Épisode 5

Le point de vue d'Ana

J'ai senti le monde s'écrouler sur moi à l'instant où je l'ai vu.

Lian Hunter.

Ce nom me rendait déjà nerveuse depuis que je l'avais entendu, mais je n'avais jamais pensé que...

Je n'aurais jamais imaginé que ce serait lui. Lui.

L'air dans la salle de conférence est devenu plus épais, plus lourd. Comme si tous les murs se refermaient sur moi et que le sol voulait engloutir mon secret. Mon cœur battait si fort que j'aurais juré que tout le monde pouvait l'entendre.

Il était là, debout devant, avec cette présence imposante, avec ce visage qui, bien que flou dans ma mémoire depuis des mois, apparaissait maintenant avec clarté. Son regard... c'était le même qui m'avait captivée cette nuit-là. Celui qui m'avait fait oublier tout ce qui était juste, tout ce qui était interdit. Le regard qui m'avait emportée sans remède.

Il était l'homme avec qui j'avais passé la nuit la plus déroutante et la plus confuse de ma vie.

L'homme dont je ne me souvenais pas tout à fait... jusqu'à présent.

Et oui, j'en suis sûre. C'est lui. Je l'ai su dès que nos regards se sont croisés. C'était comme si un courant électrique me traversait le corps. Mes mains transpiraient. Mes jambes tremblaient. Je ne sais pas comment j'ai fait pour rester debout.

J'ai été présentée comme si de rien n'était, comme si ce moment ne me déchirait pas la peau de l'intérieur.

Il m'a serré la main, et ce simple contact m'a brûlée.

Ses yeux se sont attardés sur les miens une seconde de plus qu'il ne serait professionnel.

J'ai à peine murmuré :

"Un plaisir..."

J'ai menti. Ce n'était pas un plaisir. C'était un tremblement de terre.

Mon esprit n'arrêtait pas de répéter : Qu'est-ce que je fais maintenant ? M'a-t-il reconnue ? Le sait-il ?

Et puis vint la question la plus importante de toutes :

Est-ce que je lui dis qu'il va être papa ?

Mes jumeaux.

Nos jumeaux.

Il ne le sait pas.

Et je ne suis pas prête à ce qu'il le sache.

Après la présentation officielle, je me suis assise à côté du doyen et nous avons commencé à expliquer la proposition de conception pour la rénovation des espaces publics de la ville. Mes lèvres bougeaient, mes mots sortaient, mais mon esprit n'était pas là. Je ne pouvais m'empêcher de jeter un coup d'œil à Lian toutes les quelques secondes.

Il était attentif, prenait des notes, posait des questions. Tout était très professionnel... trop.

Et s'il ne me reconnaissait pas ?

Cette possibilité m'a donné un peu de répit, mais elle m'a aussi blessée.

Parce que je me souvenais de lui.

Je le sentais.

Et si pour lui, ce n'était qu'une nuit comme une autre ? Une erreur insignifiante ?

Cela me faisait mal de penser que pendant que je portais ce secret, il avait continué sa vie sans savoir qu'il avait laissé une énorme empreinte. Qu'il m'avait laissée avec deux vies qui grandissaient à l'intérieur. Que chaque coup de pied, chaque battement de cœur de ces petits cœurs me rappelait ce qui s'était passé.

J'ai essayé de garder mon calme. J'ai serré les poings sous la table. J'avais besoin de sortir de là avant de craquer.

Lorsque la présentation s'est terminée, tout le monde a commencé à se lever. Le doyen nous a félicités. J'ai hoché la tête, j'ai souri du mieux que j'ai pu, et j'ai lentement rassemblé mes affaires, en espérant que personne ne remarque ma hâte de m'échapper.

Mais au moment où j'allais partir, je l'ai entendu derrière moi.

"Ana Camargo..."

Je me suis arrêtée. J'ai fermé les yeux une seconde. J'ai pris une profonde inspiration. Je me suis retournée.

Il était là. Plus près que je ne l'imaginais.

Sa voix... son accent ferme et élégant, m'a fait frissonner.

"Oui," ai-je répondu, feignant la normalité. "Avez-vous besoin d'autre chose concernant le projet ?"

"Je voulais juste vous féliciter personnellement. Votre proposition est impressionnante."

J'ai cligné des yeux.

"Merci. Ça a été... un effort intense."

Il m'a regardée à nouveau. Ce regard semblait vouloir me percer, chercher quelque chose à l'intérieur de moi.

Cherchait-il aussi des souvenirs ?

Ressentait-il quelque chose...?

Je n'en pouvais plus.

"Est-ce que... nous nous sommes déjà rencontrés ?"

C'était plus fort que moi. La question est sortie toute seule, tremblante, avec la peur.

Lian a plissé les yeux une seconde.

"Je ne sais pas... Votre visage me dit quelque chose. Vous croyez ?"

J'avais envie de mentir. J'avais envie de lui dire non.

Mais je me suis contentée de hocher faiblement la tête.

Il n'a rien dit d'autre. Il s'est contenté de me sourire, et ce sourire était si douloureusement chaleureux qu'il m'a brisée de l'intérieur.

"Peut-être que le destin a fait que nous coïncidions plus d'une fois," a-t-il finalement dit.

Le destin...

Oui. C'est ce qui semblait.

Quand j'ai finalement dit au revoir et que j'ai quitté la pièce, je suis allée directement aux toilettes et je me suis enfermée dans un box. Mes jambes ont cédé et je me suis laissé tomber. Les larmes m'ont envahie sans permission.

Je ne savais pas quoi faire.

Il était là.

Il était réel.

Et il n'avait aucune idée que je portais ses enfants dans mon ventre.

Mes mains se sont posées sur mon abdomen.

"Ne vous inquiétez pas," ai-je murmuré. "Maman va prendre soin de vous. Même si papa ne sait pas encore que vous existez."

Mais à l'intérieur... je n'en étais plus si sûre.

Parce que le destin avait clairement d'autres plans.

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