Allongé sur son lit, les yeux fixés au plafond, Kay sentait son esprit tourner en boucle. Impossible d’effacer ce garçon de sa mémoire. Il n’arrivait plus à se regarder dans un miroir. Quelque chose avait changé. Quelque chose s’était cassé.
Peut-être qu’il avait simplement besoin de se défouler, de crier, de frapper. Ou peut-être… peut-être que ce garçon avait vu juste.
« T’as ce regard, mec. Le genre de regard qu’ont ceux qui rêvent de casser des gueules, mais qui se planquent derrière un badge de caissier. »
La phrase tournait dans sa tête. Et puis soudain, une idée, comme une étincelle :
— Et si je m'inscrivais à une salle de sport ? murmura-t-il dans le vide. Ça m’éviterait peut-être de finir par tabasser n’importe qui.
Ce fut comme une résolution, bancale mais réelle. Désormais, il ira à la salle tous les soirs. Tous, sauf ceux où il bosse.
Sa semaine de vacances touchait à sa fin, et l’odeur du quotidien revenait lentement.
Le lendemain matin, il se leva plus tôt que d’habitude. Douche froide. Vêtements propres. Il franchit les portes du magasin.
— Bonjour patron, comment allez-vous ? lança-t-il avec un sourire presque naturel.
— Bien, et toi ? T’as bien profité de ta semaine ?
— Oui, merci.
— On t’a manqué ?
— Oh, vous savez, ce n’était qu’une petite semaine, répondit-il d’un ton moqueur.
Mais le patron le fixa avec un éclat d’amusement dans les yeux.
— En tout cas, il y en a un à qui t’as drôlement manqué. Le p’tit voleur venait tous les jours demander où t’étais passé.
Le sang de Kay se glaça.
Il regarda dans le vide. Ce n’était pas fini.
Il avait cru avoir tourné la page, tout laissé derrière lui.
Mais non. L’autre était encore là.
Il se força à sourire, hocha la tête. Il ne répondit pas. Il était à bout. Mais il le savait. Il allait revenir. Et Kay n’était pas sûr d’être prêt.
Quelques heures plus tard,
Kay, silencieux, rangeait des packs de lessive sur une étagère du rayon. Sa tête bourdonnait de pensées qu’il essayait de chasser à chaque geste précis. Soudain, la clochette de la porte d’entrée sonna.
Un bruit banal, mille fois entendu. Mais cette fois, son corps réagit avant même qu’il comprenne pourquoi.
— Excusez-moi, je cherche le grand musclé, lança une voix jeune, insolente, à l’accueil.
La voix.
Kay la reconnut immédiatement.
Derrière le comptoir, sa collègue tourna la tête.
— Oh, encore toi. Le grand musclé est là-bas, au fond du magasin. Et il s’appelle Kay si ça t’intéresse.
Kay ferma les yeux un instant. Il aurait pu fuir. Il aurait pu sortir par l’arrière, prétendre qu’il n’était pas là. Mais il en avait assez de fuir.
Alors il resta.
Les pas approchaient. Lents. Trop lents.
Puis la silhouette apparut au bout de l’allée.
Jeune. Les cheveux décoiffés, une clope roulée coincée derrière l’oreille. Le genre de mec qui semblait porter le chaos avec lui comme un parfum.
Kay se redressa lentement. Leurs regards se croisèrent enfin.
Le garçon s’arrêta, un demi-sourire aux lèvres.
— Ah. T’es là. J’t’avais pas vu. T’as changé.
Kay ne répondit pas. Il se contentait de le fixer.
— J’crois que t’as pris un peu de muscle, dit le garçon, en croisant les bras, le ton provocant. Toujours ce regard. Celui qui voyait trop.
Celui qui savait où appuyer pour faire mal.
— T’es venu faire quoi ? demanda Kay, enfin.
— Rien, je voulais juste te voir.
— Tu m’as bien amoché, tu sais. Trois points de suture. J’ai pissé du sang pendant deux jours.
Kay le fixa, le cœur en vrac.
— T’es pas le seul.
— J’espère bien.
Un sourire en coin déforma les lèvres du garçon.
— T’as de la chance que j’aime ça, mec.
Kay détourna enfin les yeux. Les mots étaient trop tranchants, trop chargés.
— T’as changé, répéta doucement le garçon. T’as plus le même feu dans les yeux. T’as l’air encore plus dangereux maintenant.
— J’vais te le prouver si tu continues, grogna Kay.
Mais le garçon rit.
— Tu m’as manqué, Kay.
Les mots résonnèrent dans le vide. Kay resta figé. Il n’avait rien à répondre.
Le garçon, lui, resta immobile encore une seconde. Puis il détourna les yeux et soupira :
— Ouais. C’est bien ce que je pensais, murmura-t-il.
Il recula d’un pas. Le regard fuyant cette fois. Plus de sourire. Plus de défi.
— T’inquiète pas. Je voulais juste voir ta gueule. C’est fait.
Il se retourna, sans un mot de plus, et commença à repartir, les mains dans les poches. Chaque pas semblait plus lourd que le précédent. Kay le suivit du regard, comme s’il n’arrivait pas à croire ce qu’il voyait.
Le type qui l’avait poussé à bout, qui l’avait poussé à se battre jusqu’au sang, venait de lâcher prise sans même lever le ton. Il passa une main sur son visage. Il avait chaud. Trop chaud.
Il lui manquait, aussi.
À suivre...
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Comments
Yuna-oreobl
MAIS OMGGGGG LA TENSION 🔥
2025-06-18
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