Chapitre 5 : La route du silence

Le Château de Malleville, niché sur la côte sauvage, avait une réputation que Clara n’avait jamais entendue, comme si l’endroit avait été effacé de la mémoire collective. Elle quitta la maison familiale à l’aube, l’esprit encombré par les lettres, les symboles et l’ombre d’Élise Martin qui ne cessait de la hanter.

La route qui menait au château était sinueuse, bordée de falaises abruptes surplombant l’océan. Le vent s’engouffrait dans sa voiture, portant avec lui des odeurs salées, et chaque virage semblait l’emmener plus loin de la réalité. Le château apparut enfin, silhouette massive et imposante, entourée de brumes. Il se dressait, solitaire, comme s’il attendait depuis des décennies qu’on vienne percer ses secrets.

Clara descendit de la voiture, le souffle court. Elle sentait que l’air était différent ici, lourd de non-dits. Elle avançait vers la grande porte en bois, marquée par le temps, le cœur battant la chamade. Personne ne semblait habiter ce lieu depuis longtemps, mais la porte était étrangement entrebâillée.

Un grincement lugubre résonna lorsque Clara la poussa. Le hall d’entrée, vaste et sombre, était éclairé par des fenêtres poussiéreuses qui laissaient filtrer une lumière grise. Les murs, autrefois majestueux, étaient rongés par l’humidité, et le silence y régnait en maître, seulement troublé par le vent s’infiltrant à travers les fissures.

Clara sentit immédiatement que cet endroit était chargé d’histoires oubliées. Elle marchait lentement, chaque pas résonnant dans l’immensité du hall, ses yeux fouillant l’espace à la recherche d’indices. Un grand escalier menait à l’étage, et tout autour, des portes fermées semblaient dissimuler des secrets tout aussi enfouis que ceux de sa propre famille.

Alors qu’elle s’apprêtait à monter, son regard fut attiré par un tableau immense accroché au mur. C’était un portrait d’une jeune femme, ses traits si distincts qu’elle en eut le souffle coupé : Élise Martin. La ressemblance avec la photo trouvée plus tôt était indéniable. Mais que faisait ce portrait ici ? Quelle était la connexion entre Élise et ce château abandonné ?

Le bruit d’une fenêtre claquant violemment dans le vent la sortit de sa contemplation. Clara s’aventura plus loin dans le château, suivant un couloir long et sombre. Des vieilles tapisseries pendouillaient aux murs, rongées par le temps. L’ambiance était lourde, presque suffocante, et chaque pas semblait la conduire plus profondément dans les méandres d’un passé oublié.

Elle arriva finalement devant une porte plus massive que les autres, ornée d'un motif complexe, similaire aux symboles trouvés dans le carnet de son père. Ce n'était pas un hasard. Elle savait qu’elle devait entrer.

Poussant la porte avec précaution, elle découvrit une grande pièce circulaire, tapissée de vieux livres et de meubles recouverts de draps blancs. Au centre, une immense cheminée éteinte, avec au-dessus, un autre portrait d’Élise, cette fois entourée d’un groupe de personnes, dont certaines lui semblaient vaguement familières. Elle reconnut sa mère, plus jeune, souriant avec Élise. D’autres visages inconnus la fixaient, des regards complices mais troublants.

Clara s’avança vers le bureau au fond de la pièce, où trônait un coffret en bois, presque identique à la petite boîte en métal trouvée chez elle. Ses doigts tremblaient lorsqu’elle l'ouvrit. À l’intérieur, une série de lettres, toutes scellées, et un vieux carnet noir.

Le carnet avait appartenu à Élise. Les pages, jaunies et fragiles, dévoilaient des pensées inquiétantes, des récits de rencontres nocturnes au château, des confessions à demi-mot sur des événements terribles. Mais une page en particulier attira son attention :

_"Nous avons fait une erreur. Amélie ne le sait pas encore, mais ce secret va détruire tout ce que nous avons construit. Je dois lui parler avant qu’il ne soit trop tard. Cette nuit-là, au Château, rien ne sera plus pareil."_

Clara sentit une vague de froid l’envahir. Sa mère et Élise avaient partagé quelque chose de sombre, et cette nuit-là, quelque chose avait bouleversé leur destin. Était-ce le véritable secret qui avait conduit à l’accident d’Élise ?

Soudain, un grincement la fit sursauter. Derrière elle, une porte cachée dans le mur venait de s'ouvrir, révélant un passage secret. Le mystère ne faisait que s'approfondir. Clara savait qu’elle ne pourrait plus reculer.

En attendant le battement de son propre cœur.

La descente paraissait interminable. À mesure qu'elle avançait, elle se rendit compte que le château cachait bien plus qu’une histoire familiale. Les murs autour d’elle, faits de pierres lisses et humides, portaient des gravures anciennes, des symboles qu’elle avait déjà vus dans le carnet de son père. Des images émergeaient dans son esprit, des souvenirs ou des rêves flous qu’elle n’arrivait pas à replacer.

Finalement, elle arriva en bas. Le passage débouchait sur une vaste pièce souterraine. L’air y était épais, presque vicié, et la pièce baignait dans une obscurité que seule sa petite lampe perçait faiblement. Les murs étaient recouverts de gravures, certaines identiques aux symboles dans le carnet, d’autres plus énigmatiques encore. Au centre de la pièce, une grande table en pierre était installée, avec des chandeliers éteints et des objets mystérieux éparpillés tout autour.

Clara s’avança, son cœur battant la chamade. Elle remarqua des traces de cire sur la table, ainsi que des marques étranges gravées dans la pierre. C’était ici que des rituels avaient eu lieu, elle en était certaine. Ses doigts effleurèrent la surface froide de la table, et elle eut une vision soudaine – des silhouettes dans la pénombre, chuchotant, entourées de chandelles, et le visage d’Élise, figé dans l’inquiétude.

L’instant d’après, une nouvelle découverte fit frissonner Clara. Un carnet en cuir noir, presque identique à celui d’Élise, était posé sur le coin de la table. Les pages étaient jaunies, mais le symbole gravé sur la couverture attira immédiatement son attention : c'était le même que celui sur la boîte en métal trouvée chez elle. Elle ouvrit lentement le carnet, ses mains tremblant légèrement.

Les premières pages contenaient des dessins, des symboles, et des instructions codées qu’elle ne pouvait comprendre. Mais en feuilletant plus loin, un passage attira son attention :

_"Ce soir, nous avons pris une décision. Élise est réticente, mais elle sait que cela doit être fait. Ce secret ne doit pas être révélé, pas même à Amélie. Les conséquences seraient trop graves. Le château doit rester leur tombeau."_

Clara sentit un frisson glacial parcourir son échine. Quelque chose de terrible s’était déroulé ici, et cela impliquait sa mère et Élise. Mais de quoi s'agissait-il exactement ? Elle parcourut le reste du carnet, mais la plupart des pages étaient illisibles, griffonnées de manière hâtive ou tachées d’encre.

Soudain, un bruit derrière elle la fit sursauter. Elle se retourna vivement, son cœur s'emballant. L’obscurité l’entourait, mais elle avait la sensation d’être observée. Son souffle devint court, et le vent qui s’infiltrait par les fissures semblait murmurer des mots qu’elle ne pouvait comprendre.

Mais il n’y avait pas de retour en arrière possible. Clara savait qu’elle devait continuer. Prenant une grande inspiration, elle fit quelques pas vers une autre porte en pierre à l’extrémité de la salle, à moitié dissimulée par une ancienne tapisserie. La poignée de fer était glaciale sous ses doigts.

Poussant la porte, elle entra dans une nouvelle pièce, plus petite, mais remplie de livres, de coffres et d’objets anciens. Au fond, une silhouette sombre se détachait, un meuble massif. C’était un coffre en bois, gravé de symboles complexes et de lettres qui lui semblaient familières.

Clara s’en approcha, le cœur battant. C’était ici que tout se jouait. Elle en était certaine.

Clara s'approcha du coffre, chaque pas résonnant dans la pièce silencieuse. Les symboles gravés sur le bois semblaient presque vivants, comme s'ils pulsaient d'une énergie ancienne. Ses doigts tremblaient légèrement en touchant la serrure. Le coffre était fermé par un mécanisme complexe, une combinaison de symboles qui ressemblait à ceux du carnet.

Avec précaution, Clara observa les motifs. Elle se souvint des instructions codées du carnet et tenta de faire correspondre les symboles du coffre avec ceux des pages. Après quelques essais infructueux, elle trouva une séquence qui semblait cohérente.

Elle inséra la clé dans la serrure et la tourna lentement. Un craquement sonore résonna, et le coffre s’ouvrit avec un grincement. À l'intérieur, Clara découvrit une pile de papiers et de documents, soigneusement enveloppés dans un tissu ancien. Elle les sortit délicatement, posant le reste du contenu du coffre sur le sol.

En dépliant le tissu, Clara trouva une série de lettres jaunies, des photographies en noir et blanc, et un vieux journal intime. Les lettres semblaient être des correspondances entre sa mère et une autre personne, parlant de secrets et de dangers cachés. Les photographies montraient des personnes qu'elle ne reconnaissait pas, mais les lieux et les symboles lui étaient familiers.

Le journal intime était le plus intrigant. En l’ouvrant, Clara découvrit des entrées détaillées sur des rituels occultes, des avertissements et des confessions. Une entrée en particulier retint son attention :

_"Nous avons pris des mesures extrêmes pour protéger le savoir que nous avons acquis. Élise est déterminée à préserver ce secret, même si cela signifie sacrifier notre propre sécurité. Le château est un sanctuaire pour ce que nous avons découvert. Aucun intrus ne doit pénétrer plus profondément."_

Clara sentit une boule d'angoisse se former dans son estomac. Les secrets cachés ici étaient bien plus importants qu'elle ne l'avait imaginé. Les documents et les objets dans le coffre semblaient indiquer qu'il y avait un savoir interdit, potentiellement dangereux, et que sa mère et Élise avaient joué un rôle crucial dans sa préservation.

En réfléchissant à tout cela, Clara entendit à nouveau un bruit derrière elle, cette fois-ci plus distinct. Un murmure, comme un chuchotement dans le vent, semblait provenir de l’obscurité. Elle se retourna brusquement, son cœur battant la chamade.

Une silhouette sombre émergea de l'ombre, se rapprochant lentement. Clara sentit la tension atteindre son paroxysme. Était-ce Élise, ou quelqu'un d'autre, venu pour protéger ou dérober ce qu’elle venait de découvrir ? Le moment était venu de faire face à l'inconnu et de découvrir la vérité cachée derrière le mystère du château.

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