Le voleur pousse la porte du magasin, le cœur dans la gorge. Il venait de dire à Kay qu’il lui avait manqué. Mais Kay n’en avait rien à cirer, à première vue.
Ça faisait des jours qu’il pensait à Kay. Des jours qu’il tournait en rond comme un chien enfermé. Il n’avait parlé à personne. Pas même à sa sœur. Et surtout pas à son père.
Il mord l’intérieur de sa joue et continue d’avancer. Il ne sait pas où il va. Il veut juste fuir.
Il s’assoit sur un vieux banc en bois, à moitié défoncé, dans un coin abandonné. Il a froid. Il s’en fout.
Et puis, il craque.
Il frappe dans le vide, jette un caillou contre un tronc d’arbre, se redresse, tourne en rond, puis s’effondre de nouveau. Il se déteste. Il déteste Kay.
De l’autre côté de la ville, Kay est resté planté au milieu du rayon lessives. Il fixe un paquet sans vraiment le voir. Il entend encore la voix de ce gars. Le ton hésitant. Les yeux fiévreux. La phrase qui a planté un clou dans son crâne :
« Tu m’as manqué, Kay. »
Il se demande s’il reverra ce foutu voleur.
Il se demande s’il a encore le temps de le rattraper.
Le garçon arrive chez lui. La maison pue la bière et la cigarette. Comme d’habitude.
Il referme doucement la porte derrière lui, comme s’il pouvait passer inaperçu. Il entend le téléviseur qui gueule dans le salon. Son père est affalé dans le canapé, torse nu, le ventre bombé, une canette à la main.
— T’étais où, p’tit con ! On n’a rien bouffé ce soir. Ta sœur a encore grignoté des biscuits !
Il se dirige dans la cuisine voir sa sœur, le regard vide.
Elle est assise sur une chaise bancale, les genoux remontés contre elle.
— Ça va ? Chuchote-t-il.
Elle hoche vaguement la tête.
Il attrape la dernière boîte de raviolis qu’il avait planquée derrière le four. Il la chauffe vite, la donne à sa sœur sans manger lui-même. Il n’a pas faim.
— Tiens, mange, mais ne le dis pas à papa, dit-il en lui tapotant la tête.
Comme chaque matin, il entre dans la cour du lycée pro sans un mot, capuche baissée, regard droit devant. Certains détournent le regard quand il passe. D’autres préfèrent chuchoter dans son dos, jamais très fort, depuis la bagarre de l’année dernière, celle qui avait envoyé un gars à l’hôpital avec le nez cassé et deux semaines d’arrêt. Sa réputation le précède.
Il aime se battre. C’est plus fort que lui. Et quand il en vient aux mains avec un camarade, ça se termine toujours de la même façon : l’autre finit par pleurnicher ou abandonner.
Mais avec Kay, c’était différent.
Cette fois-là, il avait trouvé un adversaire à sa hauteur, voire même plus fort que lui. Kay ne s’était pas effondré comme les autres. Pas de larmes, pas de supplications. Juste ce regard brûlant, qui disait « vas-y, continue ». Il avait encaissé chaque coup avec une fierté insolente. Et quand il avait rendu les coups, c’était net, précis. Pas de rage, juste de la maîtrise.
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