Le silence feutré de la serre enveloppait tout comme une douce berceuse. Sous la lumière diffuse de la lune et le clapotis discret de la pluie contre les vitres, Mélodie évoluait entre les plantes luxuriantes. Sa robe légère caressait les feuilles au passage, et ses pieds nus effleuraient le sol de pierre. Elle semblait flotter dans cet univers secret, à l'abri des regards, à l'abri du monde.
Matthieu, resté à l’entrée, la contemplait. Il ne comprenait pas pourquoi il l’avait suivie, mais quelque chose en elle l’attirait, irrésistiblement. Ce n’était pas seulement sa grâce, mais aussi cette mélancolie qu’il lisait dans ses yeux. Comme un appel au secours silencieux.
Et soudain, la lumière revint, inondant la serre d’une clarté douce. Mélodie leva les yeux, surprise, et croisa son regard. Elle ne s’attendait pas à le voir là.
— Tu... m’as suivie ? demanda-t-elle, hésitante.
— Je crois que oui, murmura-t-il en s’avançant. Ou peut-être est-ce toi qui m’y as conduit.
Elle détourna les yeux, gênée, et se mit à faire tourner une tige de fleur entre ses doigts.
— Cet endroit est mon refuge, dit-elle. Ici, je n’ai pas besoin de sourire pour faire bonne figure.
— Et pourtant, tu souris plus sincèrement ici que dans toute la soirée, répondit-il en souriant lui-même.
Elle esquissa un rire discret, presque surpris. Il s’approcha doucement, tendit la main, et lui saisit le poignet avec une infinie délicatesse.
— Tu es différente. Et ça se voit.
Le cœur de Mélodie se serra. Elle aurait voulu répondre, mais les mots lui manquaient. Alors, elle tourna lentement sur elle-même, faisant voler les plis de sa robe, et se remit à danser entre les fleurs, comme pour oublier l’instant.
Matthieu, fasciné, ne pouvait détacher ses yeux d’elle.
— Tu danses comme si tu voulais disparaître, dit-il doucement.
— Non… comme si je voulais qu'on me voie enfin.
De l’autre côté, dans l’ombre d’une baie vitrée, Isabelle Darnay observait la scène. Une lueur trouble dans le regard, elle semblait à la fois attendrie et soucieuse. Elle savait reconnaître un lien naissant, même dans le silence.
Pendant ce temps, Aline, agacée par l’absence prolongée de sa sœur, cherchait partout.
— Où est-elle encore passée ? lança-t-elle sèchement.
— Elle doit être au salon, répondit Isabelle, sans quitter des yeux la serre.
Mais déjà, dehors, la pluie reprenait de plus belle. Mélodie, prise par surprise, éclata de rire. Matthieu tendit la main.
— Viens, on va se mouiller !
Ils coururent ensemble à travers les allées, riant comme deux enfants, éclaboussés par l’eau et l’instant.
À peine entrés dans le hall du manoir, un claquement sec déchira l’air.
Clara Valt, le visage dur, venait de gifler sa fille.
— As-tu perdu la tête ? Tu veux voler la vedette à ta sœur ?! s’écria-t-elle.
Matthieu fit un pas en avant, choqué, mais Clara ne s’arrêta pas.
— Tu crois qu’un sourire suffira à effacer ta condition ? Tu dois rester effacée, comme toujours !
Mélodie resta figée, tremblante. Et c’est alors qu’Aline surgit, les yeux brillants de colère.
— Tu crois vraiment que tu peux attirer tous les regards ? Tu n’es qu’une ombre, Mélodie. Une erreur. Une tache sur notre nom !
Matthieu s’interposa, furieux.
— Stop ! Ça suffit maintenant !
Tous se tournèrent vers lui. Sa voix avait claqué comme un coup de tonnerre.
— Vous vous rendez compte de ce que vous dites ? Elle ne mérite pas ça. Elle mérite qu’on la respecte, au moins une fois dans sa vie.
Clara recula d’un pas, surprise. Aline, elle, serra les poings, défaite. Mélodie, les larmes aux yeux, regardait Matthieu avec une reconnaissance muette.
Dans le tumulte des cœurs, un silence s’installa. Il venait de briser quelque chose. Peut-être une habitude. Peut-être une loi tacite. Mais surtout, il venait d’offrir à Mélodie une chose précieuse : sa voix.
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