Rosette referma doucement la porte de son appartement, laissant échapper un soupir. Quelle journée étrange… Entre le vigile qui lui avait fait une mise en garde énigmatique et Alex qui lui avait littéralement ordonné de rentrer chez elle, elle avait l’impression que ce lycée cachait bien plus de mystères qu’il n’y paraissait.
Elle secoua la tête et sortit son téléphone. Mieux valait penser à autre chose.
Après quelques secondes d’hésitation, elle appela sa mère.
— Ma chérie ! répondit une voix douce à l’autre bout du fil. Alors, cette première journée ?
Rosette s’efforça de sourire, même si sa mère ne pouvait pas la voir.
— Ça s’est bien passé. Les profs sont stricts, mais intéressants. J’ai rencontré quelques élèves sympas… et d’autres un peu moins.
Sa mère rit doucement.
— C’est normal, tu es encore nouvelle. Tu finiras par trouver ta place.
Elles continuèrent à parler pendant un moment, échangeant des nouvelles sur tout et rien. Rosette se garda bien de mentionner les événements étranges de la journée. Elle ne voulait pas inquiéter sa mère inutilement, surtout si ce n’était que le fruit de son imagination.
— Bon, je vais te laisser te reposer, ma chérie. Ne veille pas trop tard !
— Promis, murmura Rosette.
Elle raccrocha, puis s’allongea sur son lit, fixant le plafond.
Une partie d’elle voulait oublier tout ce qui s’était passé. Reprendre une routine normale, ne plus se poser de questions.
Mais une autre partie… voulait comprendre.
Son esprit finit par sombrer dans le sommeil, bercé par l’étrange mélange d’inquiétude et de curiosité.
Le lendemain matin, après s’être levée à l’heure cette fois-ci, Rosette arriva au lycée un peu plus confiante. Aujourd’hui, elle se promit de ne pas attirer l’attention. Juste passer une journée normale, comme n’importe quelle autre élève.
Mais son vœu fut brisé dès son arrivée.
Alors qu’elle traversait la cour, son regard croisa celui d’Alex, qui se trouvait non loin d’elle, adossé contre un mur, les mains dans les poches. Il était seul, comme d’habitude.
Se rappelant leur rencontre de la veille, elle hésita, puis se décida à le saluer.
— Salut.
Alex ne broncha pas.
Il ne tourna même pas la tête vers elle.
Comme si elle n’existait pas.
Rosette resta figée une seconde, un peu prise de court par cette indifférence glaciale. Mais avant qu’elle n’ait le temps de réagir, un éclat de rire moqueur s’éleva derrière elle.
— Oh là là, la pauvre ! Elle pensait vraiment qu’Alex allait lui répondre ?
Rosette se retourna, tombant nez à nez avec un groupe de filles.
Elles étaient trois, perchées sur des talons impeccables malgré l’uniforme scolaire, maquillées avec soin, et le regard pétillant de méchanceté.
Et au centre du groupe se tenait une fille
Grande, blonde, des yeux bleus perçants et un sourire suffisant, elle dégageait une énergie à la fois éclatante et insupportable. Elle portait sa popularité comme une couronne invisible, et son regard sur Rosette était celui d’une reine méprisant une servante.
— Tu ferais mieux d’éviter de perdre ton temps, la nouvelle, ajouta-t-elle avec un sourire carnassier. Alex ne parle pas aux filles comme toi, je m’appelle Sacha et je suis là petite amie D’Alex
Rosette sentit ses joues chauffer sous la colère et l’embarras.
Sacha passa à côté d’elle avec un air faussement innocent… mais au dernier moment, elle lui donna un coup d’épaule volontairement appuyé, la faisant reculer d’un pas.
— Oups ! Désolée, je ne t’avais pas vue, dit-elle avec un sourire qui ne laissait aucun doute sur son intention.
Ses amies ricanèrent tandis qu’elles s’éloignaient.
Rosette serra les poings.
Elle sentit un regard peser sur elle et se tourna légèrement. Alex n’avait pas bougé. Il était toujours adossé au mur, comme si de rien n’était.
Et il ne l’avait toujours pas regardée.
C’était officiel.
Elle détestait cette école.
Rosette ne répondit rien. Pas un mot, pas un regard. Elle se contenta de serrer son sac contre elle et de marcher droit devant, se dirigeant vers sa classe avec une expression neutre.
Elle refusait de leur donner cette satisfaction.
Elle ne leur montrerait pas qu’elles l’avaient touchée.
Mais au fond d’elle, elle bouillonnait. Pas seulement à cause de Sacha et de ses amies, mais surtout… à cause d’Alex.
Pourquoi m’avoir parlé hier si c’était pour m’ignorer aujourd’hui ?
Elle chassa cette pensée et accéléra le pas.
— Hey, attends-moi !
Une silhouette familière la rattrapa. Orchidée.
Rosette savait qu’elle avait assisté à la scène. Et elle savait aussi que son amie n’était pas du genre à rester silencieuse face à ce genre d’injustice.
— T’as vu comment elles t’ont traitée ? fulmina Orchidée en marchant à ses côtés. Ces pestes se croient tout permis sous prétexte qu’elles gravitent autour d’Alex.
Rosette ne répondit rien.
— Non mais sérieux, je vais leur faire regretter ça. Orchidée serra les poings. Sacha pense qu’elle est intouchable, mais je te jure que je vais lui donner une bonne leçon !
Rosette s’arrêta un instant et soupira.
— Ce n’est pas la peine.
— Comment ça, ce n’est pas la peine ? s’indigna Orchidée. Tu vas juste laisser passer ça ?!
— Ce n’est pas important.
Orchidée la regarda avec de grands yeux, comme si elle ne comprenait pas comment Rosette pouvait être aussi calme après ce qui venait de se passer.
Mais ce n’était pas de la résignation.
Rosette avait juste appris à ne pas gaspiller son énergie sur des choses qui n’en valaient pas la peine.
Elle jeta un regard vers la porte de la salle de classe qui se dessinait au bout du couloir.
— Viens, on va être en retard.
Orchidée grogna, clairement frustrée, mais finit par suivre Rosette sans insister davantage.
Elles entrèrent en classe.
Et même si Rosette essayait d’ignorer tout ça, une pensée lui restait en tête.
Alex.
Pourquoi lui avait-il parlé comme s’il voulait la protéger hier, pour aujourd’hui faire comme si elle n’existait pas ?
La fin de la journée arriva plus vite que Rosette ne l’aurait cru. Malgré les cours et les discussions avec Orchidée, une seule pensée l’obsédait : elle devait continuer ce qu’elle avait commencé.
Hier, elle avait été interrompue. Aujourd’hui, elle irait jusqu’au bout.
Elle attendit que la majorité des élèves quittent l’établissement. Puis, d’un pas décidé, elle s’éloigna de l’entrée principale et se dirigea vers l’un des bâtiments moins fréquentés.
Mais à peine eut-elle tourné au coin d’un couloir qu’une main surgit de nulle part et l’agrippa violemment.
Avant même qu’elle ne comprenne ce qui lui arrivait, une autre main se plaqua fermement sur sa bouche.
Son cœur explosa dans sa poitrine.
Elle tenta aussitôt de se débattre, les ongles cherchant à griffer la peau de son assaillant, les pieds frappant le sol dans l’espoir de s’échapper. Mais l’emprise était forte, implacable.
— Arrête de te débattre.
Une voix grave, glaciale.
Alex.
Rosette sentit un frisson d’adrénaline la traverser.
Elle redoubla d’efforts pour se libérer, frappant de toutes ses forces contre son torse, jusqu’à ce qu’il la lâche enfin.
Elle recula précipitamment, essoufflée, les yeux agrandis par la panique.
— Tu es complètement malade ?! s’étrangla-t-elle.
Alex ne répondit pas immédiatement. Il la fixa intensément, son regard noir chargé d’une tension électrique.
— Je t’avais prévenue.
Son ton était bas, menaçant.
— Prévenue de quoi ? répliqua Rosette, la colère prenant le pas sur sa peur.
— De ne pas traîner ici.
Elle le fixa avec incrédulité.
— Tu crois que tu peux juste… m’attraper comme ça et m’empêcher d’aller où je veux ?
Elle sentit son souffle court, son cœur tambouriner dans sa poitrine, mais elle ne recula pas.
— Tu ne comprends pas ce qui se passe ici.
— Alors explique-moi.
Un silence pesant s’installa entre eux.
Alex la scrutait, comme s’il hésitait entre lui dire la vérité ou la faire fuir une bonne fois pour toutes.
Finalement, il soupira et recula légèrement.
— Fais ce que tu veux. Mais ne viens pas pleurer quand il sera trop tard.
Rosette sentit la rage l’envahir.
— Tu sais quoi ? Ce matin, tu as fait comme si je n’existais pas. Continue comme ça et laisse-moi tranquille.
Sans attendre sa réponse, elle tourna les talons et s’éloigna à grands pas.
Elle voulait juste sortir d’ici, respirer l’air frais, mettre le plus de distance possible entre elle et lui.
Mais alors qu’elle franchissait les grilles du lycée pour rentrer chez elle, une chose était certaine : Alex cachait quelque chose.
Et quoi que ce soit…
Ça la concernait désormais.
Rosette marcha d’un pas rapide, les épaules tendues et les poings serrés. L’air frais du soir n’arrivait pas à calmer les battements affolés de son cœur.
Il est malade… complètement malade.
Elle avait encore la sensation de ses doigts autour de son bras, de sa main plaquée contre sa bouche. Un frisson la parcourut.
Pourquoi Alex avait-il réagi comme ça ? Qu’essayait-il de lui cacher ?
Elle resserra son écharpe autour de son cou et accéléra le pas.
Les rues de Grandisbourg étaient calmes à cette heure-ci, bercées par le murmure du vent et le clignotement discret des lampadaires. Son appartement n’était plus très loin.
Mais alors qu’elle avançait, une étrange sensation l’envahit.
Comme si on l’observait.
Elle s’arrêta net et jeta un coup d’œil derrière elle.
Rien.
Les trottoirs étaient vides, les maisons silencieuses.
Elle serra son sac contre elle et reprit sa marche. Peut-être que la peur et la fatigue jouaient avec son esprit.
Mais à peine eut-elle fait quelques pas qu’un bruit retentit.
Un frôlement.
Léger. Presque imperceptible.
Elle s’immobilisa à nouveau. Cette fois, elle était sûre de ne pas avoir rêvé.
Elle déglutit et tourna lentement la tête.
Toujours rien.
Mais son instinct lui hurlait que quelque chose n’allait pas.
Elle pressa le pas, presque en courant jusqu’à son immeuble. Lorsqu’elle atteignit enfin l’entrée, elle tapa son code frénétiquement et poussa la porte vitrée, le souffle court.
Dès qu’elle fut à l’intérieur, elle la referma derrière elle et jeta un dernier coup d’œil dehors.
La rue était toujours vide.
Mais l’oppression dans son ventre ne disparaissait pas.
Elle monta les escaliers quatre à quatre et s’enferma dans son appartement.
Le silence était pesant. Trop pesant.
Elle inspira profondément, essayant de calmer sa respiration.
Ce n’était rien. Juste son imagination.
Elle s’efforça de reprendre ses esprits et alla se préparer pour la nuit. Mais alors qu’elle se glissait sous ses draps, elle ne put s’empêcher de penser à Alex.
À sa menace.
À sa mise en garde.
Et à cette sensation d’être suivie…
Ce n’était peut-être pas qu’une impression.
Rosette s’allongea sur son lit sans même allumer la lumière. Son corps était épuisé, vidé de toute énergie. D’habitude, elle prenait toujours le temps de dîner en rentrant, mais ce soir… l’appétit lui manquait.
Son esprit était trop agité.
Elle repensa à Alex, à la façon dont il l’avait attrapée, à ses paroles menaçantes. Puis à cette sensation étrange qui l’avait suivie jusque chez elle.
Elle se disait que c’était sûrement la fatigue qui lui jouait des tours… mais une part d’elle n’en était pas si sûre.
Elle ferma les yeux.
Son corps était lourd, et pourtant, son esprit restait en alerte.
Le silence de son appartement lui semblait oppressant.
Puis, sans qu’elle ne s’en rende compte, le sommeil l’engloutit.
Mais ce ne fut pas un sommeil paisible.
Des ombres dansaient dans son esprit. Des formes indistinctes, mouvantes, qui l’appelaient sans bruit.
Elle se trouvait dans un couloir sombre, long, interminable. Elle avançait, ses pas résonnaient dans le vide.
Puis une silhouette apparut devant elle.
Alex.
Il était debout, immobile, son visage caché par l’obscurité.
— Tu n’aurais pas dû venir ici.
Sa voix résonna comme un écho lointain.
Soudain, le sol sous elle se déroba, et une sensation de chute la submergea.
Elle hurla—
Et se réveilla en sursaut.
Sa chambre était plongée dans la pénombre.
Son souffle était court, son front couvert de sueur froide.
Un rêve. Juste un rêve.
Mais en reprenant son souffle, un détail lui glaça le sang.
La porte de son appartement…
Elle était fermée quand elle s’était couchée.
Mais maintenant, elle était entrebâillée.
A suivre
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