DEMONS GENESIS

DEMONS GENESIS

La malédiction du croque-mort

Autrefois, les dieux régnaient sur le monde des hommes, silhouettes colossales drapées d’éclats d’or et de flammes célestes. Leurs voix, tonitruantes comme l’orage, résonnaient à travers les cieux, imposant leur volonté d’un simple murmure, capable de briser des empires ou de remodeler les océans. Leur lumière dévorait l’obscurité, éclipsant jusqu’aux étoiles. Nul ne pouvait s’opposer à eux. Les rois se courbaient, les peuples tremblaient, et les prières s’élevaient sans jamais obtenir de réponse.

Pourtant, dans l’ombre de leur gloire, il existait des âmes brisées, des vestiges de leur cruauté. Parmi ces âmes-là, il y avait Naël. Un enfant née sous un ciel brisé.

La nuit où il vint au monde, le ciel se déchira. Des éclairs serpentaient parmi les nuages tourmentés, illuminant par instants un paysage noyé sous la pluie. Une cabane de bois se dressait en bordure d’un village silencieux, son toit croulant sous le poids des ans. À l’intérieur, un cri déchira l’air, suivi d’un souffle qui ne reviendrait jamais.

Naël naquit dans le sang et la solitude. Sa mère, les yeux grands ouverts vers un plafond qu’elle ne verrait plus jamais, s’était éteinte en lui donnant la vie. La sage-femme recula d’un pas, le visage blême.

— Les dieux l’ont marqué… murmura-t-elle.

Sur son torse, une cicatrice qu’il n’avait jamais reçue formait un étrange symbole : la marque du Croque-Mort. Une malédiction ancienne, un présage funeste. Ceux qui s’approchaient de lui tombaient sous une fatalité inéluctable : sept jours après l’avoir touché, la mort venait les réclamer.

Son père refusa de le prendre dans ses bras. Sa sœur aînée détourna le regard. La peur s’installa, insidieuse, venimeuse.

Les jours passèrent. Puis les semaines. Un matin, son père fut retrouvé sans vie, figé dans une expression de terreur. Sept jours après, sa sœur s’effondra à son tour. À quatre ans à peine, Naël était seul.

Les villageois le redoutaient, l’évitant comme un spectre porteur de malheur. Le vent soufflait sur les rues désertées lorsqu’il marchait, enfant frêle aux yeux d’un noir trop profond. Il ne pleurait pas. Il ne comprenait pas.

Un soir, alors que les flocons recouvraient la terre d’un linceul blanc, une silhouette apparut à la lisière des bois. Drapée dans un manteau sombre, elle le fixa un instant avant de tendre une main vers lui.

— Tu n’es pas le seul à être damné, enfant. Viens avec moi.

Ses yeux, d’un vert éteint, portaient le poids des âges. Elle était Hiyyih, la sorcière des bois. Une femme dont la légende murmurait qu’elle ne pouvait mourir, condamnée à errer éternellement entre les âmes qu’elle voyait disparaître.

Elle l’emmena loin du village, loin des regards terrifiés. Sa demeure, enfouie sous une mer de racines et de branches tordues, semblait être un sanctuaire oublié. L’intérieur était silencieux, baigné dans la lumière vacillante des bougies.

— Ta malédiction est celle de la mort. La mienne est celle de la vie. Nous sommes un paradoxe, toi et moi.

Elle l’éleva dans cette dualité, l’initiant aux secrets de l’invisible, aux murmures des âmes. Il apprit à comprendre la frontière ténue entre les vivants et les morts.

11 longue années c'étaient écoulées depuis.

La nuit tombait lentement, peignant le ciel de teintes sanglantes et d'ombres inquiétantes. Dans la forêt, le silence régnait, seulement troublé par le bruissement du vent à travers les feuilles. Mais même ici, sous l’abri des arbres noueux, Naël ne trouvait aucun répit.

La peur ne l’avait jamais quitté. C’était une présence constante, tapie dans son esprit comme une ombre insidieuse. Il savait que tout ce qu’il touchait était condamné, qu’un jour, même Hiyyih, avec son regard patient et ses gestes bienveillants, pourrait succomber à sa malédiction.

Ce soir-là, alors que le soleil mourant projetait une lumière dorée sur la canopée, un grondement lointain troubla la tranquillité des bois. D’abord un cri. Puis un autre. Et soudain, un hurlement collectif, porté par un vent chargé de cendres.

Naël s’arrêta net, le cœur battant. Il grimpa sur un rocher moussu et plissa les yeux vers l’horizon. Au-delà des arbres, le village brûlait. Les flammes s’élevaient haut, dansant comme des spectres affamés sur les toits effondrés. Des silhouettes couraient dans le chaos, certaines fuyant, d’autres s’écroulant sous des lames invisibles.

Puis vint la voix, stridente et accusatrice.

— C’est lui ! Ce monstre !

Naël tourna la tête. Une vieille femme, au visage creusé par les âges, le pointait d’un doigt tremblant. Autour d’elle, les villageois s’étaient rassemblés, leurs visages déformés par la peur et la haine.

— Partout où il va, la mort le suit !

— C’est sa faute, il a appelé cette malédiction sur nous !

Le souffle court, Naël recula d’un pas.

— Non… Ce n’est pas moi…

Mais il savait que les mots étaient inutiles. Il les avait déjà entendus mille fois.

Il courut. Il s’enfonça dans les ruelles en flammes, ses pieds nus frappant la terre brûlante. L’air était saturé de cendres, irrespirable. Autour de lui, des corps gisaient, l’acier ayant fait son office.

Puis il le vit.

Au centre du village, là où se dressait l’arbre sacré aux racines millénaires, une silhouette se tenait immobile. Un jeune homme, d’une beauté irréelle.

Il était vêtu d’une tunique blanche immaculée, malgré la poussière et le sang qui imprégnaient l’air autour de lui. Ses cheveux, d’un blond éthéré, semblaient capter la lumière des flammes, et ses yeux… ses yeux brillaient d’un or incandescent, comme deux fragments de soleil figés dans la nuit.

Mais ce n’étaient pas ces détails qui figeaient Naël sur place.

C’étaient ses ailes.

Deux immenses ailes, d’un blanc pur, s’étendaient derrière lui, se mouvant lentement comme des voiles célestes. Elles étaient si grandes qu’elles semblaient déchirer le ciel lui-même, projetant des ombres mouvantes sur les ruines embrasées.

Naël sentit son souffle se bloquer.

— Une divinité… murmura-t-il, les lèvres tremblantes. Tu es un fils des dieux, n’est-ce pas ? C'est toi qui est responsable de tout ça !

L’être tourna lentement son regard vers lui. Ses yeux dorés le scrutèrent, insondables. Puis, un sourire se dessina sur ses lèvres. Un sourire froid. Lointain.

— Tu sais, petit mortel…Sa voix était douce, presque apaisante, mais portait une autorité terrifiante. Les dieux ne se font pas accuser de massacre.

Naël sentit un frisson glacé lui parcourir l’échine.

Ce n’était pas un ange venu sauver le village.

C’était le bourreau.

L’air autour de Naël trembla. Une chaleur incandescente, vivante, parcourut son corps comme un feu rampant sous sa peau. Son cœur battait à tout rompre, martelant ses côtes dans un mélange de peur et d’excitation. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Quelque chose en lui s’éveillait, quelque chose d’ancien, de primitif.

Et alors, sans pouvoir se contrôler, il se jeta sur le dieu.

Son corps bougea avant même que son esprit ne le décide. Ses muscles se contractèrent, sa vision se brouilla dans une obscurité mouvante. Ce n’était pas lui qui attaquait… c’était autre chose. Une force tapie au plus profond de son être, une bête qui venait d’être libérée de ses chaînes.

L’être divin, pourtant majestueux, n’eut même pas le temps de réagir.

Il voulut parler, lever la main, peut-être invoquer la lumière céleste pour anéantir cette aberration qui osait le toucher… mais il n’en eut pas l’occasion.

Naël le dévora.

Ses doigts s’enfoncèrent dans la chair du dieu comme dans de la cendre brûlante. Son corps se disloqua sous une force invisible, absorbé, dissous, aspiré dans l’abîme qu’était devenu Naël. L’énergie divine coula dans sa gorge, brûlante et glacée à la fois, un nectar interdit qui ne lui était pas destiné.

Le goût du divin fut comme un gouffre béant s’ouvrant sous ses pieds. Il s’attendait à être consumé, à être anéanti sur-le-champ. Mais il ne ressentit rien. Rien… si ce n’est un vide abyssal.

Il tomba à genoux, les mains tremblantes. Son souffle était saccadé, ses membres parcourus de spasmes incontrôlables.

Puis, lentement, il leva les yeux vers ses propres paumes.

Elles étaient noires.

Pas une noirceur ordinaire, mais une obscurité mouvante, vivante, comme si l’ombre elle-même s’était lovée dans sa peau. Des veines sombres ainsi que des ailes noires pulsaient sous sa chair, irradiant une lueur spectrale.

Et ses pensées…

Elles n’étaient plus les mêmes.

Tout ce qui lui semblait autrefois flou, incertain, lui apparaissait maintenant avec une clarté effrayante. Chaque détail, chaque mouvement de l’air, chaque bruissement des flammes autour de lui… il percevait tout, comme si son esprit s’était déployé au-delà de lui-même.

Il entendit une voix. Non… pas une voix. Un murmure. Un écho qui vibrait à l’intérieur de son âme.

Le Voyageur.

Il ne savait pas d’où venait ce nom, mais il sut instinctivement qu’il lui appartenait désormais. Il n’était plus un simple enfant maudit. Il n’était plus même humain. Il était devenu quelque chose d’autre.

Et tandis que les flammes du village mouraient doucement sous la cendre, la première graine du démon venait de germer.

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