Les yeux baignés de larmes, l’enfant fixa Julz avec un mélange de peur, de douleur et d’une étrange détermination. Sa petite voix tremblait.
— J’ai…
— Hum ? fit Julz en inclinant légèrement la tête.
— Je n’ai pas le choix. Je dois sauver la vie de mon frère et de ma mère.
Julz écarquilla les yeux, saisie par la déclaration.
(Quoi !?) pensa-t-elle, surprise.
Le visage de la fillette était ravagé par le désespoir. Julz, en croisant son regard, y lut une sincérité bouleversante. Elle comprit aussitôt que l’enfant ne mentait pas.
(Elle dit la vérité…)
Elle annula le sort qui la maintenait prisonnière. Puis, s’approchant doucement, elle lui demanda d’une voix posée :
— Raconte-moi tout.
L’enfant hocha lentement la tête. Ses épaules frêles tremblaient, mais elle rassembla son courage pour parler.
— Ils sont très malades… Ma mère, mon frère et moi… on a été vendus… comme esclaves… dans un grand magasin.
Julz resta figée un instant, choquée par l’horreur de ce qu’elle venait d’entendre. Son cœur se serra, sa colère monta.
(Des esclaves… Voilà pourquoi elle a ces marques sur le corps…)
— L’homme qui nous a pris… il nous faisait travailler contre un toit et un peu de nourriture. Mais un jour, ma mère est tombée malade… très malade. Il a dit qu’elle ne lui servait plus à rien… et il l’a mise dehors.
Non loin de là, deux hommes, jusqu’alors silencieux, furent pris d’indignation.
— Quelle cruauté ! lâcha le premier.
L’enfant poursuivit, sa voix brisée par l’émotion :
— Mon frère et moi… on a veillé sur elle. Mon frère a utilisé sa magie pour la soigner, mais… il en a trop fait. Il est tombé malade, lui aussi. Alors j’ai voulu retourner voir cet homme… pour demander de l’aide. Mais il a refusé.
Julz comprit tout à coup.
— C’est pour ça que tu as pris son argent, n’est-ce pas ?
L’enfant leva vers elle un regard stupéfait. Julz, avec une certaine douceur, confirma ce qu’elle avait deviné.
— Il n’y avait qu’un seul sac dans ta capuche.
— Oh… fit l’un des hommes, surpris.
L’enfant baissa les yeux, honteuse.
— Oui… c’est pour ça que je l’ai volé, mais…
— Je comprends, répondit Julz simplement.
La petite ouvrit la bouche, mais un bruit derrière eux la fit sursauter. Une voix forte et froide résonna.
— Enfin, je t’ai retrouvée, petite voleuse.
L’enfant se figea. Son visage se glaça d’effroi, et elle murmura d’une voix à peine audible :
— Mon… Monsieur…
Julz sentit la peur irradier de l’enfant comme une onde glacée. Elle se tourna lentement vers l’homme qui s’approchait. Dans ses yeux à elle, un éclat dur venait de naître.
(C’est lui…)
Le marchand s’avança, le regard mauvais.
— Sale voleuse. Je vais te donner une leçon.
Il aperçut Julz et la salua d’un ton sec :
— Merci de l’avoir arrêtée. Mais je vais m’occuper de cette affaire, maintenant…
Julz le coupa, sèche comme la lame d’un couteau.
— Je suis désolée, mais je pense qu’il y a un malentendu. Personne ne touchera à un seul cheveu de cette enfant.
Le marchand haussa les sourcils, surpris par son ton.
— Et vous êtes qui, pour me parler comme ça ? Vous n’avez aucun droit ici.
— Je ne suis pas en train de négocier. Si vous osez poser la main sur elle… vous le regretterez.
Il plissa les yeux, puis éclata de rire.
— Tu me menaces ? Tu crois vraiment que tu peux m’arrêter ?
— Ce ne sont pas des menaces, répondit Julz. C’est une promesse. Reculez.
— Pourquoi tu la défends ? Elle est à moi. Une esclave ! Et elle m’a volé de l’argent !
Julz plongea une main dans la capuche de la petite et en sortit le sac. Elle le lança vers le marchand, qui l’attrapa avec avidité.
— Prenez-le.
Il compta l’argent à toute vitesse, mais son visage trahit sa déception.
— Et l’enfant ? Je vous rappelle que je l’ai achetée. Elle m’appartient toujours.
Julz fit un pas vers lui. Son regard s’était glacé comme l’acier.
— Le jour où vous l’avez abandonnée, vous avez perdu tout droit sur elle.
Furieux, le marchand serra les poings.
— Sale petite morveuse ! Elle est à moi, et je vais…
Il n’eut pas le temps de finir. L’enfant, terrorisée, s’était cachée derrière Julz. Celle-ci leva une main, paume ouverte. Un léger souffle magique se fit sentir. Les hommes du marchand, prêts à intervenir, furent aussitôt repoussés violemment en arrière, comme balayés par une force invisible.
— Quoi… !? s’écria le marchand, médusé.
Julz s’avança, son aura magique emplissant l’air autour d’elle.
— Je déteste qu’on me défie. Et je ne tolère pas les gens comme vous.
Le marchand recula d’un pas.
— Tu es… une sorcière ?
Julz tendit un doigt. Elle effleura la joue de l’homme. Une brûlure vive y apparut aussitôt.
— Aaargh !!!
— C’était mon dernier avertissement. Disparaissez.
Tremblant, le marchand fit un signe à ses hommes. Tous s’enfuirent sans demander leur reste.
— Ils se sont finalement éloignés, constata l’un des hommes.
L’autre, les bras croisés, observait Julz avec admiration mêlée de crainte.
(Elle… elle n’a peur de rien.)
L’enfant, encore sous le choc, s’effondra au sol. Ses mains tremblaient, son souffle était court.
— Comment… comment puis-je agir maintenant ?
Julz s’agenouilla à sa hauteur.
— Tu n’auras pas besoin d’argent.
— Hein ? releva la petite tête, surprise.
— Montre-moi où ils sont.
Un silence s’installa. L’enfant la fixa, les yeux encore humides. Puis elle hocha doucement la tête.
Quelques minutes plus tard, Julz et les deux hommes marchaient en silence, guidés par la fillette jusqu’à un abri en ruine, dissimulé derrière un amas de branches et de débris. À l’intérieur, l’air était lourd, et une odeur de poussière et de sang flottait dans l’atmosphère. La mère de l’enfant était allongée sur le sol, les traits tirés, le souffle faible. À ses côtés, un jeune garçon reposait, inconscient.
La fillette s’approcha timidement de son frère, un sourire fragile au coin des lèvres.
— Grand frère, regarde, je suis revenue avec de l’aide ! Toi et maman allez guérir.
Julz resta à l’écart, observant la scène en silence. Ses yeux s’attardèrent sur la mère. L’état de la femme était critique. Trop critique.
Il est déjà trop tard pour elle, pensa-t-elle, le cœur serré.
Mais elle ne voulait pas briser le fragile espoir qui brillait encore dans les yeux de la fillette. Alors, elle se pencha vers elle et dit doucement :
— Va chercher de l’eau, s’il te plaît.
Sans hésiter, l’enfant s’élança dehors.
À peine avait-elle disparu que la mère ouvrit difficilement les yeux. Sa voix n’était plus qu’un souffle.
— Il est trop tard pour moi… Ne perdez pas de temps…
Julz se rapprocha d’elle, posant une main apaisante sur son front.
— Reposez-vous. Ne gaspillez pas vos forces.
Mais la femme s’accrocha à ses dernières secondes, son regard vacillant accroché à celui de Julz.
— Sauvez mon fils… Il est trop jeune… Ne laissez pas ma fille… souffrir de perdre à la fois sa mère… et son frère…
Julz se tourna alors vers le garçon, s’agenouilla près de lui et posa ses doigts sur son front. Une chaleur subtile passa entre eux alors qu’elle examinait l’origine de ses blessures.
Il souffre de lésions internes… Et il manque cruellement d’énergie magique, constata-t-elle.
Elle posa sa paume sur sa poitrine et murmura une incantation :
— Hoc sana vulnus.
Une lumière douce enveloppa le corps du garçon. Peu à peu, sa respiration devint plus régulière, son teint reprit des couleurs. Il était hors de danger.
Julz se tourna vers la mère, la voix calme :
— Il va s’en sortir.
Un soupir de soulagement traversa les lèvres de la femme.
— Merci… Merci…
Julz lui adressa un sourire plein de compassion.
— Il n’y a pas besoin de remerciements.
Mais la mère ne semblait pas avoir terminé. Avec une dernière étincelle de volonté, elle attrapa la main de Julz, sa peau froide contre la sienne.
— Puis-je vous demander une dernière chose ?
Julz hocha la tête, s’agenouillant à ses côtés pour mieux entendre.
La femme tourna lentement le visage vers elle. Son regard, affaibli mais profond, transperça Julz.
— Si je venais à quitter ce monde, ils se retrouveraient seuls, sans abri ni famille… J’aimerais que vous preniez soin de mes enfants, s'il vous plaît.
Julz fut prise de court. Elle la fixa un instant, incapable de détourner les yeux de cette mère prête à tout pour ses enfants. Puis, d’une voix assurée, elle répondit :
— Je vous le promets. Je veillerai sur vos enfants et les protégerai de tout danger.
Les yeux de la femme se remplirent de larmes. Un sourire apaisé se dessina sur ses lèvres.
— Merci… beaucoup.
Puis, dans un souffle presque imperceptible, elle ajouta :
— Tu lui ressembles tant…
La porte grinça à ce moment-là. La fillette entra, tenant un seau d’eau entre ses mains. Elle souriait, fière d’avoir accompli sa tâche. Mais à peine eut-elle posé un pied dans la pièce que son sourire s’effaça.
Elle s’approcha de sa mère.
— Maman, toi aussi, tu vas guérir…
Mais la voix de la femme n’était plus qu’un murmure brisé.
— Ma fille… tu ressembles tant… à la grande sorcière Kamui…
Puis, lentement, son corps se relâcha. Son souffle s’éteignit dans le silence.
La fillette cligna des yeux, puis se pencha vers elle, la secouant doucement.
— Maman… Maman, tu vas te lever, n'est-ce pas ? Julz va s'occuper de toi… et nous pourrons vivre de nouveaux moments ensemble… on sera heureux…
Julz s’approcha doucement, s’agenouilla à son tour, et posa une main réconfortante sur son épaule.
— La magie ne peut pas ramener les défunts à la vie, je suis désolée.
Le monde de la fillette sembla s’écrouler autour d’elle. Un cri déchirant fusa dans l’air.
— Noooooooooon !
Elle s’effondra en larmes, serrant le corps froid de sa mère contre elle. À ses côtés, son frère entrouvrit les yeux, brièvement. Il vit flou, confus… puis retomba dans l’inconscience.
Julz, bouleversée, se releva avec difficulté. Elle s’éloigna lentement, laissant un instant de silence pour le chagrin.
Elle s’arrêta au seuil de la porte, se tourna une dernière fois vers la fillette.
— Je vais te laisser te calmer. Je vais rester à l’extérieur avec les deux messieurs.
Elle franchit le pas et murmura, presque pour elle-même :
— Votre mère m'a demandé de veiller sur vous. Et je lui ai promis sur son lit de mort que je le ferais.
La petite leva la tête, les yeux encore noyés de larmes, surprise.
— Euh !!!
Julz lui répondit d’un ton posé :
— Je ne fais jamais marche arrière sur mes promesses. Mais la décision te revient. Je t’attends à l’extérieur. Préviens-moi quand tu seras prête.
Elle ferma doucement la porte derrière elle.
Dehors, les deux hommes se retournèrent à son approche. Le plus âgé prit la parole, l’air inquiet :
— Nous avons entendu des cris. Quelqu’un va-t-il bien ?
Julz baissa les yeux.
— Elle vient de perdre sa mère.
Les deux hommes se figèrent. Le plus jeune serra les poings.
— Pauvre petit… Je vais aller la voir.
Mais Julz l’arrêta d’un geste.
— Il vaut mieux la laisser seule. Elle en a besoin.
— Oh… fit-il, résigné.
Julz fixa la porte fermée, le cœur serré. Elle savait que, derrière ces murs, une enfant venait de perdre son monde. Bientôt, pourtant, elle aurait à choisir entre le chagrin… et l’avenir.
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