Dieu, quel tourment pour lui que de quitter son royaume ! Pourtant, le décès de son vénéré oncle l'astreignait à ce voyage.
Edwin III était contraint de se rendre à la cour impériale, une obligation à laquelle il ne pouvait se soustraire. Ne pouvait-il s'en remettre à l'un de ses généraux ou à un ministre de confiance ? Non, cela lui était impossible ; l’empereur ne verrait en cela qu’un affront. Les prétextes dus à sa jeunesse ne pourraient donc plus le sauver cette fois. L’impératif d’honorer ses devoirs royaux pesait sur ses épaules et il le sentait comme un poids écrasant.
Eldorie, un des douze royaumes sous la suzeraineté de l’Empire Terramere, était contraint par la tradition. Chaque année, les monarques des douze royaumes étaient tenus de se rendre au palais de l’empereur pour prendre part au rituel de l’Hommage. Cette cérémonie antique incarnait la loyauté et le respect que les rois conféraient à leur empereur, symbolisant ainsi l’unité indéfectible des royaumes au sein du grand empire Terramere. Le point d’orgue de cette rencontre festive se tenait lors du banquet du Renouveau, qui avait lieu le premier jour du printemps – une date empreinte de symboles et revêtant une importance majeure pour les peuples de Terramere.
Ce jour sacré promettait un nouveau commencement, marquant la fin des rigueurs hivernales et célébrant le renouveau vibrant de la vie.
Au cours du banquet, chaque royaume devait présenter ses offrandes à l’empereur ; ces présentes prenaient diverses formes : richesses, ressources naturelles, allégeances humaines matérialisées par des esclaves ou même des membres bien-aimés de leur propre lignée. Ancrée dans les traditions depuis plusieurs siècles, cette pratique était souvent perçue comme un acte d’humilité et de soumission ; un acte ancestral escamotant la liberté même des rois. Ce rituel mosaïqué d’histoires était interprété par beaucoup comme une lâche soumission envers le pouvoir impérial.
Il n'était donc guère surprenant que les rois des douze royaumes perçoivent avec vive réticence cette obligation de rendre hommage à l'empereur, bon nombre d’entre eux nourrissaient méfiance et rancœur envers le pouvoir impérial.
Cependant, en tant que souverains vassaux soumis aux règles imposées par Terramere, ils se trouvaient contraints d’honorer cette tradition séculaire afin de préserver la paix et l’harmonie nécessaires au sein du vaste empire.
Eldorie n’échappait point à cette dure réalité. La seule chose qu'Edwin III avait en commun avec son père demeurait cette haine ardente qu'ils nourrissaient tous les deux envers l'empire. Chaque maudite année, il voyait son royaume dépouillé d’une moitié considérable de sa richesse au profit des caisses impériales. Pendant le long règne d’Edwin II, c’étaient même leurs propres sujets qui avaient été envoyés prendre place sous le joug impérial.
Après la disparition tant espérée d'Edwin II, Alexander mit un terme à l'envoi incessant de ses sujets vers l'Empire, où ils étaient – comme tant d'autres – traités avec une cruauté inouïe, à peine meilleurs que des esclaves de guerre. L'empereur vint à nourrir une profonde animosité pour Eldorie en raison de cet affront. Maximus IV caressait le rêve de se débarrasser d'eux. Néanmoins, il manquait à cet homme de pouvoir à la fois le motif et le courage nécessaires pour réaliser une telle entreprise. Car, parmi les douze royaumes, Eldorie se distinguait comme l’un des trois plus riches et des plus puissants, tant sur le plan militaire qu'économique, une grandeur qu’il convenait d’attribuer au seigneur duc.
Même sous le règne du roi Edwin II, alors que le royaume traversait des crises financières sans précédent, cet État demeurait inviolé grâce à la sagesse stratégique de cet homme noble. Affronter une telle force armée sans un plan élaboré serait une témérité des plus déraisonnables. Et bien que, grâce au prince impérial, nul parmi les douze royaumes ne put prétendre rivaliser avec la suprématie de l’empire Terramere, le respect et la crainte à l'égard d'Eldorie demeuraient intacts.
Il était parvenu aux oreilles d'Alexander, par la subtilité des murmures et les ombres des intrigues, que les onze autres monarques, dont la convoitise ne connaissait guère de bornes, entretenaient l'ambition sournoise de le destituer ou, tout du moins, de faire de lui leur pantin. Cela dit, ils demeuraient parfaitement conscients de l’impossibilité d’une telle entreprise – enfin, les plus futés l'étaient en tout cas. En tant que benjamin parmi les douze souverains, Alexander, dans sa splendeur juvénile, suscitait à la fois déloyauté et admiration parmi certains, tandis que d'autres ne cachaient pas leur jalousie. L’Aurelion, sous la conduite de Galen V, n’occupait que la seconde place en matière de jeunesse ; le roi d’Aurelion avait trente-cinq ans quand Alexander n'en comptait à peine une vingtaine. Le jeune roi était perçu comme une proie facile et considéré comme un atout potentiel par ces conspirateurs qui espéraient l’utiliser ou envoyer leurs émissaires déguisés au sein de son cercle restreint. Ces derniers joueraient ainsi le double jeu d’une loyauté feinte. La vicomtesse était un parfait exemple de cette perfidie.
Des murmures savoureux s'élevaient tel un souffle léger parmi les autres souverains et leurs vassaux, évoquant avec une verve délicieuse l'opportunité de marier leur fille, en tant que seconde ou même troisième épouse, au jeune roi. Cette manigance serait, selon leurs calculs astucieux, le moyen idéal de tisser un fil d'influence sur l'ensemble du royaume, convaincus que, d'après les rumeurs, Edwin III n'était pas seulement fort jeune, mais également d'une naïveté désarmante.
Mais que ceux qui ignorent la vérité se gardent de penser qu'il est encore le tendre enfant-roi des jours passés.
Son oncle l’avait éduqué tel un aigle royal, le forgeant et le préparant avec une minutie inégalée à sa destinée. Alexander n'était pas simplement un roi ; il incarnait l'essence même de la royauté. Nul autre que lui ne peut prétendre à ce titre avec tant de légitimité, tant il alliait en son être les vertus du guerrier accompli à la sagacité du stratège éclairé. À l'opposé de ces usurpateurs de trône, ces soi-disant souverains qui se vautrent dans leur propre ignorance tout en trônant fièrement sous le poids d'une couronne, Alexander se dressait, fier et puissant. Il était un hommage à la véritable noblesse, une incarnation du pouvoir juste et éclairé.
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