Chapitre 2 : Un pressentiment

Le lendemain, j’avais un drôle de goût dans la bouche. Tu sais, ce genre de sensation que tu ressens quand tu sais que quelque chose approche… mais que tu ne sais pas encore quoi. Comme une odeur de pluie avant la tempête. Mais ma journée a commencé comme les autres. Asher m’a réveillée à l’aube, j’ai préparé son biberon, je l’ai changé, habillé, bercé, déposé chez maman. Elle m’a encore dit de faire attention à moi, que j’avais l’air plus fatiguée que d’habitude.

— Je vais bien, maman. C’est juste la routine.

Elle n’a rien répondu. Elle m’a juste regardée. Tu sais, ce regard que les mères lancent quand elles sentent que quelque chose se passe… mais qu’elles ne veulent pas poser la mauvaise question. À la fac, j’ai retrouvé Seraphina et Aile comme d’habitude. Elles étaient déjà assises au fond de l’amphithéâtre, en train de chuchoter.

— T’as reçu mon message ? a demandé Seraphina en me voyant arriver.

— Oui, j’ai vu. J’en ai parlé à maman. Elle peut garder Asher samedi soir.

— Super. Franchement, tu ne vas pas le regretter. Ça va être une soirée de dingue.

Elle m’a souri, mais… je ne sais pas. Il y avait un truc dans son sourire. Quelque chose de… forcé. De tendu. Je me suis dit que j’étais parano. J’ai toujours été un peu trop sensible.

— Et Colton, il ne sait rien ? a demandé Aile en jouant avec une mèche de ses cheveux.

— Rien du tout. Il croit qu’on va juste se poser au fast-food avec les gars. Il va halluciner.

On a rigolé, un peu. J’ai fait semblant que tout allait bien. Peut-être que j’avais besoin d’y croire moi-même. Sûrement que j’avais juste envie d’être “normale” pour une fois. Une fille de vingt ans, avec des amis, une soirée à venir, des vêtements à choisir. Juste ça. Après les cours, je suis passée au centre commercial en vitesse. J’ai trouvé une robe pas trop chère, un peu ample, mais jolie. Noir simple, comme moi. Pas de fioritures. J’ai pensé à la fête. À ce que j’allais porter. À ce que les autres allaient penser. C’était idiot, mais ça me distrayait.

Vers 18 h 30, j’ai commencé mon service au supermarché. Mon dos me faisait mal, j’avais mal aux pieds, mais comme toujours, j’ai pris sur moi. Les clients sont passés les uns après les autres. Certains gentils. D’autres méprisants. À un moment, un homme a levé la voix, encore une fois. J’ai cru qu’il allait m’insulter, mais monsieur Lambert est intervenu, comme la veille.

— Ça va aller ? m’a-t-il demandé une fois que le client est parti.

— Oui. Merci. Je crois que j’ai juste besoin d’un peu de sommeil.

Il m’a regardée longtemps, comme s’il voulait dire quelque chose de plus. Mais il ne l’a pas fait. Quand j’ai fini mon service, il était presque 22h. J’ai couru jusqu’à chez maman pour récupérer Asher. Il dormait déjà. Elle l’avait couché dans un petit pyjama bleu qu’elle venait de lui acheter.

— Tu comptes vraiment y aller à cette fête ? a-t-elle murmuré en me regardant ?

— Oui… J’ai besoin de sortir un peu. Juste une soirée.

— Sois prudente. Je ne veux pas te retrouver en larmes comme l’an dernier.

Je n’ai pas répondu. J’ai pris Asher, je l’ai embrassée, et je suis rentrée chez moi. La nuit, une fois qu’il a été endormi, je me suis posée sur mon lit, les écouteurs dans les oreilles. J’ai mis de la musique douce. J’ai fermé les yeux. Et puis… mon téléphone a vibré

Seraphina :"Je t’envoie l’adresse pour samedi. On t’attend à 20h. Mets ta jolie robe noire. Tu vas briller, ma belle ✨".

J’ai souri doucement. J’ai éteint l’écran. Je ne savais pas encore que ce fût le dernier message qu’elle m’enverrait sans mensonge.

Le jour d’après, j’étais nerveuse. Pas stressée comme quand j’oublie un devoir ou que je suis en retard au boulot. Non… c’était plus diffus. Comme une brume dans la tête, un nœud dans le ventre que je n’arrivais pas à défaire. J’ai passé la matinée avec Asher. On a joué, il a babillé, il a ri. Il était beau, comme toujours. Serein. Innocent. Il me regardait avec ses grands yeux ronds, sans savoir à quel point c’était lui qui me tenait en vie. Je l’ai confié à maman en début d’après-midi.

— Tu es sûre de vouloir y aller ? m’a-t-elle encore demandé.

— Maman… je vais bien. J’ai juste besoin de souffler un peu. C’est une soirée. Je reviens demain matin.

— D’accord. Mais envoie-moi un message dès que tu arrives là-bas, d’accord ? Et fais attention à toi. Les gens ne sont pas toujours ce qu’on croit.

J’ai hoché la tête, mais j’ai senti quelque chose dans sa voix. Une peur discrète. Ou peut-être que c’était la mienne. De retour à l’appart, je me suis préparée. J’ai pris une longue douche. J’ai mis la robe noire que j’avais achetée, celle qui m’allait bien sans en faire trop. J’ai coiffé mes cheveux, mis un peu de mascara, du gloss. J’avais presque oublié à quoi je ressemblais quand je prenais le temps.

À 19 h 40, mon téléphone a vibré

Hailey :

"On est en route, on passe te chercher dans 10 minutes."

Je suis restée debout devant la porte, en mettant mon manteau, puis j’ai vérifié une dernière fois mon sac. Clés. Téléphone. Rouge à lèvres. J’ai hésité, puis j’ai glissé une photo d’Asher dans une petite poche intérieure. Je ne sais pas pourquoi. Juste… au cas où.

À 19 h 50, une voiture s’est arrêtée devant mon immeuble. J’ai reconnu Seraphina au volant. Aile était à l’arrière. La musique était forte, les basses faisaient vibrer la portière. Elles m’ont fait signe de monter.

— Allez, princesse ! cria Seraphina par la fenêtre. On t’attend pour briller ce soir !

J’ai souri timidement. J’ai descendu les escaliers en courant, et j’ai ouvert la portière.

— T’es superbe, Ellie, m’a dit Hailey. Cette robe noire, waouh !

— Merci, j’ai répondu en m’installant.

J’ai mis ma ceinture. La voiture a démarré. La nuit était tombée. Les lumières de la ville défilaient sur les vitres, floues comme mes pensées. Dans la voiture, on parlait. On riait. Enfin… surtout elles Moi, je regardais les rues de New York défiler. J’avais un goût de silence dans la gorge, même si la musique résonnait.

— Ça va ? m’a demandé Seraphina sans détourner les yeux de la route.

— Oui… Juste un peu fatiguée.

— Ce soir, tu oublies tout. Tu laisses la Ellie maman à la maison, d’accord ? Ce soir, tu redeviens juste… toi.

J’ai souri. Faussement. Et la voiture a continué d’avancer. Je ne savais pas qu’elle roulait vers la fin d’un monde que je croyais connaître.

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