même à fermer les yeux, comme si cela allait faire disparaître la boule de stress qui s'amuse à grandir dans mon estomac. Je souffle une bonne fois pour toutes, puis reprends en main mon sac de voyage, n'ayant pas quitté le backpack que j'ai sur le dos.

J'avance jusqu'à la porte d'entrée et sonne à l'interphone sans plus d'hésitation.

­­­­­­— Kim Taehyung-ssi ?

— Oui, Seonsaengnim, bonjour.

— Je vous ouvre.

Un « bip » se fait entendre et j'ouvre une porte sur l'inconnu qui deviendra mon quotidien pour une durée indéterminée. Il s'agit-là d'un départ avec un possible non-retour.

Je ne sais pas quoi faire alors j'attends dans le hall en resserrant les doigts sur les anses de mon sac. Je me rongerais même les ongles si je le pouvais, mais ce n'est pas très professionnel.

— Vous voilà arrivé à la capitale ! dit une voix masculine qui me sort de la torpeur dans laquelle je m'étais réfugié.

Je relève la tête et découvre deux hommes, l'un nettement plus âgé que l'autre. Immédiatement, je courbe respectueusement le dos en guise de salut. Etrangement, ils me montrent la même considération, s'inclinant légèrement vers l'avant.

J'affiche mon plus beau sourire, espérant faire une bonne impression. C'est la première fois que je fais face à ces personnes, des individus qui me donnent le sentiment d'affronter mon avenir de plein fouet.

— Ne soyons plus aussi formels à l'avenir, j'aime que mes trainees se sentent à l'aise entre ces murs, poursuit la voix caverneuse.

Pour avoir fait quelques recherches Internet dans le cybercafé de mon village, je sais qu'il s'agit du PDG de l'agence FreeBeats, celle qui m'a recruté.

— D'accord, Jang Siwoo-nim.

L'homme à ses côtés nous toise à tour de rôle en se montrant plutôt silencieux. Son visage me dit quelque chose, mais je n'arrive pas à retrouver son nom, ni sa fonction. Il n'est pas très grand, mais son corps semble tonique. Peut-être est-il un trainee lui aussi ? Il paraît un peu âgé pour en être un. Pourtant, son visage aux expressions dures mais aux traits doux me laisse penser qu'il pourrait en effet être un idole.

— Je ne vous ai pas présenté, mais voici Min Yoongi-ya. C'est notre génie de la musique, les défis sont les seules choses qu'il mange au petit-déjeuner, rit-il.

— Bonjour, réponds-je en inclinant la tête, ne pouvant empêcher toutes ces formules de politesse.

Yoongi me répond de la même manière, avec un léger sourire forcé. Il ne paraît pas très à l'aise non plus. Est-ce à cause de la façon dont il vient d'être mis en avant, de la timidité ou autre chose ?

Je décide d'arrêter de me poser toutes ces questions puisque je risque de le découvrir assez vite. Je vais habiter ici, après tout.

— Allons rejoindre les autres à la salle de répétition.

Dans un silence ressemblant à toutes les premières rencontres, nous entrons dans un ascenseur et montons en direction du cinquième étage, de ce que j'en vois.

— Vous êtes le seul trainee à avoir été sélectionné lors de notre dernier recrutement, alors mes félicitations.

Un sourire gagne mon visage, cette phrase est on ne peut plus revigorante. Simplement avec elle, il vient de me donner une légitimité que je ne pensais pas mériter, ni attendre. Je crois à la chance et à la roue qui tourne, et je pensais qu'on me donnait uniquement l'opportunité de visiter la capitale comme l'on placerait du baume sur des plaies. Or, il semblerait que je sois ici pour une autre raison. Je ne parlerais jamais de talent parce que cela serait prétentieux et très clairement prématuré, mais je dois probablement avoir quelque chose à faire entre ces murs. J'imagine que je ne serais pas là sinon.

Un nouveau « bip » se fait entendre et il signifie que nous venons d'atteindre notre objectif. Le couloir est spacieux sans faire étalage de fortune, il est à l'image que je me faisais de cette agence. Encore une fois, d'après mes recherches, ces locaux renferment une compagnie plutôt familiale. En effet, les trainees sont peu nombreux, mais bien entraînés et je sais qu'il y a également un centre de soin, ainsi qu'une équipe dédiée à notre image et à notre bien-être.

C'est ce qui m'a convaincu de participer aux auditions pour cette agence-ci, je souhaitais être entouré, épaulé. Je ne veux pas être un numéro de plus, je désire être accompagné et formé. On m'a poussé à candidater, surtout mes grands-parents qui me pensent « trop beau pour ne pas être un idole », mais je sais qu'ils disent surtout ça pour que je n'aie pas la même vie qu'eux. Ils espèrent autre chose pour moi, alors quand des auditions ont été annoncées à une trentaine de kilomètres de mon village, ils ont vu cet événement comme un signe du destin.

Puis je me suis renseigné, et ce que j'ai découvert sur cette agence m'a plu, sinon je ne serais pas là. Ne pensant jamais être sélectionné à cause de mon retard certain par rapport aux autres, je n'avais pas vraiment d'attentes.

J'ai dit : « pourquoi pas ».

Je n'ai jamais pris de cours de danse et encore moins de chant. Le seul micro que je connais est mon pommeau de douche et les uniques spectateurs qui ont admiré mes pas de danse sont les vaches qui peuplent nos prairies.

J'ignore encore ce qu'ils ont vu en moi.

Peut-être cette fameuse « beauté » que les gens me prêtent. Lorsque je suis devant un miroir, je ne m'extasie pas devant lui, me trouvant mignon, mais sans exagération. Les personnes sont simplement gentilles quand elles ne savent pas quoi dire sur quelqu'un, elles se mettent alors à parler de sujets futiles et superficiels comme la beauté d'un individu.

Alors je suis beau. Peut-être. J'ose espérer que l'on m'a sélectionné pour un petit quelque chose que personne ne voit. Moi le premier. Mes grands-parents les seconds.

Nous longeons le couloir lumineux grâce aux grandes baies vitrées marquant sa fin. Avant d'arriver jusqu'à une vision imprenable sur Seoul, nous nous stoppons devant l'une des portes.

— Vous allez vous habituer à la vue, tellement que vous finirez par ne plus la remarquer, s'amuse le PDG. Vous risquez de passer un peu de temps ici.

J'ai un petit rire. Si j'en crois les rumeurs à propos de ce type de formation, je vais en effet venir assez fréquemment dans cette salle.

Il ouvre la porte et le son d'une chanson entraînante d'un mélange entre de la pop et du hip-hop vient titiller mes tympans. Ce qui me parvient ensuite est l'acharnement des pas sur le parquet glissant de cette grande pièce. De nombreux élèves sont en train de martyriser le sol au gré de leurs mouvements, les enchaînant dans un rythme effréné.

Cette boule que je sentais au creux de mon estomac se met alors à s'étendre jusqu'à grignoter mes poumons, rendant ma respiration laborieuse.

Ils sont talentueux.

Ils sont mesurés et maîtrisent leurs déplacements.

Ils savent ce qu'ils font.

Et moi, je ne sais pas ce que je fais là.

L'entrée de Jang Siwoo fait s'immobiliser certains corps et l'un d'entre eux se dévoue pour aller éteindre l'enceinte qui s'époumonait. Une fois la surprise de voir leur PDG passée, les regards se tournent immédiatement sur ma personne. La trentaine de trainees me scanne, certains avec étonnement et d'autres avec un froncement de sourcils.

Mon arrivée ne leur a pas été annoncée, cela me paraît évident.

— Bonjour tout le monde, salut Siwoo en s'avançant jusqu'au centre de la pièce, suivi du producteur.

Tous ont un sourire et je remarque que personne n'a courbé le dos. J'imagine qu'il disait vrai lorsqu'il parlait de rendre les choses moins formelles.

— Je suis désolé de vous déranger durant votre entraînement, mais j'ai le plaisir de vous présenter un nouveau trainee. Viens par ici, Kim Taehyung-ssi, ajoute-t-il en me faisant un petit signe de la main pour que je le rejoigne.

Je me rends alors compte que je suis toujours planté à l'encadrement de la porte, je n'ai pas encore osé mettre un pied dans cette salle. Je sens la crise d'angoisse s'immiscer dans les battements de mon cœur, mais je tente de me raisonner.

Taehyung, tu es ici pour devenir un idole, alors ne commence pas à être effrayé par une trentaine de visages !

Tel un robot, mon corps connaît la marche à suivre et je me place entre les deux hommes, face à mes futurs camarades.

— Il arrive de la province de Gyeongsang, j'espère que vous saurez vous montrer accueillants avec lui. D'ailleurs, Namjoon-ssi, je pense qu'il vous reste un lit dans votre dortoir, non ?

— Oui, nous avons une place, dit un jeune homme en s'avançant d'un pas.

Le sourire qu'il m'envoie lui confère tout de suite une attitude bienveillante, en totale contradiction avec son corps athlétique et son aura charismatique. Ses cheveux blonds décolorés lui donnent un air rétro, et la fossette qui apparaît sur sa joue droite lorsque qu'il sourit fait naître un sourire sur mes lèvres. Mon instinct est sans appel, je sais que cet homme deviendra mon ami. Je le sens dans le regard qu'il semble porter sur les gens, c'est quelqu'un d'attentif et d'intelligent.

Depuis l'enfance, je me suis toujours amusé à observer le monde et je cerne rapidement les individus, comme si j'étais doté d'un détecteur me permettant de faire un tri naturel.

— Je pense que tu te plairas avec eux.

La voix rocailleuse de Yoongi me surprend et sa manière décontractée de me parler me déstabilise un instant. Je plante mon regard sur lui, l'interrogant silencieusement.

— Les quatre trainees de ce dortoir n'ont rien en commun, j'ai donc hâte de voir ce que ça pourrait donner musicalement à vous cinq, poursuivit-il alors que j'ignore de quels élèves il parle.

— Namjoon-ssi, veux-tu bien prendre ce jeune garçon sous ton aile ? demande le PDG avec douceur.

Il hoche simplement la tête et les deux hommes qui m'avaient accompagné s'éclipsent comme s'ils n'étaient jamais venus. Je me sens soudainement nu, appréhendant les prochains instants.

J'ai peur de la compétition.

J'ai peur de la colocation, n'ayant vécu qu'avec mes grands-parents.

J'ai peur de ne pas être à la hauteur.

J'ai peur...

— Kim Taehyung-ssi, c'est ça ? questionne un garçon semblant être un peu plus âgé que moi.

Son sourire lui mange une grande partie du visage et ses pupilles brillent d'une sympathie que j'ai rarement vue. Je ne peux m'empêcher de me demander s'il est sincère. J'ai appris que la gentillesse avait un prix et qu'il pouvait s'avérer être élevé, voire hors de portée.

— C'est ça, acquiescé-je poliment.

— Jung Hoseok, je vais être l'un de tes colocataires, se présente-t-il en claquant amicalement mon épaule. Tu vas nous apporter un petit vent de fraîcheur parce que Namjoon-ie hyung et moi sommes là depuis un an déjà, depuis la création de l'agence. Bon, on a déjà eu un vent de fraîcheur avec les arrivées de Jimin-ie et de Jungkook-ie il y a quelques mois, mais la nouveauté est toujours la bienvenue, s'exclame-t-il avec une bonne humeur presque contagieuse.

Je pense que cet individu parle beaucoup, il risque de compléter les blancs.

— Il t'a déjà mis le grappin dessus ?

Un autre trainee s'approche en compagnie du fameux Namjoon. Son visage est extrêmement poupon, il en a gardé les joues pleines et un petit retroussement du nez le rendant très enfantin. Ses lèvres sont charnues lorsqu'elles viennent s'étirer pour me saluer. Ces garçons sont très chaleureux et se montrent accueillants envers moi.

— Je suis Park Jimin et je suis probablement le plus agréable du dortoir, voire même de tous les trainees.

Sa remarque me tire un rire, je sens que je ne vais pas m'ennuyer avec cette bande d'amis.

— J'ai hâte de vérifier ça, dis-je avec entrain. J'ai seize ans, je suis le plus jeune du dortoir ?

— Non, notre maknae est là-bas, m'indique Namjoon en pointant un jeune homme du doigt.

Je suis des yeux l'endroit qu'il me désigne et tombe sur un adolescent en train d'observer avec une grande attention son téléphone. A cette distance, je ne peux qu'admirer sa silhouette élancée, qui semble tout de même sportive. Ses cheveux sont d'un noir corbeau détonnant par rapport à la pâleur de sa peau. J'en viens à pencher légèrement la tête, curieux de découvrir la teinte de son regard.

Sentant qu'il attire l'attention, il finit par relever le visage sur notre petit groupe, un froncement de sourcils froissant ses traits. Nos pupilles se rencontrent et le noir de ses iris percute mes sens, venant brouiller mon radar. Je crois que c'est la première fois que je n'arrive pas à cerner une personne en un seul regard.

Il ne possède pas des traits aussi poupons que Jimin, mais ils sont tout de même délicats et laissent apparaître son jeune âge. Ses iris démontrent une certaine maturité, un regard plein de promesses et de détermination.

— Il filme les entraînements, ça lui permet de repérer ses erreurs, précise Hoseok d'un ton plus sérieux qu'à l'accoutumée.

Je hoche la tête pour seule réponse, mes yeux sont encore ancrés dans ceux du jeune noiraud. Il doit être perfectionniste pour se filmer en plus de s'observer danser à travers les miroirs recouvrant deux des murs de la pièce.

Soudainement, il coupe le contact visuel avec moi pour se remettre à visionner sa vidéo. J'ignore s'il fuit la sociabilité ou s'il est simplement trop concentré sur son portable. Le temps devrait m'en apprendre plus à son sujet.

Je l'espère.

***Téléchargez NovelToon pour profiter d'une meilleure expérience de lecture !***