Les jours passèrent et, contre toute attente, plus rien d’étrange ne se produisit.
Rosette s’en tenait à sa décision : ne plus se mêler de ce qui ne la regardait pas. Elle suivait ses cours, évitait les ennuis et faisait profil bas, espérant que tout finirait par rentrer dans l’ordre.
Orchidée restait une présence constante à ses côtés, toujours aussi énergique et pleine de vie. Grâce à elle, Rosette parvenait à oublier les tensions des premiers jours. Elles déjeunaient ensemble, parlaient de tout et de rien, et parfois Orchidée lui racontait les derniers potins du lycée, même si Rosette n’y prêtait qu’une oreille distraite.
— C’est fou comme ce lycée est rempli de dramas, avait-elle soupiré un jour en refermant son casier.
— Bienvenue à Saint-Célestin ! avait plaisanté Orchidée.
Rosette n’essayait plus de croiser Alex.
Depuis leur dernière altercation, elle faisait tout pour l’éviter. Elle ne cherchait plus son regard, ne passait plus par les endroits où elle savait qu’il traînait souvent, et lorsqu’elle l’apercevait au loin, elle tournait immédiatement les talons.
Il en faisait de même.
Alex agissait comme si elle n’existait pas. Il ne lui adressait plus un seul regard, ne faisait plus attention à elle… comme si leurs rencontres n’avaient jamais eu lieu.
Et c’était tant mieux.
Rosette n’avait pas besoin de plus de complications dans sa vie.
Elle avait trouvé un équilibre dans cette routine discrète.
Et même si une partie d’elle savait que cela ne durerait probablement pas…
Elle s’accrochait à cette trêve silencieuse aussi longtemps que possible.
Rosette était en train de se préparer pour la soirée d’intégration.
Elle n’était toujours pas convaincue d’y aller, mais elle avait promis à Orchidée d’y faire au moins un tour. Alors, elle avait opté pour une tenue sobre mais élégante : un jean noir ajusté, un haut en dentelle discrète et un léger maquillage.
Elle s’observait dans le miroir, ajustant une dernière fois ses cheveux, quand les lumières de son appartement s’éteignirent brusquement.
Un frisson lui parcourut l’échine.
Une coupure de courant ?
Elle fronça les sourcils, tendit la main vers son téléphone sur la table et alluma la lampe torche.
Mais à cet instant précis, quelque chose recouvrit violemment sa tête.
La panique la saisit immédiatement.
Elle se débattit, voulut crier, mais une poigne ferme l’entraîna brutalement vers l’avant. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine.
Elle ne voyait rien, elle n’entendait rien, si ce n’était sa propre respiration affolée et les bruits de pas précipités autour d’elle.
Des inconnus l’embarquèrent dans un véhicule, et la voiture démarra à toute allure.
Elle avait envie de hurler, de demander ce qui se passait, mais la panique lui serrait la gorge.
Après quelques minutes interminables, la voiture s’arrêta enfin.
Elle sentit des mains la saisir et la tirer hors du véhicule, la forçant à avancer sans savoir où elle mettait les pieds.
Puis, soudain, on la jeta dans une pièce, et elle atterrit violemment sur le sol froid.
Un instant plus tard, le sac fut arraché de sa tête.
— SURPRISE !!!
Un cri collectif retentit dans la salle, accompagné d’un vacarme assourdissant de rires et d’applaudissements.
Rosette cligna des yeux, complètement hébétée.
Autour d’elle, des dizaines d’élèves riaient aux éclats, certains tenant leur téléphone pour filmer la scène, d’autres tapant dans leurs mains en s’amusant de sa réaction.
Elle mit quelques secondes à réaliser.
C’était une blague.
Une mise en scène ridicule pour la “bienvenue” des nouveaux.
Mais Rosette ne riait pas.
Elle n’était pas d’humeur à trouver ça drôle.
Son cœur battait encore bien trop vite, ses mains tremblaient légèrement, et elle sentait l’humiliation monter en elle.
Elle pivota lentement et son regard balaya la foule…
Jusqu’à Orchidée.
Son amie riait comme tout le monde.
Ce fut le coup de trop.
Rosette sentit son estomac se nouer.
Elle fit un pas en arrière.
Son mouvement ne passa pas inaperçu. Orchidée s’arrêta aussitôt de rire, réalisant que quelque chose clochait.
— Hey… c’était juste une tradition, Rosette, dit-elle en s’approchant doucement.
Rosette recula encore.
Le silence se fit progressivement autour d’elles.
— Ce n’était qu’une blague, rien de grave, on fait ça chaque année aux nouveaux, expliqua Orchidée, un sourire encore accroché aux lèvres.
— Une blague ? répéta Rosette, la gorge serrée.
— Oui… On voulait juste rigoler.
Rosette serra les poings.
— M’enlever de force ? Me foutre un sac sur la tête ? Me traîner dans une voiture comme si j’étais une prisonnière ? Son ton monta d’un cran malgré elle. Tu trouves ça drôle, Orchidée ?
Orchidée sembla prendre conscience du problème, et son sourire s’effaça légèrement.
— Ce n’était pas méchant… Tu n’as pas à réagir comme ça, franchement.
Rosette ne répondit pas.
Elle jeta un dernier regard à l’assemblée hilare, puis fit demi-tour sans un mot.
Elle quitta la salle sous les murmures surpris des autres élèves.
Elle était venue à cette soirée en espérant s’intégrer, en espérant passer un bon moment…
Et elle venait de comprendre, une fois de plus, que ce lycée n’était pas un endroit comme les autres.
Rosette marchait d’un pas rapide dans la cour, déterminée à quitter cette soirée au plus vite.
Son cœur battait encore sous l’effet de l’adrénaline et de la colère. Comment avaient-ils pu croire que c’était une simple blague ? Elle n’avait jamais ressenti une humiliation aussi forte, et le fait qu’Orchidée en ait ri avec eux lui laissait un goût amer dans la bouche.
Elle accéléra le pas, mais soudain, elle s’arrêta net.
Il était là.
Alex.
Debout sous l’un des réverbères du lycée, les mains dans les poches, son regard perçant braqué sur elle.
Rosette sentit son souffle se bloquer une fraction de seconde.
Avant qu’elle ne puisse réagir, il s’avança lentement vers elle, réduisant la distance entre eux jusqu’à être dangereusement proche.
Sans un mot, il leva la main et effleura doucement ses cheveux.
— Tu devrais te calmer, murmura-t-il.
Sa voix était posée, presque apaisante, mais il y avait toujours cette ombre de menace derrière chaque mot.
— Ce n’était qu’une blague. Mais comme tu prends tout au premier degré, évidemment, tu ne peux pas le voir comme ça…
Rosette serra les dents et recula d’un pas, secouant sa main pour l’éloigner.
— J’ai déjà compris, dit-elle froidement. Ce n’est pas la peine d’en rajouter.
Elle tourna les talons.
— Au revoir.
Mais avant qu’elle ne puisse faire un pas de plus, une poigne ferme attrapa son poignet.
Elle se figea instantanément.
Son regard descendit lentement vers sa main prisonnière dans celle d’Alex.
Il ne serrait pas assez fort pour lui faire mal, mais il n’avait aucune intention de la laisser partir.
— Reste loin des choses qui se passent dans cette école, souffla-t-il, et je suis très sérieux en te disant ça.
Son ton était différent cette fois-ci. Plus grave. Plus pressant.
— C’est mieux pour tout le monde.
Rosette leva les yeux vers lui, et pour la première fois, elle crut percevoir autre chose que de l’arrogance dans son regard.
Quelque chose de plus profond.
Mais elle refusa de se laisser intimider.
Elle retira brusquement son bras de son emprise.
— Je t’ai dit que j’ai compris.
Un silence s’installa entre eux.
Puis Alex pencha légèrement la tête sur le côté et déclara :
— Je vais te ramener.
— Non.
Sa réponse fut instantanée.
Il haussa un sourcil, mais ne la retint pas cette fois.
Elle fit demi-tour et s’éloigna sans se retourner.
Mais même alors qu’elle quittait le lycée, elle sentait encore son regard peser sur elle, comme une présence invisible qui ne voulait pas la lâcher.
De retour chez elle, Rosette se laissa tomber sur son lit, épuisée par les événements de la soirée. Son téléphone vibra, signalant un nouveau message. C’était un texto d’Orchidée, s’excusant sincèrement pour la mauvaise blague et exprimant son regret d’avoir blessé Rosette. Elle expliqua que c’était une tradition de l’école et qu’elle n’avait jamais voulu lui causer de peine.
Rosette fixa l’écran, partagée entre la colère et la tristesse. Elle savait qu’Orchidée ne lui voulait pas de mal, mais l’humiliation ressentie était encore vive. Elle éteignit son téléphone, décidant de réfléchir à sa réponse plus tard.
Les jours suivants, Rosette évita autant que possible Orchidée, prétextant des obligations pour ne pas la croiser. Elle avait besoin de temps pour digérer l’incident et comprendre ses propres sentiments.
Un après-midi, alors qu’elle feuilletait un livre à la bibliothèque, Orchidée apparut devant elle, l’air inquiet.
— Rosette, je suis vraiment désolée pour l’autre soir. Je ne voulais pas te blesser.
Rosette leva les yeux, voyant la sincérité dans le regard de son amie. Elle prit une profonde inspiration.
— Je sais, Orchidée. Mais ça m’a vraiment fait mal. J’ai besoin de temps pour pardonner.
Orchidée hocha la tête, les yeux brillants de larmes.
— Je comprends. Prends tout le temps qu’il te faudra. Je serai là quand tu seras prête.
Rosette esquissa un léger sourire, sentant une partie de sa colère s’estomper. Elle savait que leur amitié était précieuse, mais elle avait besoin de reconstruire la confiance ébranlée par cette mauvaise plaisanterie.
Rosette regarda Orchidée s’éloigner avec un pincement au cœur. Malgré les excuses, une partie d’elle n’arrivait pas encore à tourner la page. Elle se sentait trahie, blessée. Mais elle savait qu’elle finirait par pardonner… un jour.
Elle poussa un long soupir et se replongea dans son livre, cherchant à oublier tout ça.
Mais c’était sans compter sur l’arrivée d’un groupe bruyant dans la bibliothèque.
Un rire moqueur retentit derrière elle, suivi de chuchotements qui n’avaient rien de discret.
— Regardez qui est là !
Rosette sentit un frisson de malaise la parcourir.
Elle releva lentement la tête et tomba sur Sacha et ses amies, qui la fixaient avec un sourire narquois.
— Alors, Rosette ? On t’a bien accueillie au lycée, hein ? ricana une fille aux cheveux ondulés.
— J’ai adoré la vidéo, franchement, quel moment d’anthologie, ajouta une autre avec un sourire en coin.
Sacha, toujours resplendissante et arrogante, croisa les bras et la regarda de haut.
— T’as vu, même Orchidée s’est bien marrée. Tu croyais quoi ? Qu’elle était vraiment ton amie ? Faut arrêter de rêver, ma pauvre.
Le cœur de Rosette se serra.
La vidéo.
Elle n’y avait même pas pensé jusqu’à maintenant, mais évidemment, quelqu’un avait dû filmer la scène.
Elle imaginait déjà les images d’elle paniquée, perdue, humiliée, circulant dans tout le lycée, devenant la risée de tous.
Ses mains se crispèrent sur son livre.
Sacha pencha légèrement la tête, un sourire suffisant aux lèvres.
— Tu ne dis rien ? Tu vas pleurnicher encore, comme une petite victime ?
Là, c’en fut trop.
Rosette ferma son livre d’un coup sec et se leva brusquement, faisant sursauter les filles.
Les murmures cessèrent dans la bibliothèque.
Elle posa calmement son livre sur la table et avança d’un pas assuré vers Sacha, réduisant drastiquement la distance entre elles.
— T’as fini ? demanda-t-elle d’un ton glacial.
Sacha cligna des yeux, surprise par ce changement d’attitude.
Rosette, d’habitude si effacée et discrète, se dressait maintenant face à elle, son regard brûlant de défi.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? balbutia l’une des filles.
— J’en ai assez.
Sa voix était calme, presque dangereuse.
— Je ne suis pas votre jouet. Vous vous êtes bien amusées ? Tant mieux. Mais maintenant, c’est terminé.
Sacha rit nerveusement.
— Oh, mais regardez-moi ça, la petite souris a du mordant.
— Ce n’est pas du mordant, c’est du respect.
Rosette avança encore, obligeant Sacha à reculer d’un pas.
— Tu passes ton temps à essayer de me ridiculiser, mais au fond, c’est quoi ton problème ? T’as peur de moi ?
Les amies de Sacha échangeaient des regards hésitants.
— Moi, peur de toi ? Tu délires.
— Alors pourquoi tu fais tout ça ? Rosette haussa un sourcil. Si je ne suis qu’une “pauvre fille”, pourquoi tu perds autant de temps à m’attaquer ?
Sacha ouvrit la bouche, mais aucun mot ne sortit.
Un silence pesant s’installa.
Puis, doucement, Rosette esquissa un sourire en coin.
— C’est ce que je pensais.
Elle se retourna et prit son sac sans un mot de plus, ignorant les murmures gênés des autres filles.
Alors qu’elle passait à côté de Sacha, elle s’arrêta juste un instant, et lui souffla à voix basse :
— Tu ne me fais pas peur.
Puis elle quitta la bibliothèque, laissant Sacha et son groupe en plan, sans leur accorder un seul regard de plus
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