Chapitre cinq

Je ne respire plus, l'air reste bloqué dans ma gorge. Est-ce qu'il me dit la vérité ? Ou me ment-t-il pour me faire peur ? Je ne sais pas. Son regard n'exprime aucune émotion qui pourrait m'indiquer un quelconque mensonge. Il me regarde sérieusement avec une lueur d'inquiétude dans ses iris. Ses doigts toujours sur ma hanche me font légèrement trembler, je n'ose pas lui demander de les enlever. Ce n'est pas moi qui donne les ordres.

- C'est... C'est une blague ? Je demande avec une voix cassée.

- Est-ce que j'ai vraiment l'air de blaguer ?

- Hum... Non, non désolé.

- Si tu ne me crois pas, regarde par toi-même.

Voulant vraiment être sûr, je jette un petit coup d'œil à ma blessure. Je sursaute et mets instinctivement ma main droite devant ma bouche. Mon dieu, c'est horrible. Les plaies ont des teintes jaunes verdâtres, cela me donne envie de vomir. Les paroles du vampire me reviennent soudainement en tête. "Il ne faudrait pas que cela s'infecte, sinon tu ne pourras plus travailler et je serai obligé de te tuer." J'enlève ses doigts d'un petit mouvement sec et baisse la tête. Est-ce qu'il va vraiment me tuer ? Non, il ne peut pas. Mais enfin, suis-je bête... Bien sûr qu'il le peut, c'est le roi. La lueur d'inquiétude me perturbe assez. S'inquiète-t-il pour moi ? Si oui, il ne devrait pas me vider de mon sang jusqu'à ce que je meure.

- Vous allez me tuer ?

C'est une première, j'ai réussi à parler distinctement alors que j'ai peur.

- Non Louis, je ne vais pas te tuer.

- Qu'est-ce que vous allez faire de moi alors ? Vous-Vous l'avez dit vous-même, si ma blessure s'infecte vous allez me... me tuer.

- Je vais t'emmener voir l'infirmière du château, hors de question de gâcher un sang aussi délicieux que le tien.

Comment dois-je le prendre ? En une phrase, il vient de faire le sous-entendu qu'il veut encore me mordre. Je ne réplique pas, je suis trop occupé à penser aux canines de mon maître dans ma veine. Si seulement je pouvais échapper à ces moments, je le ferais. Je me lève du lit en baissant la tête, lui également. Sa grandeur m'impressionne toujours autant et je me sens minuscule. Je ne suis rien à côté de lui, que ce soit en taille ou même en général. Je ne sais pas quoi faire, alors je reste tout simplement debout, en attendant que le vampire fasse quelque chose. Il a parlé d'une infirmière, quand va-t-il m'amener la voir ? J'espère bientôt, mon infection ne doit pas se propager plus loin que ma hanche.

Je viens tout juste d'avoir ma réponse puisqu'il nous fait sortir de la pièce pour ensuite marcher le long des couloirs que j'ai, pour certains, déjà empruntés. J'essaie de me créer quelques repères si jamais un jour je dois me rendre à l'infirmerie seul. On ne sait jamais ce qui pourrait m'arriver dans ce château. Les talons de ses bottines claquent contre le parquet tandis que mes vieilles baskets grincent, cela forme une mélodie très gracieuse. Je me retiens de pouffer à certains moments tellement le bruit est amusant. Cependant, je commence doucement à ressentir des picotements sur ma hanche qui retirent toute mon envie de rire.

- Il y a quelque chose de drôle que tu voudrais me partager ? Dit mon maître en s'énervant.

- Non-non, je suis désolé maître...

Lorsque nous pénétrons dans l'infirmerie, une femme se tient derrière un bureau brun. Est-elle aussi un vampire ? Je suppose, vu qu'elle est devant nous en un clin d'œil alors que je ne l'ai pas vue bouger. Je sursaute violemment, putain qu'est-ce qu'elle m'a fait peur. Je ne peux pas définir l'âge de cette femme puisqu'elle est un monstre, elle aussi. Je dirais qu'elle a été transformée autour de ses trente-cinq ans, mais ce n'est qu'une hypothèse.

- Maître, que me vaut l'honneur de cette visite ? C'est la première fois que vous venez en environ trois ans. Que puis-je faire pour vous ? Dit l'infirmière en m'ignorant complètement.

Je suis à côté du roi, presque caché dans son dos. Les yeux de cette vampire sont grands ouverts et elle le fixe d'une manière dont je ne serais expliquer. Le ton qu'elle a employé pour parler m'énerve, comment peut-elle être heureuse d'être ici ? En plus, elle vient de dire que notre maître ne l'a pas vue une seule fois en trois ans. Finalement, je comprends les raisons de son bonheur.

- Je veux que tu lui soignes la blessure qu'il a à la hanche, elle s'est infectée. Desso, un de mes esclaves, viendra le chercher ici dans exactement une heure. Maintenant, fais ce qu'il y a à faire.

- Tout de suite, maître.

La voix du roi est d'une fermeté incroyable. Aucune émotion dedans, il donnait juste un ordre. On dirait qu'il est né uniquement pour diriger tellement il est autoritaire. On ne ressent même pas l'envie de lui désobéir. Mon maître part aussitôt après la réponse de l'infirmière, me laissant seul avec elle.

- Va t'asseoir sur le fauteuil, s'il te plaît.

J'exécute sans dire un mot. Elle me paraît gentille, en tout cas elle est polie. Je monte sur le petit escabeau pour m'installer sur la sorte de matelas en hauteur. Je suis assis, la femme me demande à quelle hanche ma blessure se trouve. Je lui réponds faiblement, elle m'intimide avec sa blouse blanche. J'ai l'impression de me trouver dans un hôpital à cause de sa tenue. Ses cheveux blonds sont coiffés en un chignon désordonné, elle porte de belles boucles d'oreilles noires. Sa peau n'a aucune imperfection. Nos regards se croisent pendant quelques secondes, je rougis fortement en baissant la tête. Elle a remarqué que je la détaillais, c'est terriblement gênant.

- Est-ce que tu as mal si j'appuie là ? Me demande-t-elle.

Cette conne appuie fortement sur ma blessure, je lâche un gémissement de douleur. Elle croit sérieusement que ça va me faire du bien ? Je hoche la tête pour seule réponse. D'ailleurs, pourquoi fait-elle ça ? À ce que je sache, on ne doit pas appuyer pour désinfecter quelque chose. Juste passer un coton avec du désinfectant et le tour est joué, non ? Même si je n'y connais rien en médecine, ce que je pense me paraît tout à fait logique.

Les minutes passent beaucoup trop lentement à mon goût. Quand est-ce que mon ami va venir me chercher ? Je pense à tout et n'importe quoi pour faire passe le temps. Je chantonne des chansons dans ma tête. L'infirmière qui s'appelle Carole (elle m'a dit son prénom quelques instants auparavant) a fini son travail. Ma hanche est à présent couverte d'un gros pansement pour éviter que d'autres microbes ne viennent la réinfecter. Nous avons discuté elle et moi, elle m'a posé des questions sur ma blessure et moi, je lui ai posé des questions sur son travail ici. Elle n'était pas étonnée lorsque je lui ai dit que c'est le roi le méchant dans l'histoire. Je sais que ce dernier n'a jamais levé la main sur elle et elle lui en est très reconnaissante. Elle a quatre-cent dix ans cette année et j'ai été très surpris. C'est très impressionnant pour un adolescent de dix-sept ans qui n'est même pas encore majeur.

- Fais attention avec lui, Louis.

Je sais parfaitement de qui elle est en train de parler.

- Mon rêve pour l'instant, Carole, c'est d'être le plus loin possible de sa personne. Je ne veux même pas le revoir... Je soupire.

- Ça se voit, ne t'inquiètes pas pour ça, rit-elle.

Une personne toquant à la porte nous interrompt dans notre conversation.

- C'est sûrement Desso, je vais le faire entrer.

Carole ouvre la porte et effectivement, mon ami se trouve derrière cette dernière. Il m'adresse un sourire et je le lui rends en me levant. À peine est-il rentré qu'il ressort déjà de l'infirmerie, moi à ses côtés. Il me dit que je tombe à pic pour aller manger à la cafétéria. Les autres viennent également d'arriver donc je ne ferai pas tache en arrivant en retard. Au menu : du poulet mayonnaise accompagné de frites. Mon dieu, cela fait très longtemps que je n'en ai pas mangé. Je me précipite pour prendre un plateau une fois arrivé dans la grande salle. Je passe devant le gars qui remplit mon assiette, il n'a pas l'air heureux du tout. Je le remercie timidement d'un sourire, il me le rend gentiment. Une fois mon repas sur mon plateau, je cherche une table de libre pour m'y installer. Mes yeux parcourent l'entièreté de la salle pour enfin voir Arnaud me faire de grands signes. Je pense que cela signifie "Viens manger avec nous". Je me dirige donc vers eux, un petit sourire sur les lèvres. Un garçon châtain est assis en face de lui, sûrement mon deuxième compagnon de chambre.

- Louis ! Alors comment ça va ? Pas trop dur les corvées ? Dit-il pendant que je m'assois.

- Hum... Ça va et toi ? Non, ça a été pour une première journée.

- Super, maintenant j'ai pris l'habitude tu sais, me répond-il en prenant une bouchée du poulet.

Je hoche la tête en goûtant à mon tour à ma nourriture. Je lâche un petit gémissement de plaisir tellement cela fait du bien pour mes papilles. Mon ventre m'en remercie, j'en suis certain.

- Au fait, voici Liam, ton deuxième compagnon de chambre avec moi.

Le dénommé Liam relève la tête de son plat pour me tendre une grande main. Je la sers faiblement en souriant.

- Enchanté, disons-nous en même temps.

Je rigole et lui aussi, j'espère que nous allons bien nous entendre lui et moi. Je ne veux pas me mettre quelqu'un à dos. Nous mangeons tranquillement en se posant quelques questions sur nos vies respectives, Arnaud nous raconte quelques blagues dignes de blagues que l'on trouve sur des calendriers. Je ris quand même, même si ce n'est parfois pas drôle, pour ne pas le vexer. Rire m'avait manqué. Sébastien n'était pas un grand amateur d'humour.

D'un coup, tout le monde se tait. Plus personne ne parle, y compris mes deux camarades. Je me demande ce qui se passe. Est-ce que le roi va venir ? Ou alors il y a un problème ? Les deux grandes portes de la cafétéria s'ouvrent en même temps, me faisant sursauter. Trois gars entrent l'un à côté de l'autre, ils font peur avec leur allure. Ils portent à peu près les mêmes vêtements que moi, mais ils sont beaucoup plus grands que moi. Je le sais, même si je suis loin. Ils dégagent une sorte d'aura comme si on leur devait le respect, alors qu'eux aussi sont des esclaves. Les trois mecs se dirigent vers la petite file restante pour prendre le plateau et les derniers les laissent passer. Je ne comprends rien à la situation.

- Que se passe-t-il ? Je chuchote.

- Chut !

C'est Arnaud qui m'a répondu d'une voix inquiète. Je lui fais de grands yeux. D'un coup, un des trois gars prend la parole alors qu'ils viennent de s'installer à une table vide :

- Alors, à ce qu'il paraît, il y a un nouveau ?

Sa voix est forte pour qu'il se fasse bien entendre. De nombreuses têtes se tournent vers moi, je me laisse légèrement glisser sur ma chaise pour essayer de m'effacer. Je suis dans la merde. À moins qu'il y ait aussi un autre nouvel arrivant ? Je me laisse glisser contre le dossier de ma chaise pour essayer de disparaître. Aucun d'entre nous ne répond, c'est le silence complet.

- Où est-il ? Reprend le gars.

- Louis, lève-toi, me chuchote Liam.

- Pourquoi ? Je lui réponds.

- Lève-toi maintenant, c'est important.

Je fais ce que Liam me dit en tremblant. Absolument tous les regards se dirigent soudainement vers moi, je dois être rouge comme une tomate en cet instant. Les trois mecs qui sont entrés me fixent aussi. Je ne peux pas être plus mal à l'aise qu'en cet instant.

- Alors, c'est donc toi... Comment tu t'appelles ?

- Louis, dis-je sûr de moi.

Je me répète intérieurement qu'ils sont des esclaves, comme moi. Ils ne sont pas supérieurs. Nous sommes tous à égalité niveau "rang".

- Enchanté Louis, je suis Aurélien, et voici Ashton et Allen, dit-il me montrant un roux et un blond à ses côtés. Tu dois savoir qu'au bâtiment des esclaves, donc ici, c'est nous qui dirigeons. Nous imposons la loi et si tu ne la respectes pas, il y aura des grandes conséquences. Tu nous dois le respect à moi et mes deux acolytes, tu nous laisses passer durant la file et si l'on te demande quelque chose, tu nous le donnes. C'est aussi simple que ça. Si tu respectes tout ça, nous ne te chercherons pas d'ennui. D'accord, Louis ?

Je suis choqué. Je ne sais pas quoi répondre à ce con d'Aurélien. Est-il sérieux dans ses propos et attend-il une réponse positive ? Il est complètement fou.

- Hoche la tête Louis, me chuchote discrètement Arnaud.

Je le regarde furieusement, je ne dois pas me soumettre à ces trois imbéciles qui se prennent pour les rois.

- Bordel hoche la tête, tu ne sais pas ce qu'ils peuvent te faire, insiste mon ami.

Je sers les dents en finissant par approuver ce qu'a dit Aurélien. Je ne veux pas me faire des ennemis alors que je suis encore considéré comme le nouveau.

- Bien, maintenant vous pouvez tous finir votre repas.

Les trois s'asseyent et les discussions reprennent. Je pense bien que la table sur laquelle ils sont assis est la leur puisque personne n'était assis dessus alors qu'elle est au centre de la salle. Arnaud et Liam recommencent tranquillement à parler tandis que moi, je me rassis sur ma chaise en les interrogeant du regard. Je finis mon poulet le plus rapidement possible pour avoir des explications. Est-ce que ces mecs sont vraiment les responsables de cet établissement ? Non, c'est impossible. Le roi ne laisserait pas les humains commander, il ne semble pas avoir confiance en nous.

J'ai enfin fini mon repas et je regarde mes deux compagnons de chambre fixement. Ils sont mal à l'aise, cela se voit. Ils ne savent pas comment m'expliquer ce qui vient de se passer quelques minutes plus tôt vu leur façon de se regarder.

- Est-ce que l'un de vous deux va enfin prendre la parole et m'expliquer s'il vous plaît ? Je craque.

- Hum... Bon et bien, je vais le faire, commence Arnaud. Aurélien, Ashton et Allen, les trois A comme ils sont surnommés par certains, sont les plus vieux esclaves encore en vie du maître. Ils sont là depuis sept ans je pense, ce qui est énorme. Ils se sont forgé une sorte de réputation ici. Comme il n'y a aucune règle dans ce bâtiment et tu dois le savoir, ils se sont mis à frapper tous ceux qui leur manquaient de respect. Très vite, ils sont devenus les chefs, même si ce n'est pas le cas officiellement. Tout le monde avait peur d'eux et c'est encore le cas maintenant comme tu as pu le constater.

- Et personne n'a osé les arrêter ? Et le roi dans tout ça ? Il ne fait rien ? Je l'incite à me donner plus d'informations.

- Non, personne. Tu sais... Ils sont très musclés et un coup de poing, ça fait mal hein...Le roi, lui, s'en fou. Nous ne sommes que des humains je te rappelle, ce ne sont pas ses problèmes.

- C'est affreux...

- Je sais, mais on n'y peut rien. C'est comme ça.

- Est-ce qu'il y en a qui ont réussi à leur tenir tête ?

- Un, mais le roi l'a tué quelques jours plus tard.

- Oh...

Je ne sais plus quoi dire. Je jette un regard discret vers la table des trois A, ils rient à gorge déployée pour se faire remarquer. Ils viennent de faire tomber le plateau d'un garçon qui passe à côté d'eux. Heureusement, le support était vide, mais quand même. Tout cela me dépasse. 

Arnaud me dit qu'il va bientôt être vingt-deux heures et que nous devons retourner dans les chambres. Je suis mes camarades en ne connaissant pas encore très bien le chemin. Je suis épuisé, j'ai besoin de sommeil. La douche est demain matin, donc je peux directement me coucher. Je me jette littéralement sur mon matelas en lâchant un grognement de plaisir. Liam se fout de ma gueule et se jette lui aussi sur son matelas. Arnaud est un petit peu désespéré en nous voyant faire, mais ne fait aucune remarque. Nous discutons encore un peu et je commence doucement à somnoler. Puis, sans que je m'y attende, Liam me pose une question à laquelle je ne sais pas trop répondre :

- Dit, Louis, après les corvées, nous sommes rentrés ici Arnaud et moi, mais tu n'étais pas là. Où étais-tu ?

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Rood-Sherline

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2023-01-10

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